Pollutions et impunités en RDC au nom de la transition énergétique

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Bananier jauni dans un champ à Yenge, près des mines de SICOMINES. Image de Didier Makal.

LUBUMBASHI, RDC — Le 13 octobre 2023, sur la route nationale 39, un agent de police fait signe de la main de ralentir. La route, étroite, est réduite à une voie unique plutôt que deux habituellement. Une épave fortement accidentée gît sur le côté, à gauche du pont jeté sur la rivière Dikulwe, en direction de la commune de Fungurume, dans la province du Lualaba. À droite, en aval de la rivière, le pont a perdu ses garde-fous et une autre épave gît sur le côté. Un produit jaunâtre traîne encore sur le rivage.

Il a brûlé les roseaux, en contrebas du pont, dans le lit de la rivière. C’est du souffre, un acide utilisé dans l’industrie du cobalt et du cuivre, des minéraux critiques à la transition énergétique, et qui constituent le cœur de l’économie de cette région congolaise. Masques à peine fixés sur leurs visages, des agents nettoient le lieu.

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Dikuluwe: du souffre par terre. Photo de Didier Makal.

Le nettoyage prendra plus d’une semaine, pendant qu’en aval, jusqu’à 5 km au village Kibangabwa, des habitants continuent à ramasser des poissons morts après le déversement de l’acide dans le cours d’eau qui sert aussi d’eau de boisson. Pourtant le jour de l’accident, Jacques Mumba, le chef du service de l’environnement de Fungurume, a voulu assurer qu’il n’y aurait pas de danger pour les populations. Puisque d’après lui, dans ce rapport, la rivière allait se dépolluer seule 30 minutes après.

Rien n’a été fait à l’entreprise qui a déversé ce produit et qui a pris plus d’une semaine pour nettoyer le lieu, sans parvenir à évacuer tout le produit. Puisqu’au 15 octobre, dans l’après-midi, nous apercevons un voyageur en train de ramasser le souffre resté par terre après le départ des nettoyeurs. Le bénéficiaire de ce produit, lui, semble protéger des autorités locales, et le nom de l’entreprise de transport tenu secret.

En RDC, un tel déversement des produits toxiques par une entreprise, telle qu’à Fungurume, n’est pas rare. Dans ce pays où opèrent des centaines de sociétés minières, plusieurs sociétés persistent dans les violations environnementales et profitent presque de l’impunité totale. Et lors de la ruée vers les minéraux critiques, dont la province de Lualaba est riche, les habitants aux alentours des mines craignent que ` ` leur santé et leurs paysages ne soient sacrifiés. Certaines violations graves qui coûtent la vie à des dizaines de personnes peinent à être dûment réglées alors que les victimes continuent de réclamer des réparations.

Cette enquête a conduit Mongabay dans plusieurs villages dans la province du Lualaba touchés par ces contaminations et violations des droits humains pour évaluer l’état des dommages qui n’ont pas encore été résolus.

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SOURCE: RAID

Bye bye Kabombwa

Ces scènes de pollution, comme celles de la rivière Dikulwe sont des plus ordinaires et fréquentes dans la région où opèrent plus de 200 compagnies minières. À 14 km de Fungurume, la commune rurale située à environ 1h30 de Kolwezi, 11 personnes ont perdu la vie au village Kabombwa à cause de la pollution de la rivière entre 2020 et 2022, selon l’ONG Afrewatch. La société chinoise Tenke Fungurume Mining (TFM), titulaire d’une concession minière de 1 437 km carrés contenant de nombreux gisements de cobalt et de cuivre, a installé à proximité une usine de production de la chaux.

Cette usine, établie sur un dénivellement supérieur au niveau de la rivière Kabombwa qui donne le nom au village qu’elle longe, a déversé plusieurs fois des eaux acides dans le cours d’eau. Tous les habitants ont quitté ce village en février 2024, hormis 2 qui réclament encore des compensations justes. Ceux qui ont quitté ont reçu 5 000 USD pour chaque propriétaire de maison et 3 000 USD pour chaque locataire, d’après un agent de la mairie de Fungurume.

