Dix-sept jeunes dont neuf femmes communément appelés "Kulunas" ont été arrêtés le 27 octobre 2023 à Livulu dans la commune de Lemba à Kinshasa.
Tout a commencé suite à une bagarre à l'arme blanche entre les jeunes des quartiers Livulu et Mbanza Lemba pour un prétendu conflit de terre. Selon les témoins présents sur place, une personne aurait été blessée par balle tirée par la police venue calmer la situation.
Pour certaines habitantes de Mbanza Lemba, ces actes de banditisme, surtout lorsqu'ils sont commis par les jeunes filles, traduisent la défaillance de la société dans l'encadrement et l'éducation des jeunes d'une part, et l'incapacité de l'État à offrir les meilleures conditions de vie à la population d'autre part.
"Ce fléau et phénomène social ternit l'image de notre pays. Aujourd'hui, les filles s'adonnent à ces pratiques sans honte ni crainte. Ceci prouve à suffisance que le Congo a déjà perdu beaucoup au niveau des valeurs positives qui peuvent l'aider à émerger. Des solutions urgentes doivent être trouvées pour réorienter la société", constate Adolphine Ngalula.
Anastase Mungu, vendeuse et mère de sept enfants, s'interroge quant à elle sur ce que sera le Congo d'ici 5 à 10 ans en matière de valeurs morales et culturelles.
"La femme joue un rôle crucial dans la société, celui de conduire et diriger vers le développement en inculquant les bonnes valeurs reçues de nos ancêtres. Cela m'attriste de voir les jeunes femmes mépriser toutes ces valeurs et s'adonner à des pratiques immorales sans aucune gêne," déplore-t-elle.
De son côté, Françoise Nkita, femme ménagère et mère de 5 enfants, pointe du doigt le ministère de l'EPST.
"Ce que nous continuons à vivre aujourd'hui, c'est le résultat d'un manque de stratagèmes du Ministère de l'EPST. Depuis l'instauration de la gratuité de l'enseignement en RDC, le Ministre de l'EPST n'est jamais descendu dans les quartiers pour contraindre les jeunes de la rue, surtout les filles, à aller à l'école. Au lieu de les laisser errer, les exposant à toute sorte de vices, on doit penser à réinsérer les jeunes filles via des formations professionnelles parce qu'elles sont le moteur du développement de la société," a-t-elle précisé.
Pour Grâce Yombo, les jeunes filles qui s'adonnent à ces pratiques doivent être arrêtées et envoyées en prison sans être jugées.
"C'est vraiment déplorable de voir celles qui sont censées éduquer la nation se livrer à des pratiques qui déshonorent la vocation des femmes." La femme est censée porter toute la nation pour le bien-être de tous. Il est déplorable de voir que la jeune fille ne comprenne pas ça. Nous sommes l'âme de la société, et lorsqu'on se souille, on fait pourrir tout le corps. Les jeunes filles qui commettent ces actes ignobles doivent être arrêtées et envoyer en prison sans jugement", a-t-elle dit.
Pour éradiquer ce phénomène, ces femmes appellent l'État congolais à :
- Organiser une tripartite entre le Ministère de l'intérieur, de la sécurité et des affaires coutumières, les chefs de différents quartiers menacés par ce phénomène et les jeunes délinquants, surtout les filles afin d'identifier les causes réelles de ce phénomène et engager de manière concertée le processus de sa démobilisation.
- Mettre en place un système spécifique d'encadrement des jeunes, surtout les filles, mais aussi d'orienter sa politique vers les vrais besoins de la population pour créer des cadres pouvant permettre à chaque citoyen de trouver le minimum vital pour subvenir à ses besoins
Renforcer l'appareil sécuritaire et judiciaire pour dissuader les auteurs de ces barbaries.
Elles restent tout de même convaincues que les femmes ont un grand rôle à jouer pour arrêter cette délinquance en travaillant profondément sur l'éducation et l'encadrement des enfants, particulièrement des filles, pour qu'à l'âge adulte, elles soient en mesure de prendre des bonnes décisions et ne pas se laisser désorienter. Elles pensent également qu'elles peuvent élever les jeunes filles de manière à faire d'elles des modèles et repères pour le développement de la nation.
Selon un rapport de Global Organized Crime Index (OCI), publié en septembre dernier, la République démocratique du Congo est le cinquième pays ayant le plus haut score de criminalité sur 193 pays classés et le premier en Afrique.
La plate-forme explique cette statistique par la crise politique que traverse la RDC depuis les dernières années, la croissance démographique non contrôlée, l'exclusion sociale et économique de certains groupes, la marginalisation économique (des jeunes entre autres) et l'absence de services publics de sécurité.
Nancy Clémence Tshimueneka