L’actualité de la semaine vue par Eunice Etaka 

Photo/ droits tiers
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Des vidéos du conseiller stratégique du Chef de l'Etat à la proposition de la senatrice Francine Muyumba au sujet du Commonwealth, en passant par un nouvel accident au village Mbabu dans le Kongo Central, la semaine qui s’achève à été riche au niveau de l'actualité.Eunice Etaka revient sur chacun de ces faits marquants.

Bonjour Madame Eunice Etaka et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler brièvement de vos activités ? 

Eunice Etaka : Je suis juriste de formation et militante de la Lucha, un mouvement citoyen non-violent et non-partisan, qui milite pour un Congo où va régner le respect de la dignité humaine et la justice. Nous avons la mission d’éveiller la conscience collective pour une citoyenneté responsable et un peuple conscient de son pouvoir tel que reconnu par l’article 5 de notre constitution.

La semaine qui s'achève a été marquée par la publication d’un article dans un média suisse dans lequel il est notamment question de vidéos de l'un des conseillers du Chef de l'État en train de proposer ses services pour l’acquisition des licences minières en RDC. Qu’avez vous pensé de cet article? 

Eunice Etaka : il faut noter que ce n’est pas la première fois que M. Vidiye Tshimanga se retrouve au cœur d’un scandale. Le 30 décembre l’année dernière, il s’est livré à une bagarre au Roméo Golf. Au mois de février, il y a eu un autre scandale à la présidence où l'on pouvait le voir dans une vidéo en venir aux mains avec Taupin Kasongo. (...) Je me suis posée plusieurs questions en visionnant les vidéos où il rassurait ses prétendus investisseurs, exhibant le pouvoir qu’ils ont à violer les lois de la République sans être inquiétés. Qui protège Vidiye Tshimanga ? Pour le compte de qui travaille-t-il pour avoir cette assurance de pouvoir sans la moindre retenue, proposer ses services pour l’acquisition des licences d’exploitation minière en RDC ? Et ce qu’on ne mentionne pas trop, il a dit, être égal au Président Tshisekedi. Après tous les scandales dont il a fait l’objet, il a gardé son poste à la présidence. Ça prouve que le régime actuel est venu perpétuer les antivaleurs que nous avons décriées lors du régime de Kabila. A savoir, le trafic d’influence, l’enrichissement illicite, la dilapidation des caisses de l’Etat, les inégalités des droits, l’impunité etc.

Au lendemain de ces révélations, Vidiye Tshimanga a déposé sa démission. Dans un communiqué, la Présidence a promis d’appliquer la rigueur de la loi même pour des proches du Chef de l'État. Quelle analyse faites-vous de ces décisions ? 

Eunice Etaka : ce n’est pas la première fois que la présidence fait un communiqué de formalité. Au sein de cette institution, il y a quasiment le triple des services du gouvernement central, des structures créées indéfiniment pour coûter au trésor public d’immenses frais de fonctionnement, des missions de service, de renouvellement des matériels de logistique, des primes etc. Le tout, pour un travail inexistant sur terrain. La commission de la lutte contre la corruption avec le personnel qui trouve que la rétro commission est légale, la commission de changement des mentalités avec un personnel qui se bagarre au bureau sans être inquiété, l’IGF qui trouve que le dépassement budgétaire de la présidence ne constitue pas une faute etc. Et donc, rédiger ce communiqué ne signifie rien quand nous constatons l’impunité au sein même de la présidence. Par ailleurs, la démission de M. Vidiye Tshimanga ne suffit pas. Nous avons entendu dans ces différentes vidéos des graves déclarations qui doivent faire l’objet d’une poursuite judiciaire. M.Vidiye Tshimanga devra répondre devant les autorités judiciaires des faits pour lesquels il a démissionné. Ces prétendus investisseurs devraient également être invités pour des confrontations, afin de décourager cette mauvaise pratique et laisser les autorités judiciaires agir sans une quelconque ingérence. Nous croyons en la justice congolaise parce qu’il existe encore des magistrats objectifs, impartiaux et non influençables. 

