Du 27 au 28 juin, des habitants de six communes de Kinshasa participent aux groupes de discussions sur la clarification des valeurs pour la transformation des attitudes à l’intention des jeunes femmes, adolescents et adolescentes et briser les barrières autour de l’avortement sécurisé, évoqué dans le Protocole de Maputo.
En Afrique, ce protocole est le principal instrument juridique de protection des droits des femmes et des filles. Il a été adopté le 11 juillet 2003 à Maputo au Mozambique et est entré en vigueur le 25 novembre 2005 après avoir été ratifié par 15 États membres de l’Union Africaine. Il a fait l’objet d’une Loi N° 06/015 du 12 juin 2006 autorisant l’adhésion de la RDC et d’un acte d’adhésion à ce même protocole signé par le Président J. Kabila Kabange.
L’article 14.2 (c) autorise l’avortement sécurisé en vue de protéger les droits reproductifs de la femme en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère, la vie de la mère ou celle du fœtus. Le Protocole de Maputo, ainsi que les Observations Générales N ° 2 sur l'Article 14.1 (a), (b), (c) et (f) et l’Article 14. 2 (a) et (c)) du Protocole à la Charte Africaine des Droits de l'Homme ont été publiés au Journal officiel - Numéro spécial – 14 mars 2018, les rendant opposable à tous.
Hortense Kapinga a 49 ans. Elle fait partie des plus de 60 adultes sélectionnés pour prendre part à ces débats.
« Ces enseignements ont apporté un plus à ma connaissance. Personnellement, je ne savais pas que les femmes avaient ce pouvoir sur leur corps et que la loi Congolaise autorisait l’avortement réalisé par des personnels de santé formés et dans une institution sanitaire équipée pour les cinq conditions que vient de nous présenter la formatrice. C’était une ignorance. Un texte qui existe depuis 2018 et c’est seulement en 2023 que je l’ai su. (…) J'ai trois garçons, je n’ai pas eu la chance d’avoir des filles. Mais je partagerai cette portion de connaissance avec toutes les femmes qui m’entourent. C’est important qu’elles sachent ce qu’elles valent », a-t-elle confié à l'issue de la rencontre.
Comme Mme Kapinga, Médard Menga, un homme âgé de 65 ans a également pris part à cette rencontre à Limeté. « Souvent, nous en tant qu'hommes, rejetons toute la responsabilité sur les femmes pour tout ce qui a trait à la santé sexuelle et reproductive. Lors des discussions, nous avons été interpellés sur notre rôle combien important à jouer lorsque nos filles sont victimes de viols. La RDC dispose d’un numéro vert, le 122. Nous avons également reçu ces petites cartes de l’infirmière Nisa (conversation virtuelle) », a-t-il fait savoir, avant de rassurer qu’il partagerait ces nouvelles connaissances avec sa fille actuellement étudiante.
Des mythes et tabous brisés
Par ailleurs, Aimée Olenga, sage-Femme à l’hôpital Général de Kintambo et formatrice de ce jour, a partagé les résultats obtenus de chaque étape de la rencontre, avant d’inviter les participants à mieux exploiter les connaissances reçues.
« Nous avons commencé par un exercice de traversée de la ligne. Cela nous a permis de comprendre que la plupart des participants avaient des idées reçues autour des droits des femmes et des filles en matière de santé sexuelle et reproductive. Ils avaient des mythes autour des méthodes contraceptives, la planification familiale, des idées liées à leurs us et coutumes (…) Nous avons pu sensibiliser autour du cadre légal en matière d’avortement sécurisé, sur les violences basées sur le genre (VBG) et nous avons soulevé des avancées enregistrées par la RDC sur ces questions. J’ai été contente des échanges qu’il y a eu entre les femmes et les hommes, des questions qui ont été posées après notre intervention. Nous espérons vraiment qu’ils feront tous bon usage des connaissances acquises en ce lieu », a dit Aimée Olenga.
Il faut noter que ces rencontres se tiennent dans les communes de Bandalungwa, Sélémbao, N’djili, Matete, Ngaliema et Limete, organisées par l’ONG Ipas en collaboration avec Youth Sprint, Habari RDC, Si Jeunesse savait et COJET. Elles ont été précédées par les focus group des jeunes et se termineront par un dialogue intergénérationnel. Le Protocole de Maputo, qui est cité est à ce jour à sa vingtième année de mise en œuvre (2003-2023).
Prisca Lokale