Théâtre : "Plus que large", un plaidoyer pour la dignité des femmes

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Théâtre : "Plus que large"

Ce jeudi 31 octobre, le centre Wallonie-Bruxelles a été le théâtre géant, accueillant la représentation d’un spectacle poignant dénommé "Plus que large", mis en scène par Wedou Wetungani. Ce spectacle, porté par le Collectif XXL, met en lumière les conditions des femmes rondes à travers une série de récits captivants, allant de l'admiration à la colère, de l'indignation à la révolte.

Le quatuor XXL, composé de Francisca Kobanghe, Antho Kabala, Deborah Pezit et Furaha Ngoya, s’est livré sans filtre sur les réalités que vivent au quotidien les femmes aux surcharges pondérales. Les comédiennes abordent les préjugés et les moqueries auxquels elles font face, tout en célébrant leur corps et leur identité. La pièce commence par un cri de cœur : "On m'a traitée de grosse", une phrase qui résonne avec force et qui introduit un éventail d'émotions.

« Laissez-moi vous signaler que j'ai incarné ce rôle parce qu'il s'agit bien évidemment de moi et aussi des autres comédiennes que vous avez vu sur scène aujourd’hui. Une partie de la pièce sont des histoires propres à nous, et que nous avons voulu dire tout haut devant tout le monde. Le sentiment que nous ressentons à ce moment-ci est que nous sommes dans la joie parce que beaucoup de gens reçoivent ce spectacle comme il le faut et on s'est dit que ce n'est pas encore fini. Cela constitue de plus une source de motivation pour nous de continuer », explique Deborah Pezit, comédienne et membre du collectif XXL.

Elle a insisté entre autres sur le fait que beaucoup de gens avec des surcharges pondérales sont en train de « se morfondre » quant à leur situation et affirme qu’elle, ensemble avec les autres membres qui composent le quatuor, sont là « pour aider ce genre de personnes à se relever, à se considérer pareilles aux autres ». Deborah Pezit finit son argumentaire en mention Albertini Harmony, une femme dans la même situation et mène le même combat qu’elles, auteure du livre "Bordel, soyons libres ! », qui dit aux personnes grasses de « n’attendons pas de cocher toutes les cases de notre vie pour être libres réellement ». Cette citation justifie au mieux leur combat en tant que collectif XXL.

Une exploration des émotions

À travers des anecdotes personnelles, les comédiennes évoquent des thèmes lourds, comme le viol et les attentes sociétales. L'une d’entre elles partage une expérience douloureuse : "À 20 ans, j'étais déjà mariée", rappelant les challenges auxquels les femmes sont confrontées dès leur jeunesse. Les rires se mêlent aux larmes, et le public est souvent interpellé par la gravité des sujets traités. La question posée : "Que reste-t-il à une enfant lorsqu’on lui ôte sa plus grande part d'innocence ?" a plongé la salle dans un silence pesant.

La pièce ne se contente pas de dénoncer les attitudes masculines. Elle met également en lumière le jugement entre femmes. Ces quatre comédiennes soulignent que les moqueries ne viennent pas seulement des hommes, mais aussi de leurs semblables. Un tableau saisissant montre deux infirmières critiquant une médecin en surpoids, illustrant ainsi l’hostilité qui peut exister au sein même du genre.

« Pourquoi regarder les femmes aux grosses poitrines, avec un corps large ? Pourquoi les stigmatiser ? », s’interroge Wedou Wetungani, metteur en scène de "Plus que large", qui rebondit en disant : « ces femmes sont stigmatisées, alors qu'elles sont comme toutes les autres aussi. Donc ça c'est la stigmatisation justement de la femme grosse ou large dans la société ». 

Ce spectacle cible beaucoup plus les personnes en surcharge pondérale, mais pas que. Après une présentation à Kisangani, le collectif XXL avait rencontré une jeune fille, dont elles n’ont pas voulu dévoiler le nom. Cette dernière a un souci avec sa jambe et n'arrivait pas à se présenter devant les gens. Suite à ce spectacle, elle a eu ce souci là qu'elle a avec sa jambe et l’a transformé en un défi, elle en a fait un atout et pratique actuellement la danse contemporaine. Aujourd'hui elle présente des danses, des spectacles contemporains avec sa jambe qui n’est plus une honte pour elle, mais une fierté. 

« Quand on a commencé ce spectacle, on ne pensait pas que ça pouvait avoir l’ampleur qu’il a maintenant. Et aujourd'hui je suis vraiment contente, ce n'est pas la première fois qu'on le présente, ça doit être la cinquième ou la sixième prestation si je ne me trompe, mais déjà moi je suis dans la joie, et contente parce que je vois les réactions, et constate que le message que nous sommes en train de véhiculer à travers ce spectacle fonctionne, et ça marche, les gens l'écoutent et puis ça change des choses », explique Antho Sifu, l’une des comédiennes, soulignant dans la foulée l'importance de ce spectacle. 

Elle note le paradoxe de la perception des femmes rondes dans la société : à la fois adorées et rejetées. Elle plaide pour une représentation plus positive des rondeurs, considérant que "c'est un atout".

Malgré la complexité des thèmes abordés, "Plus que large" se termine sur une note festive, célébrant l'affirmation et la confiance de soi. Francisca Kobanghe, Antho Kabala, Deborah Pezit et Furaha Ngoya, chacune à sa manière, se décrit avec fierté, affirmant qu'elles sont bien plus que leur apparence. 

"Plus que large" ne se contente pas de faire simplement rire; mais soulève des questions cruciales sur la perception des corps et invite à une réflexion collective. En abordant ces enjeux avec sensibilité et humour, le quartuor XXL transforme la scène en une plateforme d’expression libre. 

James M. Mutuba