Le détournement des deniers publics et la corruption relèvent-ils de la Cour des comptes de la République démocratique du Congo (RDC) ? C’est l’une des questions soulevées ce mardi 7 octobre lors de la présentation du bilan du procureur général près la Cour des comptes, à Kinshasa.
Pour Salomon Tudieshie, procureur général près la Cour des comptes, « la corruption ne relève pas de la Cour des comptes. C’est une infraction dont les poursuites relèvent du pouvoir judiciaire ».
Pour le Procureur général, la Cour des comptes est habilitée avant tout à poursuivre la faute de gestion dans les entreprises et établissements publics de l’État. La violation de la loi sur la passation des marchés publics, très courante en RDC, peut également constituer la faute de gestion, pour laquelle la Cour des comptes peut se saisir, a expliqué le procureur général près la Cour des comptes.
Pour sa part, Mbuya wa Mbuya Charles, avocat général près la Cour des comptes, est revenu sur une série d’infractions pour lesquelles la Cour des comptes peut intervenir. Ce sont des infractions qui ont un lien avec les finances publiques, notamment la chaîne de la dépense et la réalisation des recettes de l’État.
Pour ce qui est du détournement des deniers publics, Eale Edjonga Simon-Pierre, avocat général près la Cour des comptes, a expliqué que cette infraction relève des juridictions de l’ordre judiciaire, dont la Cour des comptes ne fait pas partie. Il reconnaît toutefois que le détournement est en lien avec la faute de gestion dont s’occupe la Cour des comptes.
« Le détournement de deniers publics est puni de servitude pénale, tandis que la faute de gestion, qui a un rapport avec le détournement, est elle punie d’une amende. Donc la Cour des comptes ne prononce pas la peine d’emprisonnement, elle prononce une condamnation en termes d’amende », a-t-il expliqué.
Les missions de la Cour des comptes
Barthélemy Omeonga, avocat général près la Cour des comptes, est revenu sur les missions de la Cour des comptes, qui sont à la fois constitutionnelles et relevant des lois de la République. L’une de ces lois, qu’il a évoquée, est la loi relative aux finances publiques de 2011, qui définit les types de contrôle, dont le contrôle politique, administratif et juridictionnel, ce dernier relevant de la Cour des comptes.
Il a également évoqué la loi organique relative à la Cour des comptes, qui indique qu’elle est une juridiction financière ayant compétence sur toute l’étendue de la RDC, notamment le contrôle général et permanent, la gestion de l’argent de l’État, et des biens publics.
Il a précisé que la Cour des comptes est également le conseiller des institutions de l’État, qui veulent organiser des contrôles et des formations. Elle évalue également les politiques publiques.
Elle exécute le contrôle extra-juridictionnel et le contrôle juridictionnel. Le premier se rapporte notamment au contrôle budgétaire, au contrôle de gestion, exécuté par différentes missions de contrôle, sous forme d’audit. Le deuxième fait de la Cour des comptes la juridiction financière de la RDC et est exécuté par des arrêts, à travers la production et le jugement de compte, auquel s’ajoute la répression des fautes de gestion ainsi que la déclaration et l’apurement de gestion des faits, a expliqué Barthélemy Omeonga.
Qui doit faire quoi ?
Jean-Christ Musuyi Mubanga, avocat général au parquet près la Cour des comptes, est revenu sur le cas spécifique du premier président de la Cour des comptes et du procureur général près la Cour des comptes.
« La Cour des comptes a deux organes en son sein : un siège et un parquet. Le siège s’occupe du contrôle de la gestion ainsi que du contrôle budgétaire, qui sont des contrôles extra-juridictionnels. Le contrôle juridictionnel comprend 3 types de contrôle : le jugement des comptes, la gestion des faits, et la discipline budgétaire et financière. C’est ce contrôle qui sanctionne la faute de gestion », a-t-il indiqué.
Il a également expliqué que les contrôles extra-juridictionnels sont enclenchés par le premier président de la Cour des comptes, qui donnent lieu à la production de rapports, qui doivent être transmis au procureur général près la Cour des comptes pour exploitation.
« De ces rapports, le procureur général peut déceler les fautes de gestion et déclencher la procédure des poursuites, parce qu’il est l’organe des poursuites », a indiqué Jean-Christ Musuyi.
Les participants présents ont plaidé pour une collaboration entre le premier président de la Cour des comptes et le procureur général près cette Cour, dont les relations sont toujours tendues, afin de rendre efficace la lutte contre le détournement des deniers publics qui résulte de la faute de gestion.
Bruno Nsaka