5 DEFIS A RELEVER PAR LE PROCHAIN GOUVERNEMENT DE LA RDC - Tribune

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Aujourd'hui, on vous propose cette tribune de l'Analyste économique, Ruddy MUNTU, licencié en administration des affaires de l’Université Protestante au Congo.

La logique des résultats des élections présidentielle, législative et provinciale en RDC aussi bien au niveau légal que politique conduit le Pays à disposer d’un gouvernement de coalition. Un gouvernement central où cohabiterons les forces politiques FCC ayant raflé la majorité des sièges au parlement et le CACH, plateforme autrefois de l’opposition, d’où est sortie l’institution président de la république.

Cependant, il ressort de l’histoire politique de la RDC que les gouvernements de coalition courent souvent le risque de faire un mauvais équilibre entre la satisfaction des forces politiques et le devoir d’efficacité par rapport aux défis de développement.

Ainsi, il nous parait très indiqué de discuter 5 défis de la RDC qui méritent d’être inscrits en gras dans le prochain programme d’action du gouvernement :

  1. LE DEFI SECURITAIRE ET DE L’AFFIRMATION DE L’AUTORITE DE L’ETAT

La résurgence tensions sécuritaires à l’Est du Pays comme d’ailleurs dans d’autres coins du Pays est non seulement un cout humain très élevé et un cout économique lourd sur lequel prochain gouvernement doit absolument trouver une réponse durable.

Plus de cinq millions des victimes , dit-on, autant de vies, d’espoirs , de rêves , des bâtisseurs de la nation…le plus grand drame humain depuis l’holocauste , disent certains (KASINDI,2017). Le flux des déplacés internes est estimé à 2 millions et des déplacés externes estimés à 0,5 million en fin 2016 (Banque mondiale, 2018).

En effet, la RDC logerait 69 groupes armés (GEC, 2013). L’urgence sécuritaire se pose ainsi sur toute l’étendue du territoire nationale de l’EST à l’OUEST, du NORD au SUD sous ses différentes formes : guerre d’occupation, terrorisme, conflits communautaires, banditisme urbain.

Le prochain gouvernement devra vaincre l’insécurité, qui est aussi un pilier essentiel pour réduire sensiblement le risque pays jugé trop élevé pour les investissements sérieux. Il sera vain que la RDC bâtisse tout espoir de prospérité économique et toute prétention à vaincre la pauvreté sur un territoire constamment en insécurité.

Cela passera sans doute par une meilleure organisation des forces de défense et de sécurité, et l’affirmation de l’autorité de l’Etat sur toute l’étendue du territoire nationale en dotant les entités territoriales décentralisées de tous les moyens d’Etat possibles.

  1. LE DEFI DU DEVELOPPEMENT HUMAIN

Au cours de ces dernières années la RDC accompli quelques efforts notables mais insuffisants en matière du développement humain. On peut remarquer par exemple que bien que son Indice de développement humain a été en constante évolution de 2010 à 2015, passant de 0,239 en 2010 à 0,435 en 2015 , sur une échelle internationale sa moyenne pour la période étant 0,34 reste inferieur par exemple à celui du Congo-Brazzaville 0,55, du Gabon 0,68, de la Corée du Sud 0,89, de la France 0,88, et des USA 0,91 (PNUD).

En effet 63,7% des congolais vivent avec moins de 1.25 UDS/Jour, 75 % des ménages gagnent un revenu inférieur au SMIG. 15% des ménages ont accès à l’électricité et 49,8% n’ont pas accès à l’eau potable selon les résultats de l’enquête 1-2-3 de l’INS publiés en 2014.

Deux tiers des patients ne disposent pas d’un régime des soins de santé formel en raison du manque de services, des longs déplacements, de la qualité médiocre des services de santé, et de la charge financière liée à ces soins (Banque mondiale, 2018). 10% des enfants naissent avec le risque de mourir avant 5 ans (EDS, 2014). Bien plus, les récents épisodes des épidémies montrent que la couverture et la prévoyance sanitaire ont failli dans le Pays.

Les infrastructures scolaires se sont situées à plus de 10 KM de 80 % des ménages (INS, 2014); 4,9 millions d’enfants en âge d’être scolarisés ne fréquentent pas l’école et près de 3 millions n’ont jamais été scolarisés (Banque mondiale, 2018). Le Pays manque les établissements de formation professionnelle et artisanale de qualité.

La RDC a besoin des hommes et des femmes bien formés, intelligents, et en bonne santé en nombre suffisant pour son développement intégral. Ainsi des réformes profondes s’imposent au prochain programme d’action du gouvernement dans le secteur de l’éduction et de la santé.

Les sociétés qui domineront la planète dans les prochaines années sont sans doute celles qui investissent les mieux dans la qualité de l’homme aujourd’hui. Le monde ne nous attendra pas.

  1. LE DEFI DE L’EMPLOI DES JEUNES

En RDC, les principales sources de demande du travail (sources pourvoyeuses d’emplois), nationales et étrangères sont le secteur public, le secteur privé et les initiatives individuelles (Ntagoma, et al.2015). Ainsi, le problème de l’emploi des jeunes en RDC se pose très distinctivement selon que l’on se retrouve dans chacun de ces 3 secteurs.

