Lettre aux évêques catholiques : un prêtre accuse la CENCO de prêter des béquilles à l'opposition

Une paroisse catholique à Kindu (Illustration)
Une paroisse catholique à Kindu (Illustration)

Après le Communiqué de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) sur l’évaluation des élections combinées du 20 décembre dernier en République démocratique du Congo (RDC),  l’Abbé François  KABASELE-LUMBALA  prêtre catholique retraité du diocèse de Mbujimayi, dans le Kasaï-Oriental accuse « un groupe d’Evêques catholiques »  d’apporter leur soutien à l’opposition. 

Ce prêtre catholique se fonde sur la rhétorique et le choix des mots des évêques dans leur prise de parole sur la situation politique en RDC. 

« Les avis et accusations émanant de l’oppositions ont relayés à toutes les occasions ; et très rarement les avis du gouvernement et des responsables sociaux de l’État sont rapportés tels quels ; très souvent c’est le pessimisme qui règne dans ces papiers ; il faut y glaner de rares mentions positives, du côté de l’Etat », commente-t-il au sujet des publications de la commission épiscopale de la communication sociale. 

« Il y a du pourri dans le fruit, mais tout le fruit n’est pas pourri »

Les élections du 20 décembre 2023  ont été émaillées de la fraude et de la corruption selon plusieurs missions d’observation électorale dont celle des églises catholique et protestante (MOE CENCO-ECC). Pour éviter ces irrégularités dues notamment au déploiement tardif des kits électoraux dans les centres de vote, la CENCO avait estimé que les scrutins auraient dû être prorogés d’ une semaine. 

L’abbé Kabasele note que c’est la même revendication de l’opposition. Dans ses récentes déclarations devant la presse, Martin Fayulu est revenu sur la possibilité que les élections auraient dû se tenir le 30 décembre comme en 2018, au lieu du 20 décembre.  

Dans leur lettre du  16 janvier, les prélats catholiques se montraient catégoriques vis-à-vis des fraudes et de la corruption : « celui qui se livre à la fraude n’habitera pas dans ma maison », écrivaient-il en paraphrasant un texte biblique.

Un langage quasi-similaire avec celui de l’opposition, qui a toujours sa part évoqué le principe juridique selon. « la fraude corrompt tout ». L’abbé Kabasele ne voit pas pour sa part tout en noir: « Oui, il y a du pourri dans le fruit, mais tout le fruit n’est pas pourri ; il n’est pas à jeter à la poubelle », rétorque-t-il. 

Soutien à Corneille Nangaa?

Corneille Nangaa, ancien président de la commission électorale nationale indépendante (CENI) en RDC a créé depuis décembre 2023 un mouvement subversif allié au M23 et au Rwanda pour renverser le pouvoir de Kinshasa. L’abbé Kabasele note que dans un des numéros récents,  la commission épiscopale de communication sociale, « sans aucun bémol, se fait l’écho de Corneille Nangaa ainsi que de ses incitations à la déstabilisation et au renversement des institutions de la République. Nous ne pouvons pas laisser notre Eglise catholique devenir le haut-parleur des groupes de déstabilisation de la République », estime-t-il. 

Et d’ajouter. 

« Mes Seigneurs les Evêques, nombreux sont prêtres et fidèles catholiques qui se lassent de votre soutien unilatéral et subjectif aux « opposants », soutien faussement présenté comme collectif aux Evêques catholiques ».

La vraie mission des évêques

Pour l’abbé Kabasele, la mission prophétique dont se prévalent les évêques n’est pas leur monopole.  « L’ordination épiscopale ne vous donne pas le monopole du don de « prophètes » en matière sociale et politique; l’Eglise comme institution, mais aussi tout baptisé, est « prophète » ; être prophète dans l’économie du salut en Christ, ce n’est pas semer le désarroi et le doute dans les consciences ; être prophète, c’est indiquer la volonté de Dieu, c’est prêcher à chacun la conversion à l’amour de Dieu et du prochain », écrit-il. 

Selon lui, les  prélats catholiques devraient à leur tour rendre compte à l’Etat qu’ils accompagnent dans plusieurs domaines de la vie. « C’est de plus en plus rare d’entendre fustiger l’exploitation de la foi des fidèles dans les quêtes innombrables organisées au sein de nos assemblées cultuelles au profit du bien-être de nos prêtres et pasteurs ; avons-nous été honnêtes avec l’Etat congolais qui nous a confié de grosses sommes d’argent pour des œuvres sociales ? », interroge-t-il. 

Les  évêques devraient plus songer l’amélioration de la qualité des prédications dans les paroisses, estime l’abbé François Kabasele. « Elles sont rares sur vos lèvres, les remontrances à la qualité médiocre des prédications au cours des messes, prédications qui s’alignent de plus en plus sur les campagnes d’évangélisation et les harangues interminables propres aux Eglises de réveil, ignorant carrément qu’une homélie chez les Catholiques est un acte liturgique », déplore-t-il. 

Pour ce prêtre qui ne prétend pas donner des leçons aux évêques, son appel s’inscrit dans le « souci  de partage et de piété filiale ».

«Je vous en prie, n’enfermez pas l’Eglise catholique dans les opinions et penchants politiques de certains d’entre vous, qui profitent du poids de l’institution catholique pour peser sur l’opinion publique ; ce serait funeste pour notre Eglise. Il est grand temps que l’on réorganise ce secrétariat général de la CENCO et que l’on confie à un journal catholique aux mains des journalistes clercs et laïcs catholiques, indépendants de la CENCO, le soin de diffuser des opinions et analyses politiques des situations, selon le flair des valeurs évangéliques », conclut-il. 

Bruno Nsaka