La CENI a rendu public le week-end dernier, les listes des candidatures pour les législatives nationales. Même si le pourcentage des femmes a augmenté de près de 5% en comparaison aux élections antérieures, en termes de nombre, les candidates représentent environ 4000 sur un total de plus de 23.000 dossiers. Face à cette réalité, des jeunes femmes kinoises ont partagé leurs points de vue.
« Lors des élections législatives de 2018, la CENI avait jugé recevable 11% des dossiers des candidatures féminines. Actuellement, la CENI a enregistré 17% de candidatures féminines. On constate donc une augmentation de 6% dans la participation des femmes. A chaque processus électoral, le taux de participation des femmes aux élections législatives augmente », constate Godelieve Mushiya, une professionnelle indépendante des médias.
Questions de culture, de peur, de finance, de volonté politique
Si la première intervention félicite le progrès réalisé, celles qui suivent interrogent plusieurs secteurs de la vie en RDC.
« Les femmes ont peur. Très peu osent se lancer en politique ou dans d’autres domaines. Et parmi les femmes qui sont au parlement, on peut compter sur les doigts d'une main celles qui prennent la parole pour défendre le peuple. La représentation n’est pas un problème. Il faudrait aussi une représentation de qualité», soutient Anastasie Yaotta, étudiante en Master 2 Droit à l’Université Catholique du Congo (UCC).
« Je pense que le monde politique est ouvert à tout le monde mais il faut se dire que notre culture n’a pas donné libre accès aux femmes en politique. Nous avons appris que le domaine politique était l’apanage des hommes. Les femmes se sont ainsi engagées dans d’autres domaines et non en politique. C’est une conception inculquée aux femmes. Je pense que ce pourcentage assez bas est dû, non seulement aux idées reçues, à la culture mais aussi à la crainte d’affronter des guerres politiques », ajoute Malaïka Luhahi, secrétaire de direction dans une entreprise publique.
« La faible participation de la femme en politique n’est pas un problème juridique mais un problème culturel. Dans la culture africaine, on dit la place de la femme c’est à la cuisine. L’homme est le chef non seulement de la famille mais chef en toutes choses. Ce qui fait en sorte que la femme est toujours placée en second plan », affirme pour sa part la juriste Esther Lutia.
« Nous nous étions réjouis lorsque la loi a demandé aux partis politiques d’aligner plus de 50% des femmes. Malheureusement, cette loi n’avait pas de contrainte. La loi a juste incité certains partis à prendre en compte les femmes. A mon humble avis, on n’aurait même pas atteint ce pourcentage si la loi n’était pas amendée » déplore Joséphine Mawete, consultante en communication.
« Le droit à l’éligibilité étant un droit relatif, pour le posséder, il faut remplir certains critères tels que l’âge, le niveau d’étude, la caution électorale et tant d’autres. Or pour le niveau d’études par exemple, il y a plus de femmes que d’hommes analphabètes en RDC. Il y a moins de femmes possédant un diplôme d’études supérieures. Ce qui réduirait la participation équitable des hommes et des femmes sur une liste électorale. Pour ce qui est de la caution électorale, selon la Banque mondiale, les femmes sont rémunérées à 77% moins que les hommes. Cela a un impact réel sur leur capacité à prendre en charge leurs cautions électorales et les frais des campagnes », souligne Dorcas Bwalelo, militante activiste pour les droits des femmes et l’égalité des sexes, experte en genre à la fondation Panzi.
Il n’y a pas que des regrets parmi les jeunes femmes kinoises interrogées à ce sujet.
Elles ont également fait des recommandations en ce qui concerne les prochaines étapes du plaidoyer.
« On ne peut plus revenir en arrière. Le plus important est de continuer à sensibiliser surtout les femmes pour susciter une certaine émulation par rapport à la participation politique. Mener une démarche pour qu’une autre loi assortie d’une contrainte vienne en appui à celle-là. De cette façon, plus de femmes seront inscrites sur les listes », conseille Joséphine Mawete, consultante en communication.
« Je recommande à nos gouvernants de tenir compte de l’aspect éducation pour tous et l’égalité de rémunération pour soutenir les efforts de la parité dans la vie publique. Aux femmes, je recommande d’adhérer massivement dans les partis politiques, ne restez surtout pas dans les associations, ONG. Le pouvoir se gagne dans les partis politiques », ajoute Mme Bwalelo.
« Ce qu’il faut faire, c’est encourager les femmes à prendre conscience du fait que malgré la culture, nous sommes tous capables au niveau intellectuel. Aucun défi ne peut vous empêcher de postuler pour être député, occuper des postes ministériels, ou se présenter à la présidentielle. Donc les femmes ne doivent pas rejeter la culture dans sa totalité mais s’émanciper. Je reste convaincu que la donne est en train de changer et lors du prochain processus électoral, la CENI va enregistrer plus de 17% des femmes », conclut Mme Godelieve Mushiya.
Prisca Lokale