De la démission de la ministre déléguée à l’environnement, à l'appel au dialogue entre la RDC et le Rwanda, en passant par le forum mondial pour accélérer la production de vaccins en Afrique, la semaine qui vient de s'achever a été riche en actualités. Retour sur chacun des faits marquants avec Grâce Diangu.
Madame Grâce Diangu, pouvez-vous nous parler brièvement de vous ?
Grâce Diangu: Je suis économiste de formation, entrepreneure œuvrant dans l'agro-alimentaire et membre de la synergie des jeunes africains pour la consolidation de la paix et la sécurité.
Lors de la 1ère réunion du conseil des ministres du gouvernement Suminwa, Félix Tshisekedi a annoncé qu’une évaluation sur les actions de chaque ministre sera effectuée dans un intervalle de trois mois. Pensez-vous que cette évaluation pourra permettre d'améliorer la performance du gouvernement et répondre aux attentes de la population ?
Grâce Diangu: L'évaluation des performances est un processus crucial pour toute organisation désireuse de prospérer. En effet, je suis convaincu que si cette mesure est effectivement mise en œuvre, elle permettra d'évaluer les réalisations de chaque ministre, d'identifier les domaines à améliorer et de s'adapter aux réalités du terrain. J'encourage vivement la Première ministre à rester ferme dans cette décision.
Le cabinet de la première ministre, Judith Suminwa Tuluka a annoncé le 19 juin par voie de communiqué la démission de la ministre déléguée à l’environnement, Stéphanie Mbombo. Sans donner plus de détails, la Primature parle des raisons de convenance personnelle. Quelle lecture faites-vous de ce fait ?
Grâce Diangu: D'une part, il est encourageant de voir une Congolaise démissionner de si hautes fonctions. Ce sont des cas rares dans notre société. D'autre part, cette démission soulève plusieurs interrogations sur son vrai mobile. S'agit-il d'une fuite en avant face à une action disciplinaire qui pouvait être prévue contre elle ? S'agit-il d'une réorganisation du gouvernement pour créer de la place à un ressortissant du Maniema ? Seuls la concernée et ses responsables politiques pourraient nous éclairer.
Le nouveau ministre congolais de la justice et garde sceaux, Constant Mutamba, a enjoint la justice à poursuivre les auteurs des pratiques déviantes à caractère sexuel et homosexuel, ainsi que les auteurs de nuisances sonores. Comment garantir le respect des droits de l'homme et des libertés individuelles dans le cadre de cette lutte ?
Grâce Diangu: Cette instruction du ministre congolais de la Justice, Constant Mutamba, soulève des questions complexes et mérite une analyse nuancée. D'une part, il est légitime de vouloir lutter contre les troubles à l'ordre public et protéger les valeurs culturelles. Cependant, la criminalisation des pratiques homosexuelles, en l'absence d'une loi spécifique les interdisant, est une approche contestable et sujette à caution. En effet, une telle mesure risque de porter atteinte aux droits fondamentaux de l'Homme, tels que le droit à la vie privée, à la liberté d'expression et à l'égalité devant la loi. Elle pourrait également ouvrir la porte à des abus. Il est crucial de trouver un juste équilibre entre le maintien de l'ordre public et le respect des droits humains. Pour ce faire, il est impératif que les mesures d'application de l'instruction de M. Mutamba soient clairement définies et encadrées afin d'éviter tout dérapage. Il est également essentiel de sensibiliser les agents de la police et les acteurs du système judiciaire afin qu'ils exercent leurs fonctions dans le strict respect des droits fondamentaux. Enfin, il est nécessaire d'engager un dialogue ouvert et inclusif sur cette question sensible, en impliquant l'ensemble des parties prenantes, y compris les organisations de défense des droits humains.
Situation sécuritaire mobilisant une aide estimée à 99 millions d’euros, l’UE exhorte Kinshasa à dialoguer avec Kigali pour résoudre le conflit avec le M23. Que pensez-vous de cet énième appel ?
Grâce Diangu: Si l'Union européenne veut réellement nous aider à mettre fin à cette guerre, elle devrait nous fournir un soutien militaire au lieu de se limiter à des aides humanitaires. Le sang a trop coulé dans cette tragédie. Il serait salutaire que l'UE mette fin à cette hypocrisie qui consiste à pousser le pays au dialogue pour intégrer une fois de plus les rebelles dans nos institutions. La solution durable réside dans une victoire militaire de nos FARDC.
