La proposition de loi déposée par Modeste Bahati Lukwebo, visant à prévenir et sanctionner les discriminations envers les femmes, suscite un vif intérêt au sein de la société congolaise. Pour mieux cerner les enjeux de cette initiative, le Desk femme d'Actualité.cd a rencontré quelques employées d'entreprises de Kinshasa afin de recueillir leurs témoignages sur les inégalités qu'elles constatent dans leurs environnements professionnels.
Leurs récits révèlent que les écarts de rémunération entre hommes et femmes demeurent une réalité préoccupante dans de nombreux secteurs. "J'occupe le même poste qu'un collègue homme depuis trois ans, et je gagne 15 % de moins. C’est décourageant de constater que, malgré mes efforts, ma rémunération ne reflète pas ma contribution," confie Julie Kawanga, comptable dans une multinationale.
D'autres femmes interrogées font état d'écarts salariaux allant de 10 % à 30 %, sans justification objective.
Claudine N'singa, responsable marketing, ajoute : "dans mon équipe, les femmes sont systématiquement moins bien rémunérées que leurs homologues masculins, même avec des résultats équivalents. J’ai demandé une augmentation après avoir réalisé de meilleurs résultats, mais on m'a répondu que c'était difficile, car les femmes ne doivent pas être trop exigeantes. Cela me fait sentir que ma valeur est moindre simplement parce que je suis une femme."
Sophie Lema, analyste financière, renchérit : "après un travail exceptionnel sur un projet, j'ai demandé une réévaluation de mon salaire. On m'a répondu que ce n'était pas possible, et que je devrais être satisfaite de mon poste. J’ai aussi constaté que mes collègues masculins bénéficient de primes sans aucune explication. Cela a créé en moi de la méfiance et de la frustration quant à mes compétences professionnelles."
Au-delà de l'inégalité salariale, les femmes signalent également des difficultés à accéder à des postes à responsabilité. Sylvie Kayowa, ingénieure agronome, déplore : "J'ai les qualifications requises, mais on préfère toujours un homme pour les postes de management. Chaque fois qu'une opportunité se présente, je suis écartée sans explication valable. Les stéréotypes de genre semblent encore ancrés dans les mentalités, limitant nos chances d'évolution."
Nadia Mwanga, chef de projet, partage une expérience similaire : "les promotions semblent souvent basées sur des critères subjectifs. Même avec des résultats tangibles, je n'ai jamais eu l'occasion d'évoluer, et je vois toujours des collègues masculins accéder à des postes que j'aurais pu occuper. Cela fait douter de mon avenir professionnel."
Miriam Ilunga, responsable des ressources humaines, ajoute : "j'ai formé plusieurs hommes pour des postes de direction, mais lors des promotions, je reste systématiquement en arrière-plan. C'est frustrant de voir mon travail ignoré."
Ces témoignages mettent en lumière plusieurs causes profondes des discriminations :
- Les stéréotypes de genre : "l'idée que les femmes seraient moins compétentes ou ambitieuses que les hommes est encore largement répandue", déplore Miriam.
- La charge mentale : "les femmes assument souvent une part plus importante des tâches ménagères et de la prise en charge des enfants, limitant ainsi leur disponibilité pour des responsabilités professionnelles", souligne de son côté Christine Bijika, assistante financière.
- Le manque de réseaux : "les hommes sont souvent mieux intégrés dans les réseaux professionnels, ce qui facilite leur accès aux opportunités", renchérit elle.
Les attentes vis-à-vis de la proposition de loi BAHATI
Les employées interrogées placent de grands espoirs dans cette proposition de loi. Elles espèrent qu'elle permettra de : (i) renforcer le cadre légal en définissant clairement les actes de discrimination et en prévoyant des sanctions dissuasives
(ii) sensibiliser les acteurs économiques à l'égalité des sexes en entreprise par des campagnes de sensibilisation
et (iii) mettre en place des mécanismes de contrôle pour vérifier l'application de la loi et sanctionner les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations.
Nancy Clémence Tshimueneka