Par Sandro Masaki, Doctorant en Génie Électrique (Université de Pretoria) et Chef des Travaux (Faculté Polytechnique, Université de Kinshasa)
La récente mise en place des animateurs du Conseil Congolais de la Batterie par le Président de la République aura été précédée quelques semaines auparavant par une nouvelle baisse très sensible du prix du Cobalt. Coté à 82 000 $ la tonne entre mars et mai 2022, ce métal tant convoité a vu son cours passer sous la barre des 35 000 $ la tonne fin février 2023. Trois raisons expliquent cette chute de cours : (1) La baisse sensible de la demande des batteries autrefois stimulée par l'explosion des ventes des composants et des équipements électroniques durant la pandémie ; (2) L'augmentation. de l'offre du Cobalt avec l'accroissement de la production de petits producteurs comme l'Indonésie ; (3) L'effort déterminé des fabricants de batteries de réduire la part du Cobalt dans leur production au profit d’autres matières.
S'il n'est pas exclue que la demande pour les batteries repartira tôt ou tard à la hausse en raison essentiellement l’augmentation des ventes des véhicules électriques, la République Démocratique du Congo n’en profitera pas substantiellement, si le pays ne change pas de stratégie, tout en demeurant simple pourvoyeur de matières premières subissant les soubresauts du marché. En effet, si les constructeurs automobiles continuent de réduire leur besoin en Cobalt dans la fabrication des batteries, principalement pour se prémunir contre la volatilité des prix de ce métal et les incertitudes liées à ses conditions d’exploitation en RD Congo, le gouvernement congolais devrait quant à lui aller au-delà de ce qui semble actuellement sa priorité à savoir l'installation de la première usine de fabrication des précurseurs des batteries électriques. Afin de mieux profiter de sa place de premier producteur mondial de ce minerais stratégique, elle devrait mieux se positionner pour capter beaucoup plus qu’actuellement sur la chaine des valeurs du Cobalt. Cependant quelles sont les chances dont disposent l’Etat congolais dans sa démarche sachant que la technologie qu’elle entend mettre en œuvre dans sa future usine de batteries sera empruntée auprès des mêmes fabricants de batteries qui travaillent sans relâche à lui trouver des alternatives nécessitant peu ou pas de Cobalt en utilisant des matières premières plus accessibles et donc moins chers ?
Des récentes statistiques révèlent qu’en l’espace de dix ans, le nombre de patentes publiés par les États-Unis, le Canada et l’Europe en rapport avec les chimies alternatives à la technologie Lithium-ion aura augmenté de près de 500%, passant d’un peu moins de 200 patentes/an en 2012 à plus de 1000 patentes/an en 2021. En remplacement des batteries Lithium-ion qui nécessitent des cathodes à base de Cobalt, ces nouvelles technologies se tournent vers des matières premières bon marché comme l’Aluminium et le Sodium.
Ainsi, plutôt que de s’empresser d’implanter une usine qui perdra rapidement de sa compétitivité, l’Etat Congolais devrait, à travers le Conseil Congolais de la Batterie, mettre l’accent sur la recherche- développement pour développer une nouvelle génération de batteries dont la composition inclura le Cobalt et d’autres métaux dont le pays regorgent en abondance. Cette technologie qui sera parfaitement maitrisée par le pays se devra d’être en constante évolution en vue de s’assurer que cette batterie « Made in DR Congo » sera techniquement et économiquement compétitive sur le marché international. En plus, la RD Congo devrait puiser dans la créativité de son capital humain et développer des produits innovants à produire localement afin de créer valeur ajoutée et emplois, et influencer la demande de ses matières premières stratégiques.
Bref, il n'est jamais trop tard pour bien faire!