La contrebande du commerce de l'or vers l'Ouganda a fortement augmenté ces derniers mois, selon le rapport du groupe d'experts des Nations-Unies publié en ce mois de juillet 2025. L'or exploité illégalement était régulièrement introduit clandestinement de la RDC vers l'Ouganda pour acheter des marchandises à l'étranger, qui étaient ensuite vendues en Ituri avec profit.
Selon le rapport, ce commerce illicite est qualifié de blanchiment d'argent commercial, permettant des transferts de valeur transfrontaliers sans espèces en dehors des circuits financiers officiels, ce qui rend les transferts difficiles à détecter. Par exemple, Bassa Ndroza, basé en Ituri et principal négociant d'or extrait dans les territoires de Djugu et de Mahagi, était le principal importateur de riz et d'huile de palme d'Ouganda.
"Les négociants en or de Butembo sont restés des acteurs clés de l'exploitation aurifère illégale et ont fait passer leur or en contrebande vers l'Ouganda. Ils possédaient des banques de microfinance à Bunia, qui préfinançaient les coopératives d'orpaillage, obligées de revendre leur or à ces négociants. Leur partenaire commercial à Bunia, Edmond Kasereka, détenait des actions de la banque de microfinance T.I.D et de Muungano na Maendeleo (MNM), l'unique comptoir d'or officiel de Bunia, ce dernier étant co-détenu avec l'acheteur d'or Banga Ndjelo", lit-on dans le rapport du groupe d'experts des Nations-Unies.
Et de poursuivre :
"L'or extrait dans les territoires de Djugu et de Mahagi était transporté vers Kampala par les points de passage d'Aru et de Mahagi, ainsi que par la route Butembo-Kasindi. L'or était notamment acheté par des acheteurs ougandais exploitant des comptoirs d'or dans la ville frontalière d'Arua. L'afflux d'or de contrebande d'Ituri vers Kampala a considérablement gonflé les chiffres du raffinage et des exportations d'or de l'Ouganda. Le Groupe note qu'une grande partie de l'or raffiné et exporté en Ouganda était donc inéligible au commerce".
Exploitation minière illégale et commerce illicite financent des groupes armés et des individus sanctionnés
Selon le rapport, dans les territoires de Djugu et de Mahagi, la quasi-totalité des sites miniers étaient contrôlés par la CODECO ou le Zaïre, générant des revenus importants. Ces derniers imposaient également des taxes et des droits de contrôle, et empêchaient les agents de l'administration minière d'accéder aux sites sous leur contrôle. Les FARDC n'ont réussi à reprendre le contrôle que du site minier de Lodjo, dans le territoire de Djugu. Le commandant de la CODECO/URDPC, Samuel Kadogo, contrôlait le complexe minier aurifère de Mongbwalu-Nzebi, tandis que le commandant zaïrois Baraka Maki contrôlait toutes les activités économiques de la chefferie de Mambisa.
Rôle de la CODECO/URDPC dans l'exploitation minière illégale de l'or
Selon le rapport toujours, des députés nationaux et provinciaux, dont Floribert Ngabu Njabu étaient impliqués dans l'exploitation minière illégale de l'or dans les zones contrôlées par la CODECO. Dans un enregistrement audio authentifié du début de l'année 2025, Joachim Kambale Ngendu et Jean Batchu Ngbadhe, deux députés provinciaux, ont évoqué leurs exploitations minières mécanisées illégales dans la chefferie de Banyali Kilo.
"Ils ont fait référence à des exploitations illégales similaires à Banyali Kilo, propriété de leur collègue député Serge Lonema Mbukana, Djokaba Lambi Bede, Jean Paul Ngabu Tchunde et Floribert Ngabu Njabu. L'enregistrement audio a révélé que chacun des individus susmentionnés versait 10 000 dollars par mois à la CODECO/URDPC pour la protection de ses activités. Plusieurs sources ont corroboré le contenu de l'enregistrement, concernant à la fois le rôle de ces individus dans l'exploitation minière illégale et les paiements effectués. Les paiements et la collaboration avec des groupes armés constituent des actes passibles de sanctions".
Selon le rapport, le commandant de la CODECO, Samuel « Kadogo », a imposé des paiements uniques pour permettre les activités minières dans les zones sous son contrôle. Les frais étaient discriminatoires sur le plan ethnique : alors que les hommes d’affaires lendu payaient 17 000 dollars, les non-Lendu payaient 30 000 dollars. Un négociant basé à Nzebi, communément appelé « Tchenji », était le principal acheteur d’or produit à Mongwalu et Nzebi, contrôlé par la CODECO. Les successeurs du défunt négociant en or « Exodus » Adelard ont continué d’acheter de l’or à Mongbwalu par l’intermédiaire de leur propre comptoir illégal à Bunia.
Le rôle de Baraka Maki dans l’exploitation aurifère illégale
D'après les mandataires des Nations-Unies, le commandant zaïrois Baraka Maki Amos a consolidé son pouvoir économique grâce à l'exploitation illégale d'or dans la zone de Mabanga, chefferie de Mambisa. Il a également imposé des frais mensuels de 3 000 dollars aux coopératives opérant à Mabanga.
Ces coopératives appartenaient à des hommes d'affaires de Bunia, dont Raphaël Mambo Kamaragi (propriétaire de Co.Mi.Sa.Ra.), Aimé Mbanga et Robert Ucaya (propriétaires de la Coopérative Umoja).
"Baraka a exploité son contrôle sur le Zaïre en prélevant des taxes illégales et en imposant des salongos à Mabanga et en sanctionnant sévèrement les contrevenants, y compris les commerçants. Baraka a blanchi une partie de son argent grâce à ses hôtels « Ndibé » et « New Cosmos » à Bunia", souligne le rapport du groupe d'experts des Nations-Unies.
Cette situation a toujours été dénoncée par les acteurs de la société civile de la province de l'Ituri. Déjà, dans un précédent rapport de l'ONU,il a été révélé que l’exploitation artisanale de l’or en Ituri génère des revenus estimés à au moins 140 millions de dollars par an pour les groupes armés et les réseaux criminels.
Ces revenus, issus d’activités illégales, échappent largement au contrôle de l’État, créant un fossé entre les estimations officielles et les chiffres déclarés. Pour plusieurs observateurs, il est plus qu'urgent que l'autorité de l'État soit établie sur toute l'étendue du territoire national particulièrement dans les provinces de l'Est de la RDC.
Clément MUAMBA