Le Syndicat Autonome des Magistrats du Congo (SYNAMAC) a exprimé mercredi de vives préoccupations concernant les récentes déclarations du ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Constant Mutamba. Dans un communiqué, le SYNAMAC accuse le ministre de mener une campagne de discrédit contre le corps des magistrats, tout en éludant les problèmes structurels qui affectent le système judiciaire en République démocratique du Congo (RDC).
Le contexte de cette confrontation découle des réformes judiciaires entreprises par le gouvernement, avec le soutien du président Félix Tshisekedi. Le ministre de la Justice, Constant Mutamba, a récemment intensifié ses critiques envers le corps judiciaire, dénonçant ce qu'il appelle des "réseaux mafieux" au sein du système, et s'engageant à réformer profondément le secteur. Cette position a été réaffirmée dans une série de tweets où il a notamment déclaré : « Le Chef de l'État nous a nommés pour redresser notre justice et redorer son image. Rien n'arrêtera cet engagement ferme du Magistrat Suprême. Les réformes courageuses en cours vont se poursuivre à la satisfaction générale de notre peuple. Des réseaux mafieux démasqués craquent déjà. Seule la justice élève une Nation. »
En réponse, le SYNAMAC a dénoncé ce qu'il considère comme une rhétorique "populiste et outrageante", visant à faire des magistrats les boucs émissaires des dysfonctionnements du système judiciaire. « Ces discours populistes exposent davantage les magistrats, dont la sécurité est déjà précaire ou pas du tout assurée », a déclaré le syndicat dans son communiqué. Le SYNAMAC a également critiqué la création de "tribunaux populaires" où le ministre, selon eux, se comporte à la fois comme juge et procureur, remettant en cause les décisions judiciaires et ordonnant des arrestations. « Dans un État de droit, le seul moyen d'attaquer une décision de justice demeure les voies de recours prévues par le législateur », rappelle le syndicat.
Le SYNAMAC fustige également la mise en place de commissions chargées de censurer les actes des magistrats sans consulter leur hiérarchie. « Le ministre ne peut pas se substituer aux cours et tribunaux en créant des commissions pour juger les actes des magistrats. Ces pratiques sont contraires à l'État de droit », a souligné le syndicat.
De son côté, Constant Mutamba a défendu la création de ces commissions, affirmant qu'elles sont nécessaires pour lutter contre les abus au sein du système judiciaire. Depuis le 5 août, le ministre a mis en place une Commission Nationale mixte chargée d'enquêter sur les pratiques mafieuses dans le système judiciaire. Cette commission est censée se déployer sur l'ensemble du territoire pour recueillir les plaintes des justiciables concernant des actes de corruption, d'escroquerie, et d'autres pratiques illégales. « La population est appelée à dénoncer, en produisant les preuves nécessaires, tout comportement mafieux lié à l'administration de la justice », a déclaré Mutamba.
Le ministre a également resoumis à l'Assemblée nationale quatre textes de loi pour renforcer les réformes judiciaires en cours, dont des textes de loi sur l'organisation de l'ordre judiciaire, le Conseil Supérieur de la Magistrature, le statut des magistrats, et le barreau. Ces initiatives, selon lui, sont cruciales pour moderniser et assainir le système judiciaire en RDC.
Cependant, le SYNAMAC rappelle que les magistrats ne sont qu'un maillon de la chaîne judiciaire, et que d'autres acteurs, y compris le ministre de la Justice lui-même, partagent la responsabilité du bon fonctionnement de cette institution. « Si la chaîne justice est malade, c'est donc tous les maillons qui sont malades y compris le ministre de la Justice », a conclu le syndicat.
Cette confrontation entre le ministère de la Justice et les magistrats illustre une fois de plus les tensions croissantes autour des réformes du système judiciaire en RDC, alors que le gouvernement tente de redorer l'image de la justice dans un pays souvent critiqué pour la corruption et l'impunité.