Guerre de l’AFC/M23 et ses effets sur la santé mentale: plus de 700 personnes consultées gratuitement en un mois pour des troubles au centre hospitalier neuropsychiatrique à Goma

Centre hospitalier neuropsychiatrique de Goma
Centre hospitalier neuropsychiatrique de Goma

Au moins 746 personnes ont bénéficié de consultations gratuites en santé mentale du 24 mars au 24 avril 2025, au Centre hospitalier neuropsychiatrique de Goma (CHNP), une structure spécialisée dans la prise en charge des troubles psychiques. L’initiative, lancée par l’établissement dans un contexte de crise sécuritaire prolongée dans la région, visait à diagnostiquer et soulager les souffrances psychologiques d’une population éprouvée par la guerre entre l’armée et les rebelles de l’AFC/M23 fin janvier. Jean-Marie Vianney Basabose, infirmier chef de staff du Centre neuropsychiatrique a livré ce chiffre à ACTUALITE.CD ce vendredi 25 avril, au lendemain de la clôture de cette campagne de consultations.

« Au total, nous avons reçu 746 nouveaux cas de malades, en plus des anciens patients qui continuaient à venir. Si l'on évalue les résultats, on peut dire que cette campagne a été la bienvenue. Elle nous a permis de dresser un diagnostic de la situation sanitaire que traverse actuellement la population de Goma », a-t-il déclaré.

Dans le hall du CHNP, l’affluence ne faiblit pas. Les témoignages recueillis révèlent une population marquée par les traumatismes : anxiété, insomnie, maux de tête récurrents, stress post-traumatique. Sur place au centre neuropsychiatrique de Goma, ACTUALITE.CD a rencontré plusieurs patients venus chercher un accompagnement psychologique, témoignant du lourd impact des violences armées sur leur santé mentale.

Madame Kahambu Sivihwa Louise, visiblement émue, venait de terminer une séance de consultation avec un psychologue. Elle confie avoir perdu son mari le mercredi 15 février dernier, au quartier Majengo, lors d’une incursion d’hommes armés non identifiés. Depuis cette nuit tragique, elle dit ne plus parvenir à retrouver une stabilité émotionnelle et psychologique.

« J’ai perdu mon mari. Il a été tué par des hommes armés qui ont fait irruption dans notre maison. Depuis ce jour-là, je ne dors plus. Chaque fois que je repense à cette scène, c’est comme si tout recommençait. Voilà pourquoi je suis venue me faire consulter ici. Suivant les conseils et orientations que le psychologue m’a donnés aujourd’hui. Je crois que cela pourra m’aider, car je souffre énormément », raconte-t-elle, la voix nouée.

Un autre cas est celui de François Busaro, habitant du quartier Ndosho, une zone de Goma particulièrement touchée par l’insécurité depuis l’occupation de la ville par la rébellion de l’AFC/M23. Il explique que les tensions et menaces permanentes dans son quartier l’ont amené à rechercher un soutien psychologique.

« J'avais entendu dire qu'une campagne de consultations gratuites avait été lancée ici, au centre neuropsychiatrique de Goma, pour les personnes ayant des problèmes psychiques. Avec la situation sécuritaire difficile que je traverse dans mon quartier et dans la ville, je me suis dit que je devais aussi venir me faire consulter, pour connaître mon état de santé mentale et psychologique. C’est la raison pour laquelle je suis ici. Les psychologues nous ont très bien accueillis, et j’ai pu bénéficier d’une consultation. Sur le plan psychologique, je crois que cette démarche, avec les orientations et les médicaments que nous allons recevoir, pourra apaiser les troubles psychologiques que nous rencontrons », a-t-il confié.

La campagne lancée à la suite des violences armées qui ont opposé les FARDC aux rebelles de l’AFC/M23, s’inscrit dans une démarche humanitaire de la congrégation des Frères de la Charité, gestionnaire du Centre Neuropsychiatrique de Goma. Le centre, anciennement connu sous le nom de Tulizo Letu, avait alerté dès le 18 mars dernier sur les nombreux signes de détresse mentale observés chez les populations : insomnie, irritabilité, perte d’intérêt, pensées suicidaires, abus de substances ou encore douleurs psychosomatiques.

Géré par la congrégation des Frères de la Charité de l’Église catholique, le centre dispose de 80 lits et accueille des patients venus du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, de l’Ituri, et même de pays voisins. Son équipe pluridisciplinaire médecins, psychologues, infirmiers spécialisés, assistants sociaux  fait de ce lieu un rare bastion de soin mental dans la région.

Josué Mutanava, à Goma