Entre-temps, l’Assemblée nationale doit examiner une proposition de loi pour renforcer les dispositions répressives contre la corruption. Quelles sont vos recommandations à ce sujet ? 

Eunice Etaka : c’est une bonne initiative. Il faudrait alourdir la peine des personnes qui seraient reconnues auteures, co-auteurs et complices de la corruption, rendre facile et accessible la procédure judiciaire au sujet de la corruption, mais aussi rendre cette infraction imprescriptible, que ce soit l’exception au bénéfice d’immunité de poursuites dont bénéficient une catégorie de gens. Mais tout ceci ne pourrait résoudre le problème de la corruption que si le pouvoir judiciaire agissait en toute indépendance et sans influence politique (…) c’est cela le plus grand défi.

Un litre d'essence est passé à 2695,00 FC et celui de gasoil à 2685,00 FC. Une décision qui intervient après des doutes au sujet de la qualité des 27 000 tonnes de carburant arrivés le 12 septembre. Que pensez-vous de la gestion de cette question par le ministère des hydrocarbures ? 

Eunice Etaka : dans une interview diffusée par les médias, nous avons vu le Ministre des hydrocarbures M. Didier Budimbu, juriste de formation, affirmer qu’il ne connaissait rien du secteur des hydrocarbures lorsqu'il a été nommé à ce poste. Il lui a fallu deux semaines ainsi qu’aux membre de son équipe pour apprendre auprès du secrétaire général, le secteur, ses enjeux, l’amont et l’aval pétroliers etc. Le même ministre a été auditionné au mois d’avril par le service national de renseignement (ANR) parce qu’il a été soupçonné d’atteinte à la sécurité nationale, il aurait touché aux réserves stratégiques pétrolières. C’est clair que I’homme n’est pas du domaine des hydrocarbures et je ne crois que lui et son équipe ont pu comprendre les hydrocarbures, un secteur aussi technique en seulement deux semaines. Nous sommes confrontés à une crise mondiale de carburant, malheureusement avec un non-technicien à la tête de ce secteur. Pour éviter ce tâtonnement, il est toujours préférable de placer la personne qu'il faut à la place qu'il faut. La volonté de faire ne signifie rien quand la connaissance et la maîtrise posent problème.

Au moins sept personnes ont trouvé la mort et 16 autres grièvement brûlées dans l'explosion d'un camion-citerne chargé de carburant, sur la RN1, village de Mbuba. En 2018, un accident du même type au même endroit avait fait une cinquantaine de morts. Quelles sont vos recommandations aux autorités ?

Eunice Etaka : bien avant 2018, en septembre 2015 sur le même tronçon, il y a eu une tragédie qui a causé plus ou moins 85 morts et plusieurs blessés, et aujourd’hui encore nous comptons des morts dans les mêmes circonstances. Après constat, les autorités parviennent à identifier les causes de ce drame. La question qu’on se pose, c’est de savoir ce qu’ils font pour éviter ce genre de tragédie à l’avenir, la province du Kongo centrale est-elle équipée adéquatement pour faire face à ce type d’explosion et à la prise en charge médicale des victimes ?

S’il se pose un problème d’état de nos routes, il faut les réhabilité, s’il se pose l’état du véhicule ou du conducteur, il faut des mesures ou mettre en place des mécanismes pour s’assurer de l’état du véhicule et le respect de code de la route par le conducteur. Aussi, il faut sensibiliser la population, qui s’expose en tentant de dépouiller la cargaison qui finit par exploser .

En justice, Daniel Ngoy Mulunda a bénéficié d’un arrêt de mise en liberté provisoire. En janvier 2021, cet ancien président de la CENI avait écopé de trois ans de prison ferme avec une amende de 500 000 francs congolais pour « incitation à la haine tribale, propagation de faux bruits et atteinte à la sûreté intérieure de l’État ». Quel est votre avis sur cette décision ? 

