Après trois jours de débat avec près de 90 intervenants, l'Assemblée nationale a déclaré recevable la proposition de loi électorale initiée par le G13, dite Loi Lokondo. La plénière a décidé que les options soient levées avant l'envoi de cette proposition en commission pour examen approfondi.
Bien avant cette étape, le G13 a apporté des réponses en termes d’éclairage à la plénière aux différentes préoccupations soulevées par les députés nationaux lors du débat général. Parmi les aspects éclairés, ils ont répondu à la préoccupation de Nsingi Pululu, qui souhaite la limitation d'accéder aux fonctions du président de la République qu'aux Congolais nés de père et de mère.
« Je voudrais d'abord faire une remarque préliminaire sur le fait que l'ampleur de notre réforme, notre projet de réforme a été restreinte par des contraintes constitutionnelles notamment l'article 219 qui interdit toute révision constitutionnelle pendant l'état de siège ou l'état d'urgence. Nous aurions voulu, comme d'ailleurs le président de la République s'y était engagé dans cette salle, ramener l'élection du président de la République de un tour à deux tours, nous aurions voulu modifier le périmètre de la décentralisation pour permettre pour la première fois d'avoir la tenue effective des élections locales mais hélas, nous n'avons pas abordé ces questions pour la raison suivante que dans le contexte actuel impossible d'envisager une révision de la constitution pour autoriser telle modification législative. La question cependant soulevée, le Congolais de père et de mère qui tout en étant hors périmètre de la présente réforme », a fait savoir Delly Sesanga, membre du G13 lors de la plénière tenue lundi 2 mai 2022.
Toujours pour démontrer l'illégalité de la proposition de son collègue, Delly Sesanga explique ce qui suit dans son argumentaire.
« L'honorable Nsingi Pululu a fondé sa proposition à la loi n°84-001 du 20 janvier 1984 portant organisation des élections du président du mouvement populaire de la révolution (MPR) mais honorable Nsingi Pululu a omis volontairement de nous présenter la constitution sous l'empire de laquelle la loi de 1984 a été prise car qu'en réalité sur le plan de droit, il s'agit de deux ordres juridiques différentes et de deux régimes différents et distincts en ce qui concerne l'éligibilité du président de la République. La loi de 1984 qu'exhibe le collègue Ngingi Pululu a été mise sous l'empire de la constitution de 24 juin 1967 telle que modifiée en 1974, 1978 et 1980 », a-t-il indiqué lors de son intervention devant ses collègues.
Dans le même registre, Delly Sesanga a soulevé deux différences, en se basant sur les fondamentaux de l'actuelle constitution en vigueur depuis février 2006.
« La première tient à la nature de ce régime de parti unique, le MPR, où le contrôle de constitutionnalité n'était pas proprement consacré, j'espère que ce n'est pas avec ce type de régime que le collègue Nsingi Pululu souhaite amener à la plénière de notre Assemblée. Ce n'était pas un État de droit mais un État légal, la loi était souveraine affranchie de toute contrainte constitutionnelle de fond, une loi prise dans un tel ordre juridique ne peut devenir la source de notre loi aujourd'hui sous l'empire de la constitution du 18 février 2006 qui est fondée sur notre aspiration telle que le père fondateur de l'État de droit dans notre pays, je citais Patrice Emery Lumumba l'avait proclamé dans son discours d'investiture le 23 juin 1960 », a martelé Delly Sesanga.
Et de poursuivre :
« La deuxième différence fondamentale tient à l'écriture de la constitution, le constituant de 1967 n'a constitutionnalisé les conditions d'éligibilité du président de la République si bien que l'article 38 de la constitution à l'époque le fait à la loi électorale la mission de fixer pleinement les conditions d'éligibilité. À l'inverse, la constitution du 18 février 2006 quant à elle a constitutionnalisé les conditions d'éligibilité du président de la République. En effet, l'article 72 de la constitution au point 1 à 3 a fixé les conditions d'éligibilité du président de la République et a laissé à la loi électorale les autres cas d'exclusion et non pas d'éligibilité. Concernant la nationalité, l'article 72 tiré 1 de la constitution en vigueur exige la nationalité congolaise d'origine définie au demeurant par l'article 10 de l'actuelle constitution. Avant 2004, le congolais d'origine était celui qui avait deux parents congolais d'origine, depuis 2006 la nationalité congolaise d'origine est acquise soit par le père soit par la mère ».
Pour l'élu de Luiza, ce que le constituant n'a pas prévu dans la constitution, il ne revient pas au législateur ordinaire de le faire de peur qu'il tombe dans la violation des articles 12 et 13 de la constitution qui interdisent tout type de discrimination à l'endroit des congolais et congolaises.
« Il existe en droit un principe sacro saint là où la loi n'a pas distingué, il ne nous revient pas de distinguer. Le constituant ayant fixé la condition d'éligibilité du président de la République à la qualité de la seule nationalité congolaise d'origine sans autres précisions, on ne peut donc pas introduire une catégorie nouvelle exigeant la nationalité d'origine de père et de mère sans porter atteinte aux articles 10 et 72 de la constitution. L'introduction de cette distinction violerait fondamentalement les articles 12 et 13 de la constitution, c'est pourquoi d'ailleurs honorable Nsingi l'article 103 que vous voulez ainsi modifier depuis 2006 ne fait que reproduire intégralement à la limite les alinéas premier et trois de l'article 72 de la constitution et n'ajoute que deux conditions d'exclusions qui sont liées au niveau de diplôme et à la qualité pour pouvoir être candidat président de la République. Le constituant en fixant ainsi les règles n'a pas attendu que le législateur ordinaire que nous sommes nous puissions introduire dans l'éligibilité du président de la République d'autres conditions beaucoup plus sévères que ce que la constitution a déjà prévu et donc cette proposition fait obstacle, trouve sur son chemin l'obstacle de la constitutionnalité et ne pourrait donc pas être intégrer dans le cadre de la présente réforme », a-t-il détaillé pour conclure son intervention.
Ce débat sur la loi électorale jusqu'à sa recevabilité n'a pas connu une grande participation active des députés nationaux du FCC et de Lamuka. Ces derniers continuent d'exiger le dialogue en dehors des institutions afin de dégager un consensus sur les réformes électorales pour la tenue des élections en 2023. Ils ont projeté un sit-in vendredi 6 mai prochain devant le palais du peuple pour exiger le pouvoir à se plier à leur exigence.
Clément MUAMBA et Berith YAKITENGE