Kinshasa : 20 ans après une prise en charge gratuite des personnes vivant avec VIH, MSF note des progrès mais d'immenses défis restent à relever

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Ph. ACTUALITE.CD

Médecins Sans Frontières a présenté ce mardi 15 novembre 2022 le bilan 20 ans de prise en charge gratuite des personnes vivant avec le VIH à Kinshasa. Il s'agit d'un anniversaire en demi-teinte pour l'organisation et les patients malgré des progrès enregistrés en RDC au cours des vingt dernières années. En effet, lorsque les équipes de MSF ouvraient en mai 2002 le tout premier centre de traitement gratuit dans la commune de Lingwala à Kinshasa, la situation était critique: plus d'un million d'hommes, femmes et enfants, vivent alors avec le VIH en RDC, et le virus y tue entre 50 000 et 200 000 personnes chaque année, selon l'ONU-SIDA.

" À l'époque, être infecté par le VIH équivalait pour beaucoup à une condamnation à mort. Les traitements ARV étaient extrêmement rares dans le pays, et leur prix empêchait une écrasante majorité de patients d'en bénéficier. MSF a été la première organisation à introduire le traitement ARV gratuit pour ses patients. Depuis lors, nous n'avons jamais cessé de nous battre pour en élargir l'accès au plus grand nombre ", explique Docteur Maria Mashako, coordinatrice médicale pour MSF en RDC. 

Pour l'organisation médicale internationale, qui marque cet anniversaire par une série d'activités publiques dans la capitale (dont une exposition rétrospective), ces 20 ans de prise en charge sont l'occasion de jeter un regard en arrière sur les avancées obtenues et les défis à relever. Rien qu'à Kinshasa, MSF a appuyé une trentaine de structures de soins au cours des deux dernières décennies pour offrir gratuitement des tests de dépistage, assurer l'accès aux traitements et à des soins de qualité.

" Près de 19.000 personnes ont été mises sous traitement gratuit avec notre soutien, et nous sommes fiers d'avoir initié des approches innovantes, aux côtés d'autres organisations de la société civile et du Programme National de Lutte Contre le Sida. En 2005, alors que seule une dizaine de médecins par province étaient habilités à prescrire les ARV, MSF développe un modèle de soins pilote, permettant pour la première fois à des infirmiers de prescrire le traitement et d'assurer le suivi des personnes vivant avec le VIH et faisant ainsi grimper en flèche le nombre de patients pris en charge. Le lancement, en 2010, des premiers Postes de Distributions (PODIs) communautaires d'ARV, gérés par des patients, en collaboration avec le Réseau National des Organisations à Assisses Communautaires (RNOAC), constitue une autre révolution, et permettra également d'élargir l'accès au traitement à des milliers de patients ", ajoute Docteur Mashako.

"Malheureusement, le travail mené par MSF ces 20 dernières années s'est inscrit dans un contexte général d'insuffisance des moyens disponibles dans la lutte contre le VIH/SIDA", déplore Docteur Mashako, avant de rappeler qu'en 2008, "quand nous avons mis sur pied le Centre Hospitalier Kabinda pour prendre en charge les nombreux patients au stade avancé de la maladie, nous ne pensions pas qu'il serait toujours plein plus d'une décennie plus tard. Mais c'est le cas, et cela traduit les immenses difficultés de la lutte contre le VIH/SIDA dans le pays".

Défis et challenges

La situation en 2022 est incomparable avec celle de 2002, l'accès au traitement a été largement étendu et ces dix dernières années, le nombre de nouvelles infections a chuté de moitié. Pourtant, en 2021, encore 14.000 personnes sont décédées des suites du VIH en RDC selon l'ONUSIDA, attestant des lacunes dont souffrent l'ensemble des piliers de la lutte - prévention, dépistage, mise sous traitement et soins. À ce rythme, si rien n'est fait, il sera difficile d'atteindre le plus vite possible une génération sans SIDA d'ici 2030, estime MSF.

" Aujourd'hui, on voit qu'il y a beaucoup d'avancées observées dans la lutte grâce aux efforts de tous les acteurs de la lutte contre le VIH SIDA, on voit qu'il y a réduction de la mortalité, réduction de la prévalence du VIH en RDC, l'accès au traitement antirétroviraux qui est observé mais on voit aussi des sérieux problèmes des tests de dépistage restent un problème en RDC, aujourd'hui il y a des barrières financières et culturelles qui font que les gens ne sont pas dépistés et le fait que les gens ne sont pas dépistés, ils arrivent à l'hôpital tardivement au stade avancée des maladies et si aujourd'hui on doit parler de zéro contamination, zéro naissance à contamination, on doit aussi améliorer le dépistage des femmes enceintes, aujourd'hui on est à 42% des femmes enceintes qui sont dépistées en RDC ce qui montre d'énormes efforts à faire", explique pour sa part Docteur Gisèle Mucinya, Référente Médicale Projet VIH/SIDA.

Et d'ajouter :

" Aujourd'hui, il n'y a que 11% des bébés nés des femmes VIH positives qui ont accès au dépistage, c'est difficile à ce jour de parler de zéro naissance SIDA en RDC. On constate aujourd'hui des zones non couvertes en entièreté par les antirétroviraux et de ruptures énormes qu'on essaie de pousser si on doit arriver à réduire le Sida en RDC, le traitement doit être gratuit et accessible à tous, un patient sur 5 n'a pas accès au traitement anti rétro viraux en RDC, deux enfants sur 3 n'ont pas accès aux anti rétro viraux ce qui est triste car ses enfants ont leur avenir et ils ont droit de vivre, le SIDA est considéré aujourd'hui comme quelque chose qu'on peut éviter mais on voit qu'il y a encore des cas et tout cela est lié au fait que le gouvernement n'a pas assez de moyens pour répondre seul à cette lutte et il s'appuie sur les bailleurs des fonds et qui contribuent mais cette contribution on a besoin que ça soit accélérer voir même augmenter pour couvrir tous les besoins au niveau de la RDC".

Regards sur 20 ans de prise en charge gratuite du VIH/SIDA par MSF à Kinshasa sera expliqué au public par une exposition photo rétrospective. Du 15 au 19 novembre 2022 à l'Académie des Beaux-Arts et du 1er au 3 décembre 2022 à la place située en face de la Gare centrale.

Clément Muamba