Depuis la publication de l'arrêté du ministre national de la Justice et Garde des Sceaux du 12 août 2024 portant suspension des membres de la direction nationale du Fonds spécial de réparation et d'indemnisation aux victimes des activités illicites de l'Ouganda, les attentes ne sont pas les mêmes à Kisangani.
Jean Kazamire, représentant des victimes, a déclaré :
"Nous sommes contents de la décision du ministre pour l'augmentation des frais d'indemnisation individuelle de toutes les victimes sans tenir compte des catégories. Il ne sera plus question de passer par plusieurs procédures, telles que les consultations médicales, les enquêtes et d'autres procédures qui ne font que trop durer."
D'autres victimes, qui ont requis l'anonymat, ont exprimé leurs craintes :
"Nous redoutons que le paiement des indemnités soit suspendu dans les prochains jours. Ce serait nous, les victimes, qui serions perdants alors que la paie pour la première tranche a déjà commencé," ont-elles déclaré.
Selon Franck Linaito, président du cadre de concertation des organisations de la société civile et forces vives de la Tshopo, "après la suspension, l'intérim doit être assuré par les membres de la direction générale du Fonds spécial de réparation et d'indemnisation des activités illicites de l'Ouganda en RDC, plutôt que de nommer des personnes extérieures à la direction générale. La nouvelle équipe risque d'inventer une nouvelle roue, ce qui pourrait entraîner un blocage de cet établissement public."
Il a ajouté :
"C'est une décision politique ou administrative difficile à comprendre, cet arrêté ne mentionne aucun fait infractionnel ni la durée de la suspension. Nous demandons au Président de la République, Félix Antoine Tshisekedi, d'intervenir le plus tôt possible pour sauver les opérations d'indemnisation dont les objectifs risquent de ne pas être atteints, contrairement à nos attentes."
La Cour internationale de justice a convenu avec l'Ouganda de verser chaque premier septembre, pendant cinq ans, 65 millions de dollars à la RDC. Le décret portant création, organisation et fonctionnement de cet établissement public stipule dans son article 4 que le Fonds spécial de réparation et d'indemnisation aux victimes des activités illicites de l'Ouganda gère en toute indépendance, équité et transparence tous les fonds alloués à la RDC et perçoit l'intégralité des fonds pour l'indemnisation des victimes. Selon nos sources, les deux versements effectués par l'Ouganda en 2022 et 2023, d'un montant total de 130 millions de dollars, n'ont jamais été intégralement versés dans le compte de cet établissement public.
Le gouvernement a retenu à la source 18,4 %, soit 23,998 millions de dollars. Il revient au ministre de la Justice de clarifier la destination de ces 18,4 % et leur utilisation. L'équipe de l'IGF, en fin de mission à Kisangani, a mentionné dans son rapport final un détournement des fonds des victimes logés à la Rawbank, après enquête, qui s'élève à 81,54 %.
Lors de sa mission à Kisangani au début du mois d'août 2024, le ministre de la Justice, Constant Mutamba, a ordonné l'arrestation du coordonnateur national, en présence de quelques victimes, au siège de cet établissement public dans la commune de Makiso. Le coordonnateur a été interpellé par le procureur général le 30 juillet 2024 pour audition, puis transféré à la brigade de la police judiciaire pour être relâché à 19h00 sans qu'aucun fait infractionnel ne soit retenu contre lui. Le ministre national de la Justice a ensuite suspendu les opérations d'indemnisation individuelles pour la première tranche et a ordonné l'arrêt des activités.
Devant les victimes, il a décidé de porter l'indemnisation à 2000 $ par victime, au lieu des montants fixés par le conseil d'administration, allant de 1040 $ à 300 $ à titre symbolique selon les catégories.
Certaines opinions estiment que le ministre national de la Justice a ignoré les dispositions prises par le conseil d'administration et le décret créant cet établissement public par ordonnance présidentielle. En effet, nulle part l'arrêt de la Cour ne définit la compétence du ministre dans son application. De ce fait, il est demandé au ministre national de la Justice de retirer son arrêté, dont les concernés par la suspension n'ont pas reçu notification. Pour le cadre de concertation des organisations de la société civile de la Tshopo, la décision du ministre ne répond pas aux attentes de la société civile de cette province.
Gabriel Makabu, à Kisangani