La RDC demeure un pays avec une situation de santé mentale préoccupante. Cette atmosphère est garnie notamment suite aux situations difficiles que le pays traverse, notamment à l’Est. Selon des chiffres évoqués par le ministre congolais de la santé publique, hygiène et prévention, Dr. Jean-Jacques Mbungani lors de la journée mondiale de la santé mentale, au mois d’octobre, au moins 22 millions de Congolais sont affectés par des problèmes de santé mentale.
Au regard de cela et des difficultés liées à la remédiation de cette impasse, le Réseau d’ONG d’Action en Santé Mentale (ROASAM) a fait une activité de sensibilisation de l’opinion politique aux questions de la santé mentale afin de mobiliser les énergies pour la cause. En règle générale, en situation difficile, au moins 1/3 de la population souffre de la santé mentale et en situation très difficile, c’est 80% de la population qui souffre.
Ainsi, il a été soulevé par les experts de la question, que la malnutrition, l’insalubrité, le chômage, le manque de sommeil suffisant, le manque de sexualité convenable, et bien d’autres causent des problèmes de santé mentale.
« Au regard de toutes les conditions qui affectent la santé du cerveau, nous sommes en très mauvaise santé mentale. A ne considérer le fait que nous sommes dans un pays où il y a tout mais nous sommes pauvres. Ça signifie que notre fonctionnement cérébral et mental se trouve à un niveau inférieur à nos potentialités naturelles », a indiqué le Docteur Daniel Okitundu, conseiller à ROASAM.
Halte à la malnutrition
Le ROASAM est partenaire de l’organisation Action contre la faim. Notamment parce que, d’après les experts, le taux de malnutrition élevé en RDC, beaucoup plus chez les enfants, affecte la santé mentale. S’il n’y a pas d’investissement dans la santé des enfants dans les mille premiers jours de la vie, il n’y a pas lieu d’envisager le développement du Congo dans 30 ans. Les 5 premières années de la vie sont également à prendre en compte.
« Ça fait autour de 78% des enfants de 0 à 5 ans qui souffrent de la malnutrition, c’est énorme. L’état nutritionnel influence notre santé cérébrale. Ces enfants de 0 à 5 ans qui ont la malnutrition ne peuvent pas avoir une santé cérébrale convenable. Or, le cerveau est notre futur. Ce que nous encaissons dedans aujourd’hui va nous aider pour le futur », a ajouté le Docteur Daniel Okitundu.
La RDC reste l'une des plus grandes crises alimentaires au monde, avec près de 26 millions de personnes confrontées à l'insécurité alimentaire, selon le PAM. La faim plane sur le pays et il suffit d'un choc pour plonger des millions de personnes supplémentaires dans une insécurité alimentaire extrême. Plus de 60% de la population congolaise vivent dans une insécurité alimentaire modérée ou sévère et 40% des enfants congolais sont en retard de croissance à la suite de la sous-alimentation.
Mélanger les forces en présence
Dans le domaine de développement sanitaire, il faudrait que toutes les parties prenantes soient mises à contribution. La première partie, c’est l’Etat et le gouvernement, la deuxième, c’est la communauté, la troisième ce sont les professionnels de santé, la quatrième, c’est les médias. Il a été noté également que le sous-secteur de la santé mentale manque dangereusement de moyens. La couverture en service de santé mentale étant encore très faible, estimée à peine à 5%.
Face à cette situation alarmante, le gouvernement congolais, tel que l'a déclaré Jean-Jacques Mbugani, s'engage, par le biais du programme national de santé mentale, à remédier au manque de prise en charge des personnes affectées. Il l’a dit le 10 octobre dernier, lors de la célébration de la journée mondiale de la santé mentale, qui avait pour thème « Faire de la santé mentale et du bien-être de tous une priorité mondiale ».
Pour des experts rencontrés sur place, la situation de santé mentale connaît une aggravation à Kinshasa, au regard de la situation telle celle des motards, du désordre que sèment les Kuluna, la consommation des drogues chez les adolescents.
« La communauté mondiale attend les Africains d’ici 50 ans, eux qui vont conduire le monde comme les Chinois le font actuellement. La RDC comme pays stratégique doit déjà penser et savoir ce qu’elle doit faire d’ici 20 ans, 30 ans, 50 ans, 1 siècle. Il faut un plan de développement pour le Congo auquel tout le monde doit rentrer dedans », a souligné Mbu José, participant et président d’une organisation de lutte anti-drogue et de la prévention du crime.
La drogue et la santé mentale
D’après le rapport de l’office des Nations unies pour le contrôle de drogue, d’ici 2050, 40% de jeunes africains seront tous poly toxicomanes. Alors que la population africaine est majoritairement jeune par rapport aux autres continents. M. Mbu José a indiqué qu’il faut une formation transversale et mettre en place des structures pour lutter contre les drogues dures que nous avons dans la société car elles impliquent des perturbations au niveau de la santé mentale des personnes.
« Pour le tabac, nous venons d’avoir le décret 041 du ministère de la santé pour résoudre tant soit peu cette question. Pour les stupéfiants, le dossier est totalement ouvert. Nous devons mettre en place un groupe de travail pour élaborer des lois et des termes exacts pour lutter contre le cannabis, les cocaïnes et toutes ces drogues dures », a-t-il dit.
Cette rencontre des organisations de la société civile était l'opportunité de rappeler la situation de la santé mentale dans le monde et en RDC. Selon l'OMS, on estime que 400 millions de personnes souffrent de troubles mentaux, neurologiques ou encore des problèmes psychosociaux liés à l'alcoolisme ou à la toxicomanie. Toutes les 40 secondes, une personne met fin à ses jours. Chaque année, ce n'est pas loin de 800.000 personnes qui mettent fin à leur vie.
En ce qui concerne l'état de santé mentale en RDC, bien qu'il existe le Centre National Psycho-Pathologique (CNPP) et le Programme National de Santé Mentale (PNSM) au sein du ministère de la santé, hygiène et prévention, les projets de santé mentale sont toujours négligés ou en souffrance. Depuis plusieurs décennies, il n'existe pas de budget national spécifique aux activités de ce sous-secteur. C'est ainsi que le Réseau des ONG d'Action en Santé Mentale se propose d’accompagner le Gouvernement dans la promotion et la protection de ce sous-secteur.
Emmanuel Kuzamba