Pour célébrer la journée internationale des sages-femmes le 05 mai, une activité a été organisée au Pullman Hôtel. « Les chiffres parlent d’eux-mêmes, investissez dans les Sages-femmes », tel était le thème dédié à cette cérémonie qui avait pour but d’interpeller sur la formation, la règlementation ainsi que l’appui aux associations de la profession.
En effet, selon les chiffres de l’EDS 2013-2014, le nombre des décès maternels au cours des 25 dernières années a presque diminué de moitié. Cette tendance s’observe également en RDC où le nombre des décès maternel est passé de 1289 en 1989 à 846 décès maternels/100.000 naissances vivantes, un progrès réalisé avec l’apport des sages-femmes. S’agissant du taux d’avortements non sécurisé, ce dernier reste élevé avec 53/100 femmes.
Une profession qui s’exerce dans des conditions difficiles
Martine Ndikita Namesi est sage-femme à l'hôpital général de Référence de Matete depuis le 13 mars 1990. Elle raconte son plaisir d'assister les femmes lors l'accouchement. "Les femmes sont très vulnérables pendant ce moment. C'est l'un des moments où la femme se situe entre la vie et la mort. À chaque fois qu'une femme et son enfant s'en sortent en bonne santé, je suis très heureuse, je réalise que j'ai accompli ma mission" dit-elle, tout sourire.
Cependant, les matériels, la motivation et d’autres conditions n’accompagnent pas ce travail. "Nous n'avons souvent pas le matériel qu'il faut pour exercer notre métier. L'énergie électrique, les équipements, nous travaillons avec les moyens du bord. En dehors de tout cela, nous n'avons pas de salaire. Nous vivons grâce à ce que les femmes paient à nos hôpitaux," s’est-elle plainte.
A Marianne Lusinga, membre du Comité de la Société Nationale de la pratique sage-femme d’ajouter, "Nous rencontrons plusieurs difficultés. Notre profession n'est pas encore réglementée. Nous sommes une ressource clé de la santé et sexuelle et reproductive de la femme. Le gouvernement devrait penser à nous »
Améliorer les conditions de travail de la Sage-femme pour lutter contre les décès maternels
Pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD), les docteurs Anne-Marie Tumba, directrice du Programme National de la santé de la reproduction (PNSR), Jean-Claude Mulunda de l’ONG IPAS et Achu Lord Fred de l’UNFPA plaident pour la règlementation et une formation de qualité de sages-femmes.
« Cette profession est d'autant plus importante car dans notre pays, nous avons un taux plus élevé de mortalité maternelle. Si nous avons des Sages-femmes bien formées et une procession bien réglementée, nous allons barrer le chemin à tous les charlatans qui vont faire accoucher les femmes et causer des décès. Parmi les objectifs que s'est fixée la RDC en vue d'atteindre les objectifs de développement durable, il y a notamment la réduction de la mortalité maternelle. Ramener ce taux de 693 pour 100.000 naissances en dessous de 70. C'est un challenge et cela demande l'engagement de tous", a dit Anne Marie Tumba.
Au docteur Jean-Claude Mulunda d’ajouter, "Nous avons pour mission de travailler pour un monde dans lequel chaque femme et chaque jeune fille a la possibilité de pouvoir s'approprier son corps et déterminer quand et comment avoir des enfants et avoir la possibilité des services d'avortement sécurisé lorsqu'elle le souhaite. Quand on parle des avortements sécurisés, on fait allusion aux services offerts par des prestataires de santé formés et qualifiés, dans un environnement bien défini mais aussi avec des équipements ou technologies qui sont acceptés et reconnus par l'OMS comme étant non nocifs pour la femme. En RDC, il y a peu des médecins et des gynécologues dans certains villages. Mais, vous y trouverez au moins une sage-femme. Et donc, pour bâtir des systèmes de santé qui répondent aux besoins de la femme, nous pensons qu'il est important d'investir dans la Sage-femme à travers la formation, le renforcement des capacités, et tout l'équipement nécessaire en termes des matériels, pour la rendre capable d'offrir des services de qualité."
Achu Lord Fred, représentant du Fonds des Nations-Unies pour la Population (UNFPA) a appelé à un engagement politique résolu pour sauver les vies des milliers de femmes congolaises qui meurent chaque année lors de l'accouchement. Des investissements sont nécessaires pour accroître le nombre des sages-femmes et améliorer la qualité de la couverture de leur service.
Il a par ailleurs, rappelé et « réitéré l'engagement de l'UNFPA à accompagner le gouvernement dans l'atteinte de cet objectif. Mais, aussi la détermination de l'UNFPA à poursuivre son appui à nos héroïnes ; les sages-femmes, qui, de jour comme de nuit, sauvent les vies de nos femmes, nos mères et nos filles".
Des parlementaires s’engagent pour la règlementation de ce secteur
Lors de cette rencontre, une cinquantaine de femmes et jeunes filles ont officiellement intégrés la profession de sage-femme. Elles ont prêté serment avant de recevoir leurs diplômes des mains de la ministre du genre, Gisèle Ndaya Luseba et de la conseillère du Chef de l'État en charge de la jeunesse, Chantal Yelu Mulop. Des députés nationaux, Patrick Katengo, Jean-Désiré Mbonzi et Christelle Vuanga se sont également engagés à suivre au niveau du parlement, la proposition de loi portant Statut de la Sage-Femme en RDC.
" Les sages-femmes travaillent dans des conditions très difficiles. En tant que forum national de la jeunesse et législateur, nous nous engageons à contribuer dans la proposition des lois pour sécuriser le travail de la Sage-femme en RDC. L’état congolais devrait également payer conséquemment les femmes qui s'engagent dans ce secteur, les placer dans les conditions qui les honorent" a dit Patrick Katengo, député national.
" Les chiffres nous ont interpellé. Il existe 800 sages-femmes au chômage pendant que les formations médicales et les maternités souffrent d'une carence en sages-femmes. Nous allons nous y mettre pour que la réglementation soit obtenue et que la formation s'en suive. Je ferais le lobbying" ajoute Jean-Desiré Mbonzi, député national.
A Christelle Vuanga de renchérir, "Nous avons travaillé sur la création de la loi portant statut de la sage-femme et nous nous sommes battus pour que cette loi soit retenue à la session passée et nous l'avons obtenu. Elle est également retenue pour cette nouvelle session et si le nouveau ministre peut être expéditif en nous faisant parvenir l'avis du gouvernement, on pourra déjà avoir l'adoption de cette proposition au niveau de la grande pleinière".
Chantal Yelu Mulop a quant à elle parlé du numéro vert 122, qui fonctionne 24h/24 et 7jr/7. « Nous travaillons avec les quatre services téléphoniques que nous avons en RDC (Airtel, Vodacom, Orange et Africell). Nous étions financés par le BCNUDH et l'UNFPA mais maintenant, nous serons également appuyés par l'ONG IPAS. Les femmes doivent continuer à dénoncer toutes sortes de violences et esperer bénéficier d’une prise en charge de qualité de notre part », a-t-elle dit.
Le ministre de la santé, Jean-Jacques Mbungani a également rassuré qu'en ce qui le concerne, il ne ménagera aucun effort pour engager les stratégies idoines qui permettront l'utilisation rationnelle des sages-femmes à travers l'étendue du pays. Qu'une cartographie des sages-femmes à travers le pays et leurs affections dans les maternités et centres de santé (...) va être envisagée dans un bref délai avec le concours de ses services.
Prisca Lokale