COP 15 : Les peuples autochtones aux premières lignes pour la protection de la biodiversité (opinions)

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COP15 sur la Biodiversité

Montréal accueille cette semaine la 15e Conférence de Parties (COP15) de la Convention sur la diversité biologique (CDB) des Nations Unies : un moment crucial pour définir un plan d’action protégeant la biodiversité pour la décennie à venir.

Les preuves scientifiques témoignant des pertes dramatiques au niveau de la faune et des écosystèmes ne cessent de s’accumuler. Selon un rapport de 2019 par IPBES, la biodiversité disparaît à un rythme sans précédent alors qu’un million d’espèces sont menacées d’extinction dans le monde. Bien que les peuples autochtones soient reconnus comme les principaux protecteurs de la biodiversité, ces activités affectent les terres autochtones partout dans le monde. C’est le cas dans un pays du Nord, comme le Canada, ainsi que dans nombre de pays du Sud, comme le Bassin du Congo.

Les peuples autochtones : véritables protecteurs

Grâce à la diversité de leurs cultures et de leurs connaissances, les peuples autochtones ont su maintenir des écosystèmes sains. À l’échelle mondiale, on retrouve 80 % de la biodiversité restante dans leurs territoires où la biodiversité est systématiquement supérieure. Pourtant, les systèmes coloniaux continuent de déconnecter (ou d’arracher) les peuples autochtones de leurs terres et les défenseur·euses autochtones sont souvent criminalisé·es. Puis, lorsque les communautés offrent leurs connaissances pour résoudre les enjeux de biodiversité sur leurs territoires, leurs initiatives se retrouvent souvent bloquées.

Caribous au Canada: un symbole menacé

Au Canada, la perte d’habitat a poussé de nombreuses espèces au bord de l’extinction en dépit de l’abondance d’espaces sauvages. Alors que les puissants lobbyistes de l’industrie forestière remettent en question les données scientifiques pour retarder l’adoption de mesures de conservation urgentes, les zones humides, les prairies et les forêts anciennes continuent de disparaître chaque année. L’ensemble des espèces de caribou présentes au Canada sont en péril, et plus de la moitié sont en voie de disparition. Emblème de la perte de biodiversité au Canada, le caribou est aussi essentiel dans les cultures et traditions autochtones.

Or, les gouvernements, via certaines politiques discriminatoires, encouragent la continuité d’un système colonialiste où l’accaparement de terres et des ressources, l’extractivisme et l’exploitation dominent. Les gouvernements appellent cela de la création de richesse or, lorsqu’on vient puiser directement dans l’épicerie, la pharmacie et les terres des peuples autochtones, c’est une logique erronée qui opprime et appauvrit. On force les peuples autochtones à changer de mode de vie et le résultat est que les communautés souffrent physiquement, mentalement et spirituellement. Ce n’est pas que le caribou qui est menacé dans la forêt boréale, c’est toute vie qui en dépend. La communauté de Lac Simon met de l’avant une proposition pour la protection du caribou. Il est temps qu’on les écoute.

La protection de la biodiversité dans le bassin du Congo

Plus de 60% des forêts du bassin du Congo se trouvent en République Democratique du Congo (RDC). Cette région abrite aussi les plus grandes tourbières tropicales du monde qui jouent un grand rôle dans la lutte contre les changements climatiques et constituent un habitat pour une riche biodiversité et dont des milliers de communautés locales et peuples autochtones dépendent pour leur survie. Malheureusement, ces communautés et peuples autochtones, qui ont toujours préservé ces espaces, ont souvent été mal perçus par les grandes organisations internationales de conservation. Dans la région, des communautés locales et autochtones ont été contraintes de quitter leurs forêts sans aucune compensation, par des conservationnistes étrangers au profit d’une conservation de forteresse. Cette pratique a suscité conflits et tensions sociales, entraînant la mort de plusieurs personnes et d’animaux sauvages.

En RDC, certaines aires et parcs nationaux sont menacés par un projet gouvernemental : le pétrole. Les communautés dans certaines zones concernées par des blocs pétroliers tel que le parc national de l'Upemba voient ces nouveaux projets comme une nouvelle forme d’esclavagisme et disent non aux projets de conservation ou d'extraction des ressources qui mettent en péril leur forêts et donc leur vie.

La seule voie éthique et écologiquement viable pour protéger la nature est de reconnaître les droits des personnes qui y vivent et qui ont utilisé leur connaissance traditionnelle pour la protéger depuis plusieurs décennies. Les peuples autochtones et communautés locales méritent une place de choix dans les mécanismes de gestion et de protection de la nature. C’est simple : leur richesse culturelle doit être valorisée dans tout modèle de gestion forestière.

 

Pas de conservation sans respect des droits et connaissances autochtones

 

Un changement de paradigme est indispensable pour mettre un terme à la destruction des écosystèmes et à l’extinction massive des espèces. Pour cela, il faut reconnaître la souveraineté et la gestion autochtone des terres. La « conservation forteresse », qui réserve des parcelles de terre sans tenir compte des connaissances et des droits des peuples autochtones, a causé des dommages à travers le monde. Les pays présents à la COP15 doivent d’urgence mettre fin à l’alarmante perte de biodiversité mondiale. Mais toutes nouvelles mesures de protection de la nature et la biodiversité doivent reconnaître et permettre le droit souverain des peuples autochtones à gérer les zones protégées qu’ils habitent, à rétablir les espèces en péril et à gérer les espèces culturellement importantes présentes dans leurs territoires traditionnels.

Signataires : 

 

Irène Wabiwa, cheffe de la campagne Greenpeace Afrique pour la forêt du Bassin du Congo

Adrienne Jérôme, Cheffe de la Première Nation du Lac Simon et porte-parole du Conseil des femmes élues de l’Assemblée des Premières Nations du Québec-Labrador (APNQL).