Le député national Augustin Matata Ponyo s'est exprimé lors du débat général relatif à l'examen du projet de loi de finances pour l'exercice 2025. Dans son exposé, l'élu de Kindu (Maniema) a attiré l'attention de la Première ministre Judith Suminwa sur la nécessité d'améliorer la gouvernance économique du pays, notamment en ce qui concerne la valorisation de la monnaie nationale face au dollar américain.
"Le cadre macroéconomique, vous nous avez présenté, Madame la Première ministre, un cadre budgétaire et un cadre macroéconomique avec un taux d'inflation de 9,2 % et un taux de change de 2 954 FC. Que vaut un cadre macroéconomique lorsqu'il n'est pas réalisé ? Parce que c'est ce cadre macroéconomique qui sous-tend le budget. Je me réfère à l'expérience des 5 dernières années : aucun taux d'inflation prévu dans le budget voté par cette Assemblée nationale n'a été réalisé. Cette année, au mois d'octobre, on est déjà à 14 % d'inflation. Comment va-t-on réaliser un taux de près de 9,2 % en 2025 ?" s'est interrogé l'ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo.
Il a poursuivi :
"Le taux de change, vous avez dit ici — et je vous en félicite — qu'il est resté plus ou moins stable depuis 3 mois. Mais, Madame la Première ministre, à quel prix ? C'est un taux de change factice parce qu'il est le résultat d'un financement par les arriérés de salaires et les grèves de tous ordres. C'est un taux de change qui ne transparaît pas dans la vie économique réelle. Veillez à ce que le taux de change soit l'expression de l'équilibre macroéconomique entre l'offre et la demande sur le marché des changes et des biens et services."
Critiquant le recours aux dépenses en procédure d'urgence, l'ancien Premier ministre a rappelé au gouvernement la nécessité de respecter l'indépendance de la Banque Centrale du Congo.
"Le respect de la chaîne de la dépense. Que vaut un budget, chers collègues, si cette chaîne n'est pas respectée ? Nous avons examiné avec vous le rapport sur la reddition des comptes, qui nous indique que plus de 50 % des dépenses publiques sont exécutées hors chaîne, c'est-à-dire que plus de 50 % des dépenses du gouvernement ne sont pas conformes à la loi. Madame la Première ministre, quel crédit peut-on accorder à un budget si réellement plus de 50 % des dépenses sont effectuées en dehors de la chaîne ?" a déploré Augustin Matata Ponyo.
Et de poursuivre :
"L'indépendance de la Banque Centrale du Congo : il existe une relation de cause à effet entre le degré d'indépendance d'une Banque Centrale et le niveau de développement. Tout le monde sait aujourd'hui que nous avons une Banque Centrale totalement inféodée au gouvernement, qui exécute les dépenses en violant systématiquement la loi organique régissant son fonctionnement. Madame la Première ministre, que peut-on attendre de votre budget lorsque la Banque Centrale fonctionne comme une filiale du gouvernement ou de la Présidence de la République ?"
Par ailleurs, Augustin Matata Ponyo a invité la Première ministre à se montrer vigilante dans la lutte contre la corruption, devenue un véritable sport chez certains gestionnaires en RDC.
"Autre élément, la corruption. Vous êtes une experte, Madame la Première ministre, et vous savez qu'il existe une relation de cause à effet entre le niveau de corruption et le développement économique. Un écart-type de 1 % a un impact négatif sur le budget et l'investissement de près de 0,35 %, et sur la croissance de 0,3 %. Or, il s'avère aujourd'hui que la corruption est pratiquement devenue un sport national au sein du gouvernement. Que peut-on attendre de ce budget si la corruption persiste ?" a fait remarquer Augustin Matata Ponyo.
Il a également déploré les divers mouvements de grève observés en RDC, insistant sur l'importance des institutions inclusives.
"L'impaiement des salaires et les frais de fonctionnement. Le budget ne peut être exécuté de manière correcte, efficace et productive s'il n'y a pas de leadership et de bonne gouvernance. Le leadership garantit des institutions inclusives, qui font cruellement défaut aujourd'hui. Lorsque l'administration publique est en grève, lorsque les enseignants, les magistrats et les professeurs d'université sont en grève, quel type d'institutions avons-nous pour exécuter un budget, même équilibré, comme vous l'avez dit ici ?" a souligné Augustin Matata Ponyo.
L'amélioration du pouvoir d'achat des Congolais par la stabilité de la monnaie nationale fait partie des six engagements du second mandat du Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo.
Clément MUAMBA