Le Président Félix Tshisekedi prononcera, ce mercredi 11 décembre, son sixième discours sur l’état de la nation devant les deux chambres du Parlement réunies en Congrès au Palais du Peuple. Ce sera le premier discours de son second mandat, un rendez-vous institutionnel inscrit dans l’article 77 de la Constitution. Cette allocution survient à un moment particulier pour la RDC, confrontée à des défis majeurs sur les plans sécuritaire, économique, politique et social.
Une crise sécuritaire qui perdure dans l’Est
Depuis trois ans, l’état de siège est en vigueur dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, une mesure exceptionnelle destinée à contrer les violences des groupes armés. Pourtant, cette initiative peine à produire les résultats escomptés. Les violences continuent de ravager ces régions : entre septembre et novembre 2024, la MONUSCO a recensé 314 atteintes graves à la sécurité, entraînant la mort de 304 civils, dont des femmes et des enfants. Les groupes armés, notamment les Forces démocratiques alliées (ADF) et la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO), restent actifs et représentent une menace constante.
Le Nord-Kivu est également marqué par la présence du M23, qui contrôle toujours plusieurs agglomérations des territoires stratégiques, notamment Rutshuru, Masisi, Nyiragongo et Walikale. Bien qu’un cessez-le-feu ait été signé sous la médiation angolaise, aucune avancée notable n’a été constatée. Les relations avec le Rwanda, accusé de soutenir le M23, demeurent tendues malgré les initiatives diplomatiques. Un sommet tripartite avec l’Angola et le Rwanda est prévu le 15 décembre à Luanda, mais les perspectives de paix restent incertaines.
Un programme économique ambitieux mais des défis persistants
Sur le plan économique, le chef de l’État pourrait mettre en avant les récentes avancées avec le Fonds monétaire international (FMI). Deux nouveaux programmes économiques, soutenus par la Facilité élargie de crédit (FEC) et la Facilité pour la résilience et la durabilité (FRD), totalisent 2,87 milliards de dollars. Ces accords visent à stimuler la croissance, diversifier l’économie, créer des emplois et renforcer la résilience climatique. Le ministre des Finances, Doudou Fwamba Li-Botayi, avaot salué ces efforts, tout en insistant sur leur rôle crucial pour améliorer la gouvernance économique.
Le budget 2025, actuellement en examen au Sénat, reflète les priorités du gouvernement, avec un montant révisé à 44 410 milliards de francs congolais (environ 15,8 milliards de dollars). Les infrastructures, la rémunération des agents publics et les secteurs sociaux figurent parmi les principales priorités. Cependant, des critiques subsistent sur la capacité du gouvernement à transformer ces engagements en actions concrètes, dans un contexte de perte de pouvoir d’achat et de grogne sociale croissante.
Une révision constitutionnelle qui divise
La révision de la Constitution sera sans doute un sujet phare du discours présidentiel. Félix Tshisekedi a exprimé son intention de créer une commission multidisciplinaire en 2025 pour réfléchir à une nouvelle Constitution, jugée plus adaptée aux réalités actuelles du pays. Cette initiative suscite des débats animés : si la majorité présidentielle, représentée par des figures comme Vital Kamerhe, soutient l’idée d’un débat inclusif, l’opposition, menée par Martin Fayulu et Moïse Katumbi, craint une dérive autoritaire et appelle à des manifestations nationales.
La société civile, représentée par l’Association Congolaise de Droit Constitutionnel (ACDC), insiste sur la nécessité d’un débat rigoureux pour évaluer les implications juridiques et politiques d’une telle réforme. Cependant, l’opinion publique reste divisée : certains dénoncent une distraction face aux problèmes urgents, tandis que d’autres y voient une opportunité de moderniser le cadre institutionnel.
Des tensions politiques et des échéances électorales
Le climat politique est marqué par des tensions au sein de la majorité. La répartition des postes dans les commissions parlementaires avait suscité des mécontentements, le parti présidentiel ayant obtenu quatre commissions sur onze, contre six pour les autres partis de la majorité. Par ailleurs, l’opposition et plusieurs députés de la majorité réclament la levée de l’état de siège, jugé inefficace.
Sur le front électoral, des législatives nationales et provinciales sont prévues pour le 15 décembre dans les territoires de Yakoma et Masimanimba, où les scrutins avaient été annulés en 2023. Cependant, d’autres élections locales et législatives, notamment dans le Nord-Kivu, restent suspendues en raison de l’insécurité.
Un contexte humanitaire et sanitaire préoccupant
La situation humanitaire reste dramatique, avec 21,2 millions de personnes dans le besoin. Le plan humanitaire coordonné a mobilisé 1,23 milliard de dollars en 2024, mais les défis persistent, notamment pour les 11 millions de personnes les plus vulnérables. Les attaques contre les humanitaires compliquent davantage l’accès à l’aide.
Sur le plan sanitaire, le pays est confronté à des épidémies de Mpox, de choléra et de rougeole. Une maladie mystérieuse dans le Kwango a causé 143 décès, tandis que l’Est du pays subit les conséquences des violences sur la santé publique. Ces crises mettent en lumière les faiblesses structurelles du système de santé.
Le discours de Félix Tshisekedi intervient à un moment où la RDC semble à la croisée des chemins. Alors que le pays fait face à des défis multiples, cette allocution sera l’occasion pour le chef de l’État de tracer une feuille de route pour l’année à venir et de rassurer les Congolais sur sa capacité à répondre aux attentes.