En absence d’emplois formels suffisants, beaucoup des jeunes congolais soit s’autoexcluent du marché formel du travail soit cherchent de manière inactive l’emploi, soit s’adonnent à des petites initiatives individuelles, soit sont embauchés pour travailler dans les initiatives individuelles très précaires et faiblement rémunératrices.

La problématique du chômage en RDC cède une grande place à celle de la précarité des emplois.

Le prochain gouvernement doit non seulement accélérer le processus de rajeunissement de l’administration publique en élargissant sa portée dans toutes les administrations territoriales, en levant les difficultés auxquelles il se confronte dans la phase de l’intégration effective des jeunes dans les administrations mais aussi promouvoir l’employabilité des jeunes dans les entreprises relevant du portefeuille de l’Etat sur la base de la méritocratie.

Dans le secteur privé, des avancées notables mais à portées limitées ont été enregistrées au cours de ces dernières années en ce qui concerne l’insertion professionnelle des jeunes dans les entreprises privées. Le prochain gouvernement doit parvenir à un vrai partenariat public-privé clair avec les entreprises privées déterminant les quotas des jeunes diplômés ou non à insérer dans les entreprises sur une échelle de temps bien défini.

En ce qui concerne les initiatives individuelles des jeunes, le prochain gouvernement est appelé à faire naitre une vraie classe des petites et moyennes entreprises performantes et viables notamment en mettant en place une agence nationale d’encadrement et de développement des MPMES.

  1. LE DEFI INFRASTRUCTUREL ET GEOGRAPHIQUE

Il est temps que les dirigeants politiques et l’élite congolaise en générale s’affranchisse de l’illusion collective selon laquelle le Pays est très bien nanti géographiquement.

La RDC est un Pays enclavé, entouré de 9 voisins, sa foret couvre les 59,69 % de son territoire et elle ne dispose que d’environ 40 Km d’ouverture sur l’Océan.

Au-delà de l’enclavement, les territoires congolais ne sont pas correctement connectés pour impulser un développement territorial inclusif. Mais en plus, le Pays est caractérisé par une absence de centralité géographique (Poutier, 2015). Le centre du Pays ne relie pas le Nord du Sud, l’Est de l’Ouest mais bien plus les sépare.

Par les grands travaux le prochain gouvernement doit pouvoir réussir connecter les provinces par un système de transport inclusif pour impulser une véritable intégration économique nationale et parachever les projets de constructions des ports en eaux profondes pour ouvrir davantage le Pays aux échanges internationaux licites avec tous les bénéfices que peuvent en tirer le pays.

Car la RDC éprouvera des sérieuses difficultés de réussir un développement économique et social inclusif sans inclusivité territoriale, sans connectivité des territoires économiquement nantis d’avec ceux moins nantis, sans les infrastructures offrant au pays les meilleurs horizons d’échanges internationaux.

  1. DEFI DE LA RECONFIGURATION DU MODELE ECONOMIQUE NATIONAL

Il ressort de plusieurs analyses économiques sur la RDC que l’épisode de fortes croissances économiques réalisées par la RDC n’a eu que des effets très limités sur l’amélioration du niveau des vies des populations. Cet argument peut être renforcé lorsqu’on fait une analyse comparative d’un groupe des pays par taux de croissance et par IDH.

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De 2010 à 2015 la RDC a réalisé une croissance moyenne de 7,7 % supérieur à celle du Gabon 5,5 %, à celle de la République du Congo 4,8 %, à celle de la Corée du Sud 3,5 %, à celle des USA 1,96 %   et à la France 1,19 % (World Bank data, 2019) mais son indice de développement humain moyen de la même période a été le plus faible de ces six pays.

L’une des raisons attribuées à l’effet limité de la croissance économique de la RDC sur les niveaux des vies des populations est que cette croissance tire sa source en grande partie dans le dynamisme du secteur extractif (secteur des ressources naturelles) qui n’engendre que très peu de valeurs ajoutées pour le Pays en terme d’emplois, des revenus du capital, et des recettes fiscales.

De 2009 à 2015 la contribution moyenne du secteur des ressources naturelles à la formation du PIB a été de 57, 16 % (BBC, Matata 2018). Les exportations des mines et des hydrocarbures en état brut constitue la principale offre de l’économie congolaise dans les échanges internationaux ont représenté en moyenne 97,5 % des exportations du Pays de 2011 à 2016 (BCC).

Le prochain gouvernement va devoir réussir non pas à renforcer la diversification de l’économie nationale mais à reconfigurer radicalement ce modelé économique qui a beaucoup des limites. Mettre à profit les potentiels humain, agro-industriel, hydrique, touristique, hydroélectrique, agroforestier…Etc. pour modifier la structure de formation de notre PIB et signer enfin ce bond économique que mérite réellement la RDC.

Il y a certes beaucoup à faire en RDC mais les préalables à la réussite de ces 5 défis restent un leadership basé sur une vision planifiée, mais concrétisée dans la bonne gouvernance.