D’après Afrewatch, TFM n’aurait pas consulté les habitants de Kabombwa et ne les aurait pas informés des impacts environnementaux, comme l’exige pourtant le code minier. Les témoignages des habitants corroborent cette accusation à Kabombwa. Toutefois, il est possible d’accéder, en ligne, à des documents comme l’analyse de l’étude d’impact environnemental de 2007 et l’addendum de 2022. Bien plus, ces derniers renseignent que les premiers problèmes sanitaires se manifestent dès la mise en service de l’usine de chaux en 2020 — il y a 4 ans. Le village d’environ 1 000 ménages, qui vivait tranquillement jusqu’alors de l’agriculture, est bouleversé.

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Bananier jauni dans un champ à Yenge, près des mines de SICOMINES. Image de Didier Makal.

« Nous avons connu des situations diverses : des éruptions cutanées, beaucoup de naissances prématurées. Des enfants ont été nés avec des anomalies. Les plus nombreux sont les mort-nés, et à ce jour, nous ne consommons plus l’eau de cette rivière », explique Mumba Léonard, 70 ans révolus, habitant de Kabombwa. Son avenir, depuis cet incident, Mumba le voit ailleurs : « Avant leur départ, les Américains [TFM appartenait à l’américaine Freeport McMoran avant de passer sous les capitaux chinois, NDLR] avaient annoncé [aux habitants de Kabombwa] qu’une “usine dangereuse” allait être installée tout près, et qu’il fallait s’y opposer ».

Pour Ngoy Kipopo Maximien, qui vit à Kabombwa depuis 1998, l’eau de la rivière cause des démangeaisons, depuis l’installation de l’usine à chaux. À force de se gratter, apparaissent des plaies sur la peau.

« Même si nous vous soignons, vous connaîtrez toujours les mêmes problèmes : vous n’aurez pas de répit. Il faut quitter le village », répète Ngoy, le 15 octobre 2023, l’avis des professionnels où ses enfants ont été soignés pour des éruptions cutanées.

TFM est une filiale de la CMOC (China Molybdenum) qui en détient 80 % d’actifs, les 20 % autres actifs revenant à la société publique congolaise Gécamines (Générale des carrières et des mines). L’américaine McMoran Freeport l’a cédé à CMOC à 2,6 milliards USD en 2016. Mais CMOC démarre sur une crise profonde avec son partenaire Gécamines qui l’accuse en 2022 d’avoir menti sur ses réserves minérales et qui lui réclame 7,6 milliards de dollars, avant de trouver une entente. La même année, TFM exporte 127 055,15 tonnes soit une valeur plus de 1,2 milliards USD pour 9 552,84 USD la tonne en décembre 2022, selon les chiffres du ministère des mines. Avec cette société, les compagnies chinoises contrôlent aujourd’hui un peu plus de 70 % des productions de cobalt congolais.

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Fuir la pollution aux cités Gécamines et Musonoïe

Le cobalt est un métal critique dont le rôle s’est apprécié au cours de la dernière décennie pour l’élaboration des technologies qui portent la transition énergétique. C’est notamment dans la production des batteries lithium-ion censées amplifier la réduction de la consommation des énergies fossiles dans le monde. Dans cette marche énergétique et écologique, le Congo qui détient plus de 64 % des réserves mondiales de cobalt connues à ce jour, soit 3 500 000 tonnes de cobalt et 31 millions de cuivre, aurait pu devenir un acteur majeur et tirer profit de ce métal précieux.

Or, de nombreux habitants des alentours des sites d’exploitation de cette ressource vivent des situations parfois périlleuses pour leur santé et pour leur vie. Les pollutions, doublées parfois des dégradations des habitations, mettent en insécurité permanente les habitants, souvent incapables de se réinstaller eux-mêmes ailleurs. C’est le cas des cités Gécamines, près du centre-ville de Kolwezi, et Musonoïe voisine de la première, où les opérations de minage de la société chinoise COMMUS (Compagnie minière de Musonoïe) ont détruit plusieurs habitations.

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En 2022, le quartier Gécamines a vu près de 40% de son espace devenir une carrière minière et 209 ménages partir dans un processus de délocalisation controversé. Photo de d’Eric Cibamba.

