Réouverture de l’aéroport de Goma : pour l’UE, c’est un signal fort de Kinshasa envers les populations des zones sous contrôle de l'AFC/M23

Foto
Johan Borgstam

Alors que la question de la réouverture de l’aéroport international de Goma, dans la province du Nord-Kivu, continue de diviser Kinshasa et la rébellion de l’AFC/M23, l’Union européenne (UE) a exprimé son soutien à l’initiative défendue par la France à l’issue de la Conférence de Paris, visant à relancer le trafic humanitaire dans cet aéroport stratégique des Grands Lacs.

Si les autorités de fait de l’AFC/M23 jugent cette initiative "inopportune", le Représentant spécial de l’Union européenne pour la région des Grands Lacs, l’ambassadeur Johan Borgstam, estime au contraire que cette réouverture constituerait un signal fort d'attention en faveur des populations des zones sous contrôle rebelle et un encouragement à croire encore aux initiatives diplomatiques de paix en cours

"Je crois que toutes les parties dans la région, en particulier la RDC et le Rwanda qui ont toutes deux signé l’accord de paix de Washington, ainsi que le M23 et la RDC dans le cadre des négociations de Doha, ont des obligations très claires pour alléger la souffrance des populations sur le terrain. Pour nous, il est d’une importance extrême que l’aéroport de Goma soit rouvert, même à petite échelle. Permettre quelques vols humanitaires serait déjà un signal fort, une manière de rapprocher les réalités diplomatiques et les réalités du terrain", a déclaré Johan Borgstam, ce mercredi 5 novembre à Kinshasa, à l’issue de son séjour de travail.

D'après le diplomate européen, la dégradation de la situation humanitaire dans l’Est de la RDC appelle une mobilisation accrue des acteurs internationaux. Il estime que la réouverture de l’aéroport de Goma peut aider les autorités de Kinshasa à se projeter dans l'avenir lorsqu'elles auront le contrôle de l'ensemble du territoire national

"Nous soulignons l’importance pour toutes les parties de faciliter l’accès humanitaire sans entrave dans tout le pays. Les acteurs humanitaires doivent pouvoir exercer leur mandat sur l’ensemble du territoire, peu importe qui contrôle certaines zones.C’est aussi un moyen pour l’État congolais de projeter son autorité et de montrer aux populations que la capitale ne les a ni oubliées ni abandonnées. Nous avons eu des échanges très constructifs à ce sujet. L’établissement d’un couloir humanitaire et la réouverture de l’aéroport de Goma pour des vols humanitaires demeurent pour nous des priorités", a ajouté M. Borgstam.

L’annonce de la réouverture prochaine de l’aéroport international de Goma a été faite par le président français Emmanuel Macron lors de la Conférence sur la paix et la prospérité dans la région des Grands Lacs, co organisée avec le Togo, médiateur mandaté par l’Union africaine. Selon Paris, cette réouverture concernera dans un premier temps des vols et corridors humanitaires, soit près d’un an après les violents combats ayant opposé les FARDC à la rébellion de l’AFC/M23, soutenue par le Rwanda.

Si Kinshasa ne s’oppose pas à la démarche, le gouvernement via la première Ministre Judith Suminwa insiste toutefois sur la nécessité d’impliquer les institutions nationales dans le processus et avait chargé le VPM, Ministre des transports, voies de communication et Désenclavement de suivre de près ce dossier. De son côté, la rébellion de l’AFC/M23, par la voix de son coordonnateur politique Corneille Nangaa, s’est dite "étonnée" par cette annonce, la qualifiant d’" inopportune " et " déconnectée de la réalité du terrain".

"Cette décision a été prise sans aucune consultation préalable avec notre mouvement", a déclaré M. Nangaa, dénonçant également "les pratiques de certains lobbys humanitaires" qui, selon lui, "se nourrissent de la détresse des populations déplacées".

Organisée par la France, en coordination avec le Togo, la Conférence de Paris avait pour objectif de mobiliser la communauté internationale face à l’urgence humanitaire dans l’Est de la RDC et de soutenir les efforts de médiation menés par les États-Unis, le Qatar et l’Union africaine. Les initiateurs de la rencontre ont affirmé qu’elle a permis de renforcer le dialogue sur l’intégration économique régionale, considérée comme un levier essentiel pour une paix durable.

Paris estime que cette conférence a offert à la communauté internationale une occasion concrète de réaffirmer son engagement en faveur de la paix, du développement et de la stabilité dans la région des Grands Lacs, au bénéfice direct des populations locales.

Clément MUAMBA