Débat sur la révision ou le changement de la Constitution initié par Félix Tshisekedi : Denis Mukwege juge cette démarche "inopportune", "suspecte" et "dangereuse" dans un contexte de turbulences intérieures et régionales

Denis Mukwege
Denis Mukwege

L'ancien candidat à la présidence de la République Denis Mukwege Mukengere juge "inopportun" le débat sur la révision ou le changement de la Constitution initié par le Chef de l'État Félix-Antoine Tshisekedi dans un contexte où l'intégrité du territoire national et la survie de la nation sont menacées par la guerre d'agression rwandaise via la rébellion du M23.

Pour Denis Mukwege, lauréat du prix Nobel de la paix 2018 : "Recourir au forcing sur cette question dans une période de turbulences intérieures et régionales fragilisera davantage la cohésion sociale déjà ébranlée à la suite des dernières élections générales organisées en décembre dernier."

"Il est paradoxal de constater que c’est en ce moment où l’intégrité territoriale et la survie même de notre pays sont mises à rude épreuve que le Président de la République a choisi de tenter une révision constitutionnelle. Cette démarche est inopportune, suspecte et dangereuse. En effet, il est prévisible que les désaccords périlleux qu’un tel forcing suscitera, dans un contexte de turbulences intérieures et régionales, fragiliseront davantage la cohésion sociale déjà ébranlée par la crise de légitimité qui a suivi les élections chaotiques et frauduleuses de décembre 2023", a-t-il fait savoir dans son message publié mardi 24 décembre 2024 à l'occasion des festivités de fin d'année.

À en croire celui que l'on a surnommé le "Réparateur des femmes", le sens de la responsabilité qui nous incombe tous "nous commande de tirer la sonnette d’alarme et d’avertir les politiciens au pouvoir du danger d’une déstabilisation majeure de notre pays."

"La mauvaise gouvernance et les horreurs actuelles ne peuvent plus se poursuivre. Comment continuer à accepter tant de morts, de blessés, de déplacés et de misère dans l’indifférence ? Hier comme aujourd’hui, nous ne pouvons tolérer l’intolérable. Hier comme aujourd’hui, nous ne pouvons accepter que l’ambition de se pérenniser au pouvoir au-delà des mandats constitutionnels mette à nouveau en péril la vie de nos concitoyens et l’existence même de notre pays. Cette tentative serait un fâcheux recul pour notre démocratie, emportée de haute lutte par plusieurs générations", a dénoncé Denis Mukwege dans son message.

Par ailleurs, Denis Mukwege estime qu'une telle "tentative" va à l'encontre de la lutte de plusieurs panafricanistes et de nombreuses personnalités ayant œuvré pour l'avènement de la démocratie en Afrique.

"Cette tentative serait une honte pour l’Afrique, qui a vu Nelson Mandela, l’un de ses plus grands leaders, entrer au Panthéon de l’histoire de notre continent alors qu’il n’a fait qu’un seul mandat présidentiel. Cette tentative serait une profanation de la mémoire de Julius Nyerere, de Léopold Sédar Senghor et de tant d’autres leaders de l’Afrique moderne qui ont réussi des alternances sans discorde, en quittant le pouvoir de leur propre gré, laissant derrière eux des pays stables et des nations solides. Pour l’histoire et pour notre destin commun en tant que nation, nous sommes tenus de nous rassembler et de nous mobiliser pour défendre notre précieuse Constitution. Elle porte en elle l’empreinte de nos luttes et de nos rêves", a soutenu le Prix Nobel de la paix.

Le débat autour de la révision ou du changement de la Constitution continue de diviser la classe sociopolitique congolaise. Lors de ses récents voyages à l'intérieur du pays, Félix Tshisekedi a annoncé la mise en place, dès l'année prochaine, d'une commission nationale multisectorielle devant proposer une Constitution adaptée aux réalités des Congolais et "rédigée par les Congolais". Il estime que l'actuelle loi fondamentale a été rédigée par des étrangers, à l’étranger, et que certaines de ses dispositions bloqueraient le bon fonctionnement des institutions de la République.

Du côté de l'opposition, représentée notamment par les camps Joseph Kabila, Katumbi, Fayulu, Matata et plusieurs mouvements de la société civile, ce "plan diabolique", qui consacre la balkanisation du pays, représente une menace grave pour la souveraineté nationale et la démocratie en République démocratique du Congo. Ils envisagent, dans les prochains jours, d'entamer des manifestations pacifiques dans les rues de Kinshasa et ailleurs pour exiger le respect de l'actuelle Constitution de la République démocratique du Congo.

Clément Muamba