Le discours du Président de la RD Congo Félix Tshisekedi aura marqué sa participation à la 77ème session ordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies. Le ton de fermeté soutenue avec lequel il a porté très haut la voix de son pays a nettement contrasté avec ses postures discursives de trois dernières années, particulièrement au sujet de l'implication du Rwanda, nommément cité à plusieurs reprises, dans la détérioration de la situation sécuritaire dans l'Est du territoire national.
En sus, sur le chapitre des changements climatiques et de la transition énergétique, Félix Tshisekedi est apparu en ferment défenseur de la « cause nationale » sur l'exploitation des blocs pétroliers du pays, contestée par certaines puissances occultes à qui il a adressé un discours de conviction personnelle. D'aucuns ont bien reconnu au Président congolais les qualités de tribun de son père, dont le franc-parler constitue un point de convergence avec Laurent-Désiré Kabila, le « Mzee ».
Mais, à scruter de plus près le speech du Chef de l'Etat, il y a un sujet, non de moindre utilité, eu égard aux enjeux et défis de stabilisation du pays, qui n'a pas été évoqué : les élections dont la tenue est prévue en 2023 suivant les considérations constitutionnelles. Certes, le Président de la République jouit de la totale liberté de s'exprimer sur les sujets de son choix. Il est non moins certain que les élections relèvent des questions, dont la haute portée dans un pays comme la RDC, sont susceptibles (un euphémisme) de remettre en cause la liberté de choix de matières à évoquer dans un cadre aussi singulier que l'Assemblée générale des Nations Unies. Ce, pour plusieurs raisons.
Primo. Quelle que soit leur qualité, les élections de 2018 ont positivement marqué l'histoire politique de la RDC. « En effet, pour la première fois, notre pays a organisé sur fonds propres, sans la moindre contribution financière extérieure, une triple consultation électorale », avait reconnu le Président F. Tshisekedi dans son discours d'investiture. En outre, ces élections ont permis au pays de faire, pour la toute première fois, l'heureuse expérience d'une pacifique « transition du pouvoir entre un Président élu sortant et un Président élu entrant ». Il s'agit là d'un sujet de soft power (puissance douce) que la RDC devrait assez exploité pour mettre en exergue son engagement démocratique à renouveler. Sans cesse. Ce, face à des pays voisins qui peineraient à faire montre d'exemplarité démocratique mais, entre-temps, excelleraient dans des crocs-en-jambe pour contraindre Kinshasa de marcher démocratiquement à reculons à cause des pesanteurs sécuritaires dans l'Est du pays.
Secundo. Considérant qu'en 2021, dans son discours à l'ONU, le Président Tshisekedi ne s'était pas interdit de se prononcer sur les élections non sans lien avec la problématique sécuritaire, il n'est pas surprenant que la curiosité patriotique soit excitée par le silence, à ce propos, de la plus haute autorité du pays à la 77ème session de l'Assemblée générale des Nations unies alors que la RDC tend à prendre la dernière ligne droite des élections dont le calendrier des activités n'est pas encore rendu public. Autant, en 2021, l'insécurité était évoquée dans son discours à la 76ème session, autant ce fut ainsi cette année. Ce qui n'est pas le cas des élections.
« En République Démocratique du Congo comme partout ailleurs au monde sans la sécurité et la paix rien de durable ne peut se construire. La sécurité et la paix sont les conditions sine qua non du progrès des nations. Le Peuple congolais en a besoin pour sa prospérité et la construction de sa démocratie, encore fragile. C'est pourquoi, je consacre toute mon énergie et attache le plus grand intérêt à la fin de l'insécurité, des massacres et des pillages et à l'instauration d'une paix durable dans l'ensemble de la République Démocratique du Congo, ce qui contribuera davantage à l’organisation des élections libres, transparentes, inclusives et crédibles prévues en 2023», avait déclaré Félix Tshisekedi, en 2021, à l'ONU. Les susceptibilités de clarté langagière avaient suggéré à d'aucuns d'y voir une corrélation implicite entre, d'une part, l'amélioration de la situation sécuritaire, à ce jour marquée par la dégradation, et, d’autre part, l'avancement dans l'organisation des élections.
Tertio. « La réévaluation du plan de retrait progressif et responsable » de la Monusco ferait planer le doute sur le maintien du niveau de coopération entre le Gouvernement congolais et les Nations Unies en perspective des élections de 2023. Nul n'ignore que, contrairement à ses failles sur le plan sécuritaire, la Mission onusienne a assez aidé la RDC, sur le plan logistique, à relever les défis organisationnels de la tenue des scrutins en 2006, 2011 et 2018. Selon des sources de la Primature, les experts du Gouvernement, qui ont examiné le dossier le week-end dernier avec des délégués de la Monusco, auraient convenu du retrait définitif des casques bleus dès 2023 et non plus à partir de 2024 comme initialement prévu et entériné par le Conseil de sécuriré des Nations Unies. Si cette information est certifiée, il conviendra de savoir comment le Gouvernement entend, dans sa programmation électorale, compenser les effets de ce retrait sur l'appui logistique de la Mission onusienne dans un pays désintégré faute d'infrastructures conséquentes.
Somme toute, le Président de la République aurait fait oeuvre utile de parler aussi des élections de 2023 en RDC. Ceci aurait permis d'en rassurer davantage l'opinion nationale et internatinale, et de promouvoir la consolidation de la démocratie dans le pays, tenu de retrouver sa place de leader géopolitique dans la région des Grands Lacs.
Lembisa Tini (PhD)