« Le Congolais vit chez lui comme s’il était en prison », s’indigne le coordonnateur national du Centre congolais de lutte anti-mines, Emmanuel Lokinu. Ce 29 octobre 2023, il vient de découvrir les dégradations des maisons à la cité de Musonoïe.
« Comment se fait-il qu’une société étrangère [COMMUS, NDLR] arrive dans notre pays, je ne sais même pas si cette société-là est en règle administrativement, et miner en pleine cité habitée ? C’est vraiment inacceptable et inadmissible. On a visité quelques maisons. Je ne sais pas s’il y a la pluie demain, les maisons ne vont pas s’écrouler sur ces gens-là », a déclaré Emmanuel Lokinu.

La mine de COMMUS s’est dangereusement rapprochée des cités de Musonoïe et Gécamines, bâties durant la colonisation belge pour les employés de la Gécamines. Certains habitants exigent d’être dédommagés en vue de quitter le lieu. Mais, jusqu’en 2023, COMMUS n’a délocalisé que 209 habitants de la cité Gécamines identifiés parmi les plus proches de la mine. Chaque foyer a reçu entre 25 000 USD, selon des sources locales dont le média Wangu TV, et 100 000 USD pour certains habitants, selon l’avocat de COMMUS. Par contre, les habitants disent que les 25,000 USD proposés ne permettent pas de payer ou de se construire des maisons, qui coûtent entre 40 000 et 100 000 USD.

Plusieurs parmi les 38 000 habitants de cette cité restent ainsi exposés aux bruits, vibrations, poussières et dégradations de leurs maisons. Or, d’après le code minier, COMMUS est censée, après avoir consulté la population avant toute activité d’exploitation, prendre des mesures d’atténuation et de réhabilitation « supprimant ou réduisant les nuisances en bruits et vibrations causées par les activités d’exploitation », précise cette réglementation.

Pour Schadrack Mukad, leader de la société civile du Lualaba, toutes les personnes exposées à ces dangers doivent être délocalisées par COMMUS. En saison sèche, explique-t-il, « les habitants ne savent pas rester dehors ni exposer leurs habits au séchoir après la lessive ». Bien plus, du fait des creusages profonds dans la mine, « la nappe phréatique des quartiers Gécamines et Musonoie s’est davantage éloignée en profondeur à tel point que pour trouver l’eau de forage, il faut aller à 100 ou 150 m de profondeur », explique Schadrack Mukad.

Quant à Jean-Pierre Kamb, géologue qui travaille avec les consultants en prospection et évaluation des gisements à Kolwezi, explique que l’exposition des habitants de Kolwezi à la pollution est aujourd’hui sérieuse, « même pour ceux qui ne travaillent pas dans le secteur minier ».

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Adélard Makonga, un résident qui a refusé de partir et d’être délocalisé, est assis sur le site minier de la Gécamines. Il a exigé une « délocalisation légale » et une meilleure compensation pour la relocation. Photo d’Eric Cibamba.

Selon un message de la société minière à Mongabay, les délocalisations sont gérées par une commission pilotée par le gouvernement provincial qui a reçu les fonds de l’entreprise en guise de délocalisation. Le gouvernement provincial n’a pas donné suite aux questions de Mongabay lors de la publication.

Les mines, le poumon économique du Congo

L’exploitation minière joue un rôle important dans l’économie et les emplois de la région, avec des entreprises étrangères et nationales comme grands acteurs. Face à la puissance et à l’influence de nombreuses entreprises, les citoyens ont l’impression que bon nombre de leurs réclamations ne sont pas entendues. Et avec la société Gécamines comme actionnaire de beaucoup de ces grands acteurs, les experts juridiques et les résidents touchés par l’exploitation minière réclament que le pays doit encore plus s’assurer qu’ils respectent les droits environnementaux et humains. Toutefois, de nombreuses enquêtes, y compris celle-ci, mettent en évidence que la Gécamines est soit complice de l’impunité dont bénéficient les entreprises, soit victime.

Par exemple, COMMUS est une filiale de la chinoise Zinjin Mining, une société liée au gouvernement chinois à travers une société d’investissement publique (Minxi Xinghang State-owned Investment & Operation Co., Ltd.) qui détient 23,11% de ses actions. Zinjin Mining détient 72 % des actifs de COMMUS acquis en 2014 et 2016 de la chinoise Zhejian Hayou Cobalt. La Gécamines en détient, pour sa part, 28 % d’actifs. La compagnie chinoise contrôle déjà Kamoa, l’un des futurs géants du cuivre qui est aussi une joint-venture entre le canadien Ivanhoe (39.6 %, cotée en bourse), le chinois Zijin Mining (39.6 %) et l’État congolais (20 %).

