RDC : braver l’ignorance des femmes sur l’endométriose, une maladie douloureuse, mal connue et mal prise en charge

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Endométriose

En RDC, de nombreuses femmes souffrent d’une maladie dénommée endométriose, douloureuse, peu connue et mal prise en charge dans beaucoup de cas. C’est une infection gynécologique causée par la présence de tissu semblable à celui de la muqueuse utérine en dehors de l’utérus. Ces fragments peuvent se fixer sur les ovaires, les trompes, la vessie, voire les intestins, provoquant inflammations, douleurs chroniques, kystes et dans de nombreux cas, une infertilité.

Contactée par le DeskFemme de ACTUALITÉ.CD, le docteur Thesée Kogomba, gynécologue-obstétricien aux cliniques universitaires de Kinshasa, s’inquiète de l’ignorance qui caractérise les patients et même les personnels soignants sur le sujet.

« Cette maladie est encore largement méconnue, y compris par ceux qui sont censés diagnostiquer et soigner. J’ai reçu des patientes qui se plaignaient de règles douloureuses, de douleurs chroniques ou de rapports sexuels insupportables, sans avoir jamais entendu le mot endométriose. Et même chez les soignants, la méconnaissance est préoccupante », affirme le Dr Kogomba.

Au-delà du retard de diagnostic, les femmes sont confrontées à des stigmatisations sociales et culturelles, souligne-t-il. Certaines douleurs sont interprétées à travers des croyances mystiques.

« Ces femmes vivent dans une société ignorante, et leur maladie prend parfois une connotation spirituelle. Il y en a qui pensent qu’elles ont des serpents dans le ventre. C’est non seulement faux, mais cela retarde gravement leur prise en charge médicale », alerte le médecin.

L’endométriose peut être silencieuse, mais elle est souvent douloureuse, invalidante, et perturbe tous les aspects de la vie.

« Les femmes atteintes voient leur performance scolaire, professionnelle, sociale baisser. Elles souffrent en urinant, en déféquant, pendant les rapports sexuels… leur quotidien devient une succession de douleurs », souligne le spécialiste.

Parce que les douleurs menstruelles sont souvent minimisées, poursuit il, l’endométriose passe fréquemment inaperçue pendant des années. Un diagnostic précoce est essentiel pour limiter les complications.

« Le manque d’information est un obstacle majeur. Il faut écouter les patientes, reconnaître les symptômes. Malheureusement, le diagnostic peut prendre jusqu’à sept ans », regrette Dr Kogomba.

Un autre spécialiste contacté précise qu'au-delà des douleurs pelviennes, les signes évocateurs incluent la douleur pendant les rapports sexuels, la fatigue chronique, l’infertilité, des règles abondantes ou encore du sang dans les urines. Concernant les causes, il explique que la plus fréquente est la menstruation rétrograde : le sang menstruel remonte vers les trompes au lieu d’être évacué, transportant des cellules utérines qui vont se greffer ailleurs.

D'autres origines sont possibles telles que  métaplasie cœlomique, propagation par le sang ou le système lymphatique, ou encore interventions chirurgicales comme la césarienne ou le curetage, ajoute le Dr Sharon Biangula, également médecin aux cliniques universitaires de l'université de Kinshasa.

Il n’existe pas de méthode absolue pour prévenir l’endométriose, mais certaines habitudes peuvent réduire les risques. Le Dr Biangula recommande une hygiène de vie saine telle que l’alimentation équilibrée, activité physique régulière, réduction des perturbateurs endocriniens (aliments non bio, produits transformés, etc.) et attention aux antécédents familiaux.

« Les examens nécessaires pour confirmer la maladie : IRM, échographie pelvienne spécialisée, cœlioscopie sont coûteux et peu accessibles, surtout en province. Ces examens sont chers et hors de portée pour la majorité des femmes congolaises », constate le Dr Biangula.

Le traitement de cette infection dépend de la gravité du cas : anti-inflammatoires, hormonothérapie ou induction d’une ménopause artificielle. Mais dans certaines formes sévères, la chirurgie devient inévitable.

« Il arrive que nous devions envisager l’ablation de l’utérus. C’est une décision extrême, prise en dernier recours, surtout dans une société où la maternité est fortement valorisée », conclut le Dr Kogomba.

L’endométriose en RDC reste un problème de santé publique mal diagnostiqué et une question socioculturelle profondément enracinée. Le manque d’information, aussi bien chez les patientes que dans le corps médical, retarde la prise en charge et laisse de nombreuses femmes prisonnières de douleurs chroniques, de stigmatisation et parfois d’infertilité.

Rompre ce cycle passe par la sensibilisation massive, la formation des professionnels de santé et l’intégration de cette maladie dans les politiques sanitaires nationales, estiment certains professionnels de santé.

Davina D. Banzadio (Stagiaire)