Par où sont donc passés les intellectuels congolais ?

ACTUALITE.CD

Pour peu qu’on puisse observer la RD Congo de l’extérieur, on peut être frappé par le silence assourdissant des intellectuels dans les débats politiques publics liés à l’instauration et à la consolidation d’une démocratie pluraliste dans le pays. Les seules manifestations de leur présence sur la scène publique semblent se limiter à l’expression des revendications corporatistes liées à leurs conditions de travail et à leurs conditions de vie.

Il est remarquable que depuis 1960, il n’y ait eu dans notre pays que de rares mouvements politiques de fond et continus initiés par les intellectuels pour montrer la voie vers une démocratie à la fois universelle mais aussi teintée d’éléments particuliers à nos cultures africaines. Mises à part peut-être les révoltes estudiantines vite matées par le régime mobutiste ou encore l’historique fronde des professeurs d’université au sein du parti unique, le MPR créé par Mobutu.

Pour rappel, la remise en cause de la gouvernance mobutiste par les intellectuels universitaires au cours des années 80’ - ces derniers faisant eux-mêmes partie des élites du parti unique dirigé de main de fer par Mobutu - avait d’ailleurs abouti à la mise en place d’un gouvernement dirigé par l’un d’eux, le professeur Mabi Mulumba, aujourd’hui sénateur. Depuis, la réflexion politique intellectuelle s’est repliée dans des cercles intimistes dont l’efficacité peut être aisément mise en doute et l’impact est quasi nul.

Pourtant, de par leur rôle traditionnel, les intellectuels devraient être au premier rang de la lutte contre tout ordre totalitaire et proposer des idées innovantes permettant de faciliter l’appropriation de la culture démocratique occidentale par nos communautés africaines. Au lieu de cela, nous avons assisté à une sorte de décomposition d’un corps qui a semblé souffrir des mêmes carences que celles qui ont affecté la société congolaise dans sa globalité. Ce faisant, ils ont laissé le champ libre aux politiques qui ont été et qui sont encore les seuls concepteurs de la démocratie à leur manière. La vie intellectuelle s’est presque arrêtée, laissant la place à la seule vie politique partisane. Les intellectuels ont été embrigadés par la classe politique qui s’est arrogée le monopole de concevoir la démocratie, imposant ainsi la primauté de l’esprit politique et de l’esprit de parti sur le champ intellectuel.

Mais qu’est-ce que les Congolais sont en droit d’attendre des intellectuels ? Qui sont les intellectuels ? Quel rôle politique pourraient-ils être appelés à jouer dans un pays comme la RDC Congo ?

Pour résumer les différentes définitions du terme issues de la littérature, nous pouvons considérer l’intellectuel comme étant une personne dont l'activité consiste à se servir de son esprit pour faire des analyses sur les sujets les plus variés. Ensuite, il fait part de ses analyses et de ses conclusions à la société dans la sphère publique. Il dispose également d’une sorte d’autorité qui lui permet de défendre des valeurs et n'assume généralement pas de responsabilité directe dans les affaires pratiques.

Si on accepte le principe selon lequel l’intellectuel joue le même rôle dans les sociétés modernes que celui qu’a assumé le philosophe dans l’ancien temps, il devient alors possible de cerner son rôle pratique sur la scène de la vie politique : formuler les questions, problématiser la situation, situer les problèmes dans le contexte social, organiser le débat public, passer au-delà des apparences, dévoiler les contradictions, proposer des voies à suivre dans le respect des valeurs fondamentales, etc.

L’intellectuel a ainsi une fonction critique par nature. Son rôle le place au-dessus des émotions collectives et des passions populaires. Son discours rationnel doit l’éloigner de la rhétorique politique du moment telle que l’affectionnent les leaders politiques. Il appartient à l’intellectuel d’initier une nouvelle culture politique démocratique et de l’entretenir dans une société en transition démocratique comme la nôtre. Ce penseur, on peut le trouver dans le milieu universitaire, parmi les écrivains ou parmi les élites des autres secteurs professionnels. Il se distingue des autres par le fait qu’il a acquis une conscience plus concrète des luttes à mener. Nombreux sont les Congolais qui attendent que les intellectuels de ce pays puissent prendre l’habitude de donner de la voix, de s’exprimer, de prendre la parole au nom de la conscience collective en tant que représentants de l’universel, ce terme étant entendu comme ce qui est vrai, ce qui est juste et qui a de la valeur pour tout le monde.

Cependant, il faut reconnaître que nos intellectuels sont souventes fois confrontés à des luttes quotidiennes de survie, des luttes matérielles. Je me souviens de Lumumba qui affirmait : il faut un minimum de confort pour exercer la pratique de la vertu.

Nawezi Karl J. Consultant (Communication Stratégique-Advocacy-Media Training-Monitoring des médias) +243999982131 / +243819982132 [email protected]