Or, Kamoa et COMMUS ont été indexées par un rapport conduite de 2019 à 2021 par le Centre Carter sur le dévasement des matières toxiques dans les cours d’eau dans le territoire de Mutshatsha, pour Kamoa, et la dégradation des habitats COMMUS à Kolwezi. Alors que les pays d’origine de ces investissements miniers, le Canada et la Chine, n’ont pas assuré le suivi de la mise en place de leurs politiques à l’étranger à travers leurs entreprises, indique le rapport, l’État congolais n’a pas non plus protégé ses citoyens et fait respecter ses lois.

« Les communautés ont formulé plusieurs plaintes et dénoncé l’étonnant silence de l’État Congolais dont les services se sont montrés moins concernés », indique le rapport.

Pour le défenseur des droits humains Donat Kambola, « dans plusieurs cas, les victimes n’ont pas été rétablies dans leurs droits. Il n’y a pas eu de réparation » alors que certains cas traînent depuis 5-6 ans, et que de nouveaux cas apparaissent. « Et donc, c’est au niveau de l’État qu’il y a une forme de non-État : l’autorité est presque absente, le contrôle inefficace et les entreprises profitent de cette inaction de la part de l’État », assure Donat Kambola.

Pourtant, les sociétés minières privées jouent un rôle important dans l’économie nationale en RDC. Elles contribueraient à hauteur d’au moins 1 milliard de USD, entre 2022 et 2023, d’après le média de la mission onusienne au Congo Radio Okapi. Dans une économie dépendante des ressources naturelles, et où l’influence des personnalités publiques est importante, ces sociétés se politisent facilement. C’est le cas de certaines sociétés parmi les 6 qui font l’objet de cette investigation, qui sont partenaires de l’État congolais dont les actifs vont de 20 à 49 %.

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Des dirigeants de la Gécamines étaient éclaboussés en 2023 par un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF), service public dépendant de la présidence de la République, dans une affaire de partage de 10 millions de dollars. Dans ce rapport de mai 2022, l’IGF a montré, à la suite des ONG, que la Gécamines n’a toujours pas publié 6 contrats miniers qu’elle a signés avec des sociétés privées entre 2000 et 2008. Le niveau d’implication des politiques est tel que, selon l’IGF, certaines sociétés partenaires de la Gécamines sont nées sans apport de capitaux propres, l’État congolais ayant offert les gisements miniers qui ont servi, en plus, à payer les dettes contractées par les partenaires de la société publique congolaise.

Pour couronner le tout, la Gécamines n’a reçu que 564 millions de USD de royalties tirées de ses partenariats, « soit 1,6 % alors que les partenaires de la Gécamines ont réalisé un chiffre d’affaires global évalué à 35 milliards de USD » de 2012 à 2020. En tout, le manque à gagner, durant la même période, s’élève à plus de 360 millions USD pour la seule TFM qui ne payait pas de royalties, selon le même document de l’IFG.

Dans ce contexte, la RDC aurait perdu 1,95 milliards de dollars et pourrait perdre encore 3,71 milliards de dollars dans les années à venir, d’après l’enquête financière la plus récente de Le Congo n’est pas à vendre, une coalition de la société civile congolaise anti-corruption. Le pays pourrait perdre aussi près de 2 milliards (1,76 milliards de dollars) dans les projets miniers de KCC et de Mutanda Mining.

Le nom de l’israélien Dan Gertler, et derrière lui « le clan Kabila », d’après l’expression de certains médias, avec l’ancien président Joseph Kabila lui-même qui est ami du magnat israélien, ont été plusieurs fois cités dans des contrats miniers opaques impliquant la Gécamines dans ces partenariats de joint-ventures. Dans les projets miniers de KCC (Kamoto Copper Company) et Mutanda Mining, Dan Gertler gagnerait des royalties de 200 000 USD par jour, jusqu’en 2039. Le président Tshisekedi a, toutefois, renégocié certains de ces contrats et a permis à la RDC de récupérer des actifs d’une valeur de 2,5 millions USD d’actifs.

