C’est dans la cour de la résidence de l’ambassadeur de France en RDC que la cérémonie de remise de l’insigne de Chevalier des Arts et des Lettres de la République Française s’est déroulée, ce mercredi 6 mars, dans la soirée. Un moment rempli d’émotions pour la reconnaissance à laquelle l’artiste ne s’attendait pas de si tôt. L’ambassadeur français en RDC, Bruno Aubert lui a remis officiellement l’insigne devant quelques invités.
Freddy Tsimba qui se considère, lui et tous les artistes, comme du sel dans l’eau, reconnaît les difficultés qui émaillent la vie artistique en RDC. Pour ce faire, il dédie ce prix à tous les artistes congolais. Il estime que si le Congo mettait en avant la culture, il aurait beaucoup à gagner car le pays est doté de richesses culturelles sans égal comme dans son sous-sol.
Fier de son travail, Freddy Tsimba pense que les éléments qui ont concouru à ce choix sont ses qualités de créateur, de quelqu’un de libre, qui pense qu'au-delà de la vie, il y a quelque chose de spécial qui reste, c’est la culture. Le désormais chevalier des Arts et des Lettres de la République Française recommande aux jeunes artistes l’assiduité, la détermination et la foi à ce qu’ils font. Mais également toujours se remettre en question pour mieux évoluer.
« Ce prix va donner de la détermination aux jeunes et à d’autres artistes. Je ne suis pas le premier à être décoré mais ça peut les motiver en me voyant et de dire qu’ils peuvent faire mieux. C’est l’art et la culture qui triomphent. Je suis fier de montrer ça aux autres en disant que c’est le début de quelque chose, on ne s’arrête pas à ça, en cherchant à faire mieux », a déclaré Freddy Tsimba.
En France, l'ordre des Arts et des Lettres, institué par le décret du 2 mai 1957, récompense les personnes qui se sont distinguées par leurs créations dans le domaine artistique ou littéraire ou par la contribution qu'elles ont apportée au rayonnement des Arts et des Lettres en France et dans le monde.
Fierté artistique congolaise
Né à Kinshasa il y a 56 ans, Freddy Tsimba a fait ses études artistiques à l’académie des beaux-arts. Il s’est intéressé très tôt aux métaux, à la soudure et c’est ainsi qu’il a passé près de 5 ans auprès d’un maître soudeur pour parfaire ses capacités. L’ensemble de son œuvre peut se résumer par des mots tels que les femmes, la récupération, le métal, la vie et la guerre.
« Les femmes représentées dans l’œuvre de Freddy sont d’une grande beauté, une beauté dans la fragilité et traversées par le thème de la déchirure, de l’enfantement. C’est un travail qui est une espèce de témoignage et de célébration de la vie. Et on sent bien que la vie est toujours un écho de la guerre, des désastres de la guerre, des affres de la guerre, de ses dégâts sur des êtres et sur l’environnement », a indiqué Bruno Aubert, ambassadeur de la France en RDC.
Ce prix est un couronnement d'une carrière de Freddy Tsimba qui a déjà fait parler d’elle dans le monde. De nombreux prix tels que la médaille d’argent aux jeux de la francophonie, le prix du meilleur Artiste Plasticien en RDC, le diplôme d'honneur au 48e salon International des arts plastiques de la ville de Béziers en France. Et plusieurs expositions de ses œuvres à des endroits très symboliques parlent à sa place et de sa touche artistique.
Dans son travail, il utilise des objets récupérés pour créer des œuvres d’art. Manchettes, cuillères, sachets mais aussi et surtout des douilles constituent les ressources de son travail depuis environ une trentaine d’années. Il fait partie des noms qui s'exportent le mieux en matière d'art contemporain made in RDC.
« La douille est créée pour tuer et quand ça vient au Congo, c’est pour tuer. Elle vient au Congo sans Visa ni passeport, elle vient pour ôter des vies. Je me pose la question, comment un élément comme cela peut arriver à transcender autant d’argent et à la fin, c’est pour ôter des vies. Dans mon travail, je veux que l’humain se pose des questions et donne des solutions », a ajouté Freddy Tsimba.
Le plasticien travaille essentiellement sur la mémoire, il interroge les matières, parle de la vie et son pendant, la mort, avec les différents éléments qu’il rassemble : douilles de cartouches, machettes soudées, cuillères ramassées par les enfants de la rue - communément appelés Shegués -, clés, tapettes de souris, armes cassées. Au-delà de ces objets, c'est le triomphe de la vie qui est scandé. Il ne revendique pas un pays mais plutôt l'universalisme, le triomphe de l'homme.
Kuzamba Mbuangu