Le Président Félix Tshisekedi est déjà en possession du rapport de la table ronde sur l’évaluation de l’état de siège en vigueur dans les provinces de l'Ituri et du Nord-Kivu. Des consultations auprès des responsables des institutions ont été entamées avant de lever une option finale sur l'avenir de cette mesure d'exception.
Pour Reagan Miviri, chercheur et analyste sur la violence pour le compte du Groupe d'études sur le Congo (GEC) et l'Institut Ebuteli, la tenue de la table ronde sur l'état de siège valait la peine au regard de son bilan mitigé sur terrain deux ans après sa proclamation.
"Il était temps que l'état de siège soit enfin évalué de manière dépassionnée, cette initiative a eu lieu et maintenant il est question de savoir ce qu'on fait des résolutions de cette table ronde, on a vu que la majorité de personnes était pour la levée de l'état de siège et je pense que c'est à juste titre parce que l'état de siège est un échec sécuritaire que politique. Sécuritaire parce que la situation s'est empirée sur le plan sécuritaire, on a vu qu'il y a eu malheureusement prolifération des groupes armés. D'ailleurs il y avait des groupes qui n'existaient plus notamment le M23 qui a ressurgi, on a vu les ADF élargir leurs zones d'influences, aujourd'hui ils sont dans la province de l'Ituri à Mambassa, Irumu alors qu'ils étaient à l'époque cantonnés dans le territoire de Beni", a déploré Reagan Miviri, chercheur et analyste sur la violence au cours d'un entretien accordé à ACTUALITE.CD mercredi 23 août.
Et de poursuivre :
"Sur le plan politique, il y a eu aussi des grandes difficultés dans la gestion de ces deux provinces sous état de siège. Les autorités militaires qui ont été mises en place n'ont pas su gérer dans une transparence étant donné qu'elles n'ont pas été contrôlés par les Assemblées provinciales qui sont en congé mais aussi elles n'avaient pas de l'expérience parce qu'elles n'ont jamais été préparées à une gestion administrative, ce sont des militaires, préparés pour être au front, pas pour être dans des bureaux administratifs. Il y a des projets qui en ont souffert mais aussi le contact avec la population a été difficile étant donné que les gens n'étaient pas habitués à cette mesure exceptionnelle".
Le retour de l'État est la meilleure alternative à l'état de siège
Favorable à la levée de cette mesure, Reagan Miviri, chercheur et analyste sur la violence propose des pistes de solutions de ce qui doit se faire après la fin de l'état de siège.
"Il me semble que l'alternative à l'état de siège c'est l'État et ça se voit on ne peut pas penser qu'on va tout simplement résoudre toutes les questions dans une période exceptionnelle, il est important de construire l'État sur toute l'étendue du territoire mais aussi il est important que les militaires reviennent dans leur travail quotidien, on a besoin d'eux sur le front, on a vu comment pendant l'état de siège au lieu qu'il y ait plus d'opérations il y a eu moins d'opérations. Ce qui a fait qu'on voit exactement que l'état de siège n'a pas atteint les attentes. Les gens ont acclamé l'état de siège quand il est arrivé parce qu'ils pensaient que cette fois-ci il va y avoir des opérations de neutralisation des groupes armés, des campagnes de sécurisation des populations mais cela n'a pas été fait, la protection des civils reste encore un très grand problème dans beaucoup de zones de ce pays", a-t-il fait savoir.
Trouver des vraies solutions aux problèmes qui se posent
Parmi les problèmes qui sont à la base des conflits récurrents dans l’Est du pays, le chercheur propose de régler notamment "la question de la terre dans le territoire de Masisi et de Rutshuru, la question du partage équitable des ressources avec les populations qui sont autour des zones minières et veulent participer à l'exploitation soit artisanale soit bien encadrée".
"Mais aussi la question de la protection des civils doit être une priorité parce qu'il y a certains groupes armés qui surfent sur cela pour se présenter comme ceux qui vont protéger une certaine population et ça fait que l'État, les Forces Armées ne soient pas les bienvenus dans ces zones là parce que les gens pensent qu'ils vont se faire protéger par quelqu'un de leurs tribus ou ethnies, ça doit cesser et l'État doit reprendre son pouvoir dans toutes ces zones là. C'est un processus, ça va prendre du temps mais il vaut mieux le faire que de penser que dans une période exceptionnelle qu'on va tout changer et l'état de siège nous a montré que ce n'était pas possible".
Durant trois jours, les participants aux travaux à savoir, des membres du gouvernement, des députés nationaux et sénateurs, les présidents des assemblées provinciales et leurs adjoints, les gouverneurs civils remplacés par les militaires, les dirigeants de la FEC, les dirigeants de la société civile, etc. ont réfléchi sur les forces, les faiblesses, et les autres contours de l'état de siège en vue d'éclairer et d'orienter la décision du président de la République sur son maintien, sa requalification ou sa levée pure et simple.
À moins de six mois de la tenue des élections, des acteurs politiques attendent voir cette mesure levée pour bien se lancer dans les activités politiques (dépôt des candidatures et campagne électorale) qui selon eux, pendant l'état de siège ne sera pas facile. Cette mesure exceptionnelle est décriée par plusieurs acteurs sociopolitiques de ces deux entités faute de résultats sur le terrain. Les violences armés perpétrées par les forces négatives ne font que s’accentuer.
Clément MUAMBA