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Les victimes oubliées, dépourvues des moyens de subsistance

Les conséquences de la paralysie de l’administration environnementale congolaise font que les victimes des pollutions et dégradations attendent longtemps leurs indemnisations et désespèrent. Pour l’activiste des droits humains Donat Kambola de Kolwezi, « il y a une forme d’inaction de la part des organes étatiques qui sont censés faire le contrôle et le suivi du secteur minier. Il y a une forme d’impunité ».

En mars 2022, par exemple, la commission d’enquête conduite par le Bureau de l’environnement sur une accusation de pollution par eau acidifiée, ayant touché les champs de Yenge dans la périphérie de Kolwezi, s’est limitée à la co-entreprise Sino-Congolaise des mines (SICOMINES), à environ 1 km de Yenge, à vol d’oiseau, et à quelque 500 mètres des champs supposés pollués. Son rapport ad hoc n’examine cependant pas les témoignages des habitants et se contente de louer les « investissements colossaux » et sa protection de l’environnement. Pourtant, à Yenge, les cultures de manioc pourrissent encore à ce jour, la canne à sucre et les bananiers croissent trop lentement et ne sont plus rentables comme nous avons pu l’observer en octobre 2023, depuis le déversement des eaux acides parties d’un bassin de rétention.

« Nous étions allés jusqu’au bassin qui avait cédé. Il n’y avait pas moyen d’y aller par le marécage pour retirer les filets de pêches ou prendre des récoltes », explique Jean, 40 ans environ, habitant de Yenge.

« Jusqu’à ce jour, le manioc pourrit », commente Ngoyi wa Ilunga, habitant du village, en montrant un manioc dégradé. Il s’indigne : « Qu’allons-nous manger ? L’État qui devrait veiller sur nous ne le fait pas. Nous souffrons de telle manière ! Ils étaient venus ici et nous avaient fait des promesses : ils sont partis pour toujours ».

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Quant à Cathy Katende, habitante de 70 ans révolus, les mauvaises récoltes causées par la pollution du sol ont fait baisser ses revenus. « On a suivi [après l’accident, en février 2022] SICOMINES pour réclamer des réparations. Ils ont promis de venir. Jusqu’à ce jour, on n’a vu personne passer », explique-t-elle.

Pour sa part, SICOMINES rejette les accusations de pollution et brandit un rapport conjoint des services environnementaux dépêchés quelques jours après l’incident de Yenge et qui conclut qu’il n’y a pas eu débordement des eaux à partir de son usine. Mais elle n’a plus répondu au sujet des résultats des analyses tutelles par la Division provinciale des mines sur les échantillons de sol et d’au prélevés à l’occasion. Les résultats de ces échantillons n’ont pas encore été partagés avec Mongabay.

Le sentiment à Yenge est le même qu’expriment à Mongabay les victimes de déversement des eaux acidifiées ayant envahi les champs à Sapatelo, à la cité Luilu, toujours à Kolwezi, par KCC qui est toujours attendue. Dans un autre cas, Mutanda Mining, la filiale de l’anglo-suisse Glencore, comme cette dernière, n’a pas toujours finalisé dûment le processus d’indemnisation des victimes d’un accident qui a coûté la vie à 21 personnes en 2018 au village Kabwe, sur la nationale 39 à quelques dizaines de kilomètres de Tenke, vers Kolwezi. Mutanda Mining et sa maison-mère ont rejeté la responsabilité sur leur partenaire de sous-traitance Access Logistics qui devait assurer le transport de l’acide sulfurique à l’origine de cet accident qui avait fait disparaître certaines victimes dans de l’acide.

Nos efforts pour obtenir les réactions des sociétés citées, hormis la SICOMINES et COMMUS, n’ont pas abouti. Ce silence, pour Aimérance Kamisongo, habitante de Sapatelo fatiguée d’expliquer son problème aux journalistes et activistes de la société civile, est bien la preuve que les sociétés minières ne craignent même pas l’État congolais.

« Nos autorités sont, dans la plupart des cas, en conflit d’intérêt », dit le défenseur des droits humains Donat Kambola, de Kolwezi. Il désigne, pour cause, entre autres, la forte politisation du secteur minier. « Beaucoup de gens entretiennent des relations d’affaires avec les entreprises minières. Cela fait que les gens privilégient leurs intérêts plutôt que les intérêts des communautés ».

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Ce reportage a été réalisé avec le soutien du Rainforest Investigations Network en partenariat avec Pulitzer Center.