Kinshasa : survivre par la débrouillardise dans un climat d'adversité économique

Des chips de manioc en vente
Des chips de manioc en vente

En RDC, trouver un emploi dans la fonction publique ou dans un secteur de l'économie moderne privée relève de l'exploit. La pauvreté persiste depuis des années. La Banque mondiale révélait en 2023 qu'environ 74,6 % des Congolais vivaient avec moins de 2,15 dollars par jour.

À Kinshasa, par exemple, où la superficie est de 9 965 km², des millions d’habitants qui y vivent se démènent pour survivre. Ils sont contraints à se battre bec et ongles pour assurer leur survie, ayant comme principale solution la débrouillardise, c’est-à-dire la quête d’opportunités, bonnes ou mauvaises.

Chefs de familles, femmes, jeunes, analphabètes, diplômés tentent de se forger une source de revenu pour scolariser leurs enfants, payer le loyer, manger, se soigner, s'habiller, etc.

Pour trouver juste de quoi se nourrir et prendre soin de ses petits-enfants, une veuve rencontrée à Barumbu recourt à la débrouillardise depuis 18 ans. Elle vend des chikwangues, des poissons salés et des piments.

« Je suis obligée de me réveiller très tôt chaque matin et de me tenir sous mon parapluie pour vendre mes petites marchandises afin de subvenir aux besoins de mes petits koko [enfants], orphelins ; ils n'ont que moi comme soutien. Le pays ne nous aide en rien, et on ne va pas baisser les bras. Je veux bricoler pour que mes petits-enfants ne perdent pas espoir », confie-t-elle pendant qu’elle emballe ses chikwangues.

De son côté, Esther Olenga, une jeune diplômée de 19 ans, se plonge dans la débrouillardise pour répondre à ses besoins primaires afin de ne pas tomber dans les pièges de prédateurs sexuels.

« Je me suis lancée dans ce petit commerce, il y a un an. Je prépare des chips de manioc et les vends devant une école. J'achète la farine à 5000 FC, un litre d'huile à 6500 FC, les braises à 1000 FC et ensuite les épices à 1500 FC. Si je vends bien, je peux bénéficier de 10 000 FC. Mes clients sont surtout les élèves ; si ce sont des passants, cela devient compliqué, il me faut 3 à 4 jours pour me retrouver », explique-t-elle.

Par ailleurs, bien que la débrouillardise ne soit pas facile, certaines personnes se sont fait des souvenirs. C'est le cas de Maman Sabine, qui a dépassé la cinquantaine et est parvenue à acheter un terrain dans la commune de N’djili. « Je vends des braises depuis 20 ans dans mon quartier. J'épargnais régulièrement un peu d'argent et, l'année passée, j'ai acheté mon petit terrain. Ça n’a pas été facile, mais j’ai persévéré », affirme-t-elle.

D'autres femmes rencontrées au rond-point Phoenix se sentent fières d'avoir scolarisé leurs enfants et estiment que c’est largement suffisant comme souvenir.

Notons que ce phénomène de débrouillardise pour la survie chez les Kinois, désigné par l’expression « Article 15 » chez l'homme de la rue, n’a pas échappé aux autres villes de la République démocratique du Congo. Pire, même des personnes âgées en âge avancé bricolent pour subvenir à leurs besoins.

Merveille Assani