Le parti politique Envol de Delly Sesanga a dénoncé le 20 juin l’arrestation arbitraire de Gloria Sengha, dont ils estiment être prisonnière personnelle de Tshisekedi. Que pensez-vous de cette situation?
Grâce Diangu: Je pense qu'il est légitime pour le parti Envol de dénoncer l'arrestation arbitraire de leur camarade. Il y a lieu qu'ils entreprennent les démarches judiciaires en lieu et place de se limiter à de simples dénonciations. Il faudrait également que le parti Envol évite les dénonciations politiciennes. Le Président Félix œuvre chaque jour pour l'avènement d'un État de droit, il ne peut pas faire de cette dame une prisonnière personnelle.
Dans son rapport final publié le 17 juin, la Mission d’observation électorale CENCO-ECC signale que des élections générales de 2023 ont connu une campagne électorale très tendue qui n’a pas favorisé le vivre-ensemble. Quelles mesures concrètes peut-on prendre pour garantir l'unité nationale et le respect des lois en RDC ?
Grâce Diangu: La réussite de la promotion de l'unité nationale et du respect des lois dépendra de l'engagement de tous les acteurs congolais, y compris le gouvernement, la société civile, le secteur privé et les citoyens. Pour ce faire, les mesures suivantes peuvent être prises.
- Promouvoir la bonne gouvernance et l'État de droit en luttant contre la corruption et les abus de pouvoir à tous les niveaux.
- Favoriser le dialogue et la réconciliation nationale
- Renforcer la cohésion sociale en réduisant les inégalités sociales et le développement économique inclusif
- Assurer la sécurité de la population et de leurs biens.
Cela fait un moment que la hausse des prix des produits de première nécessité bat son plein sur les différents marchés, notamment à Kinshasa. Quelles mesures le gouvernement peut-il prendre pour juguler cette hausse des prix et soulager le pouvoir d'achat des ménages ?
Grâce Diangu: Face à la hausse des prix et à la perte de pouvoir d'achat des ménages, plusieurs mesures peuvent être envisagées par le gouvernement :
- Le soutien direct aux ménages par une augmentation des salaires et des pensions
- La baisse des impôts et des cotisations sociales : cela permettrait de laisser plus d'argent disponible aux ménages.
- Le plafonnement des prix des produits de première nécessité : cela permettrait de limiter la hausse des prix des produits alimentaires et énergétiques essentiels.
- L'encadrement des marges des distributeurs : cela empêcherait les entreprises de profiter de la situation pour augmenter leurs profits de manière excessive.
- La lutte contre la spéculation : le gouvernement peut mettre en place des mesures pour limiter les mouvements spéculatifs sur les marchés financiers, qui peuvent contribuer à la hausse des prix
- L'investissement et le soutien à la production.
À Paris, plus d'un milliard de dollars ont été annoncés le 20 juin au Forum mondial pour la souveraineté et l’innovation vaccinales pour accélérer la production de vaccins en Afrique. Quelles stratégies mettre en place pour s'assurer que les vaccins produits en Afrique soient accessibles et abordables pour tous, y compris les populations les plus vulnérables ?
Grâce Diangu: il est crucial de mettre en œuvre une stratégie globale et multidimensionnelle. Cette stratégie devrait s'appuyer sur les points suivants :
- Augmenter la production locale de vaccins
- Renforcer les systèmes de chaîne d'approvisionnement
- Mener des campagnes de sensibilisation et d'éducation pour dissiper les réticences à la vaccination et promouvoir l'adoption des vaccins.
Tous les ans, le 20 juin, le monde célèbre la journée des réfugiés, l'occasion de saluer la force et le courage de celles et ceux qui ont été forcés de fuir leur pays d'origine pour échapper aux conflits ou à la persécution. Quelles solutions durables peut-on mettre en place pour aider les réfugiés à reconstruire leur vie ?
Grâce Dinagu: Les solutions durables pour les réfugiés visent à leur permettre de vivre une vie sûre et digne, en leur offrant un choix concret entre le rapatriement volontaire, l'intégration locale ou la réinstallation dans un tiers pays. Ces solutions nécessitent une approche multidimensionnelle impliquant divers acteurs, y compris les gouvernements, les organisations internationales, les ONG, le secteur privé et les communautés locales.
Propos recueillis par Nancy Clémence Tshimueneka