Le groupe rebelle ougandais des Forces démocratiques alliées (ADF) semblent de plus en plus vouloir diffuser leurs messages à un public plus large en Afrique de l’Est et tentent de se présenter comme faisant partie d’un ensemble plus vaste de groupes djihadistes radicaux. C’est l’une des conclusions d’un rapport du Groupe d’étude sur le Congo (GEC), projet de recherche installé à l’université de New York (USA).
Ce document est le fruit de l’analyse d’une trentaine de vidéos montrant notamment des attaques des ADF et des messages de propagande couplée avec une dizaine d’entretiens menés auprès de déserteurs ADF et membres de la société civile. On y apprend par exemple que sous le nom de Madina at Tauheed Wau Mujahedeen (MTM, « La ville du monothéisme et des monothéistes »), le groupe arbore un drapeau semblable à celui utilisé par Al-Shabaab, Al Qaida, ISIS et Boko Haram. Il met fortement l’accent sur une interprétation radicale et violente du Coran.
« Bien que les Ougandais semblent être encore à la tête des ADF - aucun d’entre eux n’apparaît dans les vidéos - la propagande de ces vidéos s’adresse à un public beaucoup plus large de l’Afrique de l’Est qui parle le kiswahili, le luganda, l’arabe, le français et le kinyarwanda. Le kiswahili et des dialectes congolais et tanzaniens, qui sont les langues les plus répandues dans la région, sont largement utilisées dans les vidéos. Deux Burundais y sont également filmés », dit le rapport publié ce jeudi.
Si un lien direct entre les ADF et un réseau plus vaste du terrorisme n’est pas encore clairement défini, le GEC note que la récente arrestation d’un intermédiaire financier kényan d’ISIS a révélé les premiers liens concrets qui unissent les ADF à d’autres groupes djihadistes par le biais de transactions banquières.
La RDC pourrait être intéressante pour les organisations djihadistes en grande partie en raison de la faiblesse de ses institutions publiques et la difficulté d’accès de son territoire, prévient GEC dans son rapport.
Démanteler les ADF et s’attaquer aux divers acteurs impliqués dans les vagues de violence perpétrées dans la région de Béni nécessitera une approche globale, suggère ce rapport : « L’armée congolaise, ainsi que les Nations unies et autres partenaires de la région, devront fournir les ressources nécessaires à leurs troupes pour mener des opérations de contre-insurrection comprenant une stratégie claire visant à protéger les civils ».
Jean-Pierre Lacroix, Secrétaire général adjoint de l’ONU en charge des opérations de maintien de la paix, en mission en RDC, avait également admis, le 7 novembre, que la stratégie adoptée contre les combattants ADF devra s’adapter par rapport aux caractéristiques actuelles du terrain.
« Le mandat de la MONUSCO est très clair : neutraliser les groupes armés. C’est aussi un mandat de soutien. Nous devons travailler avec l’armée congolaise. Nous devons faire en sorte que cette collaboration soit totalement fluide. C’est la direction qui est prise. Face à l’ennemi qui est compliqué, qui, évolue lui-même très rapidement comme Ebola, si je dois prendre cette comparaison. Nous également nous devons évoluer par nos moyens, par notre mode d’action », avait-il dit à Mavivi pendant sa mission dans cette région.
Selon Human Rights Watch et le Groupe d’étude sur le Congo, au moins 235 personnes ont été tuées au cours de plus de 100 attaques menées à Beni entre janvier et septembre de cette année. Plus de 165 civils ont été kidnappés pour obtenir une rançon, et des dizaines d’autres ont été blessées ou ont disparu. Au moins 1 000 civils ont été tués dans cette région au cours d’une série de massacres qui a commencé il y a quatre ans.