Levée de l’embargo total sur les armes : quand la pression chinoise et russe fait fléchir et réfléchir l’Occident ! (Tribune)

Chine et Russie
Illustration/Ph. droits tiers

Au moment où Américains, Français, Belges, Allemands – et bientôt Britanniques, Canadiens, Scandinaves etc. – s’attribuent les uns individuellement, les autres collectivement, le mérite d’avoir fait lever par le Conseil de sécurité de l’Onu les dernières restrictions sur l’embargo imposé à la RDC au sujet des armes, l’honnêteté enjoint l’opinion à reconnaître le fait que la Chine et la Russie – deux des 5 pays membres de cet organe – ont joué le rôle le plus déterminant dans la décision du 20 décembre 2022…

Washington, Londres  et Paris rejoignent la position  de Pékin et Moscou

On se souvient, s’agissant de la Chine, de la position soutenue par son représentant permanent adjoint aux Nations Unies Geng Shuang selon laquelle « Il est impératif de désescalader la situation et de rétablir la stabilité le plus rapidement possible. Tous les groupes armés, y compris le M23, doivent immédiatement cesser les hostilités, déposer leurs armes sans condition, se retirer des zones occupées et s’engager dans le dialogue politique et le processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration ».

C’était le 8 décembre dernier. L’agence Xinhua a rapporté cette information dans sa dépêche du lendemain intitulée « ONU : la Chine appelle à la levée de l’embargo sur les ventes d’armes visant la RDC ».

Le diplomate chinois soulignait que « Les pays de la région constituent une communauté de sécurité et les parties concernées devraient, sur la base du respect des intérêts et des préoccupations de chacun, résoudre leurs différends par le dialogue et les consultations dès que possible et éliminer les menaces à la sécurité par une combinaison de mesures ».

Il est de notoriété publique que les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France ont gardé jusque-là leur position de maintien de l’embargo, bien que ce dernier ait été allégé avec  l’obligation de certification des acquisitions d’armes.

Que s’est-il passé entre les 8 et 20 décembre 2022 pour que Washington, Londres et Paris rejoignent la position rationnelle de Pékin et Moscou ? A-t-il fallu Kisheshe alors que depuis deux décennies, les victimes de l’insécurité à l’Est pour causes directes et indirectes se comptent par des millions de morts, de déplacés et d’exilés ?

Reconnaître à chacun la part qui lui revient…

L’unique vérité que l’opinion avisée devra retenir est que la Chine et la Russie étaient cette fois-ci déterminés à conditionner le renouvellement du mandat de la Monusco par la levée de toutes les mesures concourant au maintien partiel ou total de l’embargo.

En d’autres mots : pas de levée totale de l’embargo signifiait imposition du veto sino-russe sur le maintien du mandat de la Mission onusienne. La correspondante de Rfi à New York l’a relevé dans sa dépêche du mercredi 21 décembre 2022 au journal Afrique de 6h30,  dépêche éliminée du reste des journaux Afrique du même jour !

Carrie Nooten, c’est d’elle qu’il s’agit, a révélé qu’« En juin dernier, appuyée par la Chine, la Russie, les pays africains du Conseil et la France, la RDC a demandé à amender le régime de sanctions qu’elle voit comme une ingérence. Mais cette demande avait été rejetée par les États-Unis et la Grande-Bretagne. Ce qui était un sujet technique est devenu un sujet politique à cause du contexte tendu. Et cela a d’ailleurs contribué aux manifestations contre le personnel de l’ONU cet été ». Et d’ajouter, tenez : « Cette semaine, la France a proposé de ne pas attendre le renouvellement du régime de sanctions en juin, d’autant que la Russie et la Chine ont brandi une possible abstention sur le renouvellement de la Monusco ».

Évidemment, entre, d’un côté, la Monusco et, de l’autre, l’embargo, les États-Unis, la France et la Grande Bretagne ont estimé sans objet le maintien de ce dernier devenu, au demeurant, une décision non justifiable puisque inique.

Bien plus, les Occidentaux étant aussi eux-mêmes de gros producteurs d’armement, le marché congolais leur est rentable en ce que les Fardc sont une armée non seulement à réformer, mais aussi et surtout à rééquiper. On connaît l’emprise du capitalisme en la matière : faire et prendre de l’argent là où se présente l’occasion de le faire, le scrupule étant ravalé au second niveau.

En définitive, la pression sino-russe a payé. Mais, comme à l’accoutumée, les Occidentaux s’en attribuent l’initiative et les mérites en se livrant à des déclarations publiques peu convaincantes pour les analystes congolais avisés. La forte médiatisation de la soudaine bienveillance des Américains et des Européens en est la démonstration.

A l’évidence, ils sont dans la logique de s’attirer la sympathie du peuple congolais pour minimiser la pression des Chinois et des Russes sans laquelle, pourtant, ils n’auraient pas joué la partition attendue par Kinshasa à l’issue de la réunion du Conseil de sécurité du 20 décembre 2022.

Il est à espérer des décideurs de la RDC qu’ils sauront reconnaître à chacun des 5 pays membres du Conseil de sécurité des Nations Unies la part qui lui revient.

Au moins, la vérité que l’histoire retient est que c’est Pékin et Moscou qui ont fait trembler ce jour le Palais de verre et reculer les Occidentaux.

Publié par La Prospérité/ 27 décembre 2022