Eunice Etaka : la liberté provisoire n’est pas un allégement de la peine, mais une mesure légale que peut prendre le juge provisoirement avant la décision définitive. À ce que je sache, le jugement condamnant M. Ngoy Mulunda a été attaqué en appel et le procès va donc continuer jusqu’à la décision définitive de la justice.

En sports, lors des états généraux, les femmes responsables des structures sportives ont relevé des difficultés qu'elles rencontrent dans ce secteur, avant d'insister sur « une représentativité efficace dans la prise de décisions » au sein des fédérations. Pensez-vous que cette revendication pourra obtenir gain de cause ? 

Eunice Etaka : il est vrai que les femmes rencontrent beaucoup de difficultés pour accéder aux instances de prise de décisions et c’est dans presque tous les secteurs. Certains pour justifier cette masculinité négative, ne présentent que les femmes qui ont échoué dans les responsabilités qui leur ont été confiées, les mêmes sont prêts à garder un homme incompétent ou le remplacer par un autre homme incompétent. Cette volonté d’écarter ou d’empêcher aux femmes d’assumer les postes de responsabilité ne peut être bannie que si la femme se lève et prend des initiatives pouvant la conduire à ses ambitions. Ce n’est pas un combat facile, mais il est important et nécessite d’être poursuivi et mérite le soutien des toutes les femmes et des hommes du secteur des sports.

 L’Ouganda a versé une première tranche de 65 millions de dollars, sur les 325 millions exigés pour réparer les dégâts causés à la RDC entre 1998 et 2003. Avez-vous vous un point de vue à ce propos ? 

Eunice Etaka : 19 ans après ce malheureux événement, 325 millions de $ n’ont plus la même valeur qu’en 2003 sur le marché, avec l’inflation monétaire que nous connaissons chaque année, pour estimer que l’Ouganda est entrain de réparer les dommage qu’il a causé à la RDC, encore que la somme sera versée en plusieurs tranches et pendant plusieurs années. Que vont représenter les 325 millions de $ pour ces milliers de victimes quand l’Ouganda va payer la dernière tranche en 2027 ? Quasiment rien. Mais ceci semble ne pas préoccuper nos autorités. C’est bien dommage.

Au niveau mondial, le cercueil d'Elizabeth II est arrivé mercredi au palais de Westminster pour être exposé au public, avant des obsèques nationales lundi prochain. Que retenez-vous du parcours de cette personnalité féminine ? 

Eunice Etaka : c’est une femme qui va rester le symbole du leadership féminin et son parcours va continuer à inspirer les femmes qui ont des grandes ambitions pour leur société, mais aussi encourager les femmes qui se sous-estiment, qui pensent que les femmes ne peuvent pas assumer les grandes responsabilités.

La sénatrice Francine Muyumba propose de faire de l’anglais la deuxième langue officielle de la RDC et intégrer le Commonwealth. Êtes-vous du même avis ?

Eunice Etaka : actuellement, l’anglais devient une langue indispensable pour les affaires, les études, les opportunités de travail à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. La proposition de la Sénatrice Muyumba est pertinente, mais, pendant que les autres envisagent d’actualiser leur système éducatif, nous nous encore le problème de la qualité du système éducatif. En marge de cette proposition, il serait mieux d’envisager les voies et moyen pour améliorer la qualité de notre système éducatif.

Un dernier mot ? 

Eunice Etaka : en cette période de rentrée parlementaire, les citoyen(ne)s doivent être et rester attentifs aux initiatives que prendra le parlement; principalement sur l’examen de la proposition de la loi de finances exercice 2023, afin que la redistribution des revenus de l’Etat soit équitable, qu’elle rencontre les besoins sociaux de base du peuple, du développement de notre pays et non plus laisser à certains individus s’ accaparer les finances publiques.

Propos recueillis par Prisca Lokale