RDC: « Qui pour assumer la parité ? »  les points de vue divergent sur les propos de Félix Tshisekedi à l’ONU

Photo/ Droits tiers
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Lors de sa prise de parole à l'Assemblée générale des Nations Unies, le président Felix Tshisekedi a évoqué les questions de parité Femme-Homme, des initiatives mises en place aux niveaux local et continental pour promouvoir la masculinité positive ainsi que de la prise de conscience de la femme. Contactées par Actualite.CD, des activistes sociales et une femme politique ont réagi à ce sujet.  

 « La parité n'est pas un cadeau fait à la femme mais une responsabilité qu'elle doit assumer ». Pour Nadège Ciboko, à travers cette citation, la femme devrait « prouver que la confiance que l’on (la société ndlr) place en elle est vraiment méritée ».

Depuis Bukavu, Mme Ciboko responsable du projet « Empower her » visant à aider la gent féminine à s’affranchir des stéréotypes, ajoute, « Elle (la femme) doit travailler encore plus dur pour gagner sa place dans cette communauté paternaliste. Donc, quand on parlera de la parité, la femme doit se montrer davantage capable et très compétitive. Nos camarades masculins n'hésitent pas à se moquer de nous,c'est une raison de plus de travailler au-delà des attentes ». 

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Qui pour assumer la parité ?

En effet, la question de la parité ou de la femme congolaise a été le point de chute du discours du Chef de l’Etat à cet évènement. Plus de volonté et moins de pratique sur terrain.

« Ce discours, je le qualifierais de volontariste car dans la pratique, la parité n’est pas encore vécue comme le stipule les instruments légaux ou les textes de lois. Principalement, l’article 14 de la Constitution et la loi sur la parité de 2015 », précise Chantal Faida, présidente de Uwema Asbl.  

« La parité ne devrait pas être considérée comme un cadeau ! C'est le fruit d'une lutte. C'est une opportunité qui se présente à nous (femmes ndlr). C'est aussi une responsabilité de l'État, il ne s'agit plus de mettre les femmes, qui ont tant lutté pendant des siècles, à l'épreuve. La parité est aussi un droit. Aux femmes déjà présentes dans les instances décisionnelles d'assumer pleinement leurs responsabilités sans crainte car ce n'est pas une faveur, c'est leur droit », dit une activiste qui a requis l’anonymat.

A une autre d’ajouter, « la responsabilité d'assumer son rôle revient aux hommes et aux femmes. L'attitude qui consiste à mettre les femmes à l'épreuve me paraît négativiste. L’État devra aussi accompagner techniquement les femmes leaders dans les sphères politiques afin de jouer pleinement et valablement leurs rôles. D'abord c'est de la responsabilité première de l'Etat congolais de mettre en œuvre le principe de la parité Femme-Homme. L'Etat doit veiller à la matérialisation de cette volonté constitutionnelle. Les talents féminins existent par milliers ! »   Une autre voix renchérit, cette fois, en indiquant concrètement le rôle de l’Etat congolais. 

  « Il ne faut pas donner l'impression que la parité Femme -Homme n'est pas accomplie parce que les femmes ne s'assumeraient pas ! Mauvais casting (...) La congolaise avec des compétences de qualité existe. La pépinière féminine est fertile en RDC, dans tous les domaines. Savez-vous que le décret portant création des structures de mise en œuvre de la parité Femme-Homme souffre et traîne sur la table du 1er ministre depuis 2017 ? Est-ce de la responsabilité de la femme congolaise ? Est-ce la femme qui nomme des ministres, des mandataires dans les entreprises ? Dans les juridictions ? », s’est-elle interrogée.     Le Chef de l’Etat a également vanté la tenue à Kinshasa sous son mandat à l’Union Africaine, d’une conférence des Chefs d’Etat et des gouvernements de l’Afrique, sur la masculinité positive. Cependant sur terrain, « il n’y a pas vraiment d’avancées », souligne Nadine Bakari, femme politique et responsable de la Fondation Lwenge.   Pour passer de l’étape volontariste au pragmatisme, Chantal Faida a dressé quelques recommandations.

«Pour combler l’équilibre observé dans toutes les institutions de la RDC, il est impérieux de pouvoir adopter des systèmes de quota temporaire. Si on laisse les femmes compétir au même degré que les hommes, avec toutes les pesanteurs socio-culturelles, le faible accès des femmes à l’éducation, la faible confiance en soi de la femme, on ne pourra pas combler ce déséquilibre institutionnel. A l’approche des élections, de pouvoir insérer dans les mesures d’application de la loi électorale, une contrainte de l’article 13 de la Loi électorale pour que tous les partis politiques puissent obligatoirement aligner 50% des femmes » a-t-elle dit.

Par ailleurs, les activistes ont également proposé de vulgariser davantage auprès des jeunes et des hommes la déclaration des hommes sur la masculinité positive, issue de la conférence des Chefs d’Etats et des gouvernements à Kinshasa. Il faut également une stratégie de mise en œuvre et un plan d’action national (PAN).

Prisca Lokale