Nicolas Simard, de l'alternance et aux récents défis: l'interview bilan de l'ambassadeur canadien

ACTUALITE.CD

A la fin de son mandat en tant qu’ambassadeur du Canada en RDC, Nicolas Simard s’est exprimé sur ACTUALITE.CD sur son action en RDC ainsi que sur ses relations avec les congolais. Il a également répondu à ceux qui estiment que son travail était une ingérence dans les affaires du Congo et a émis le vœu de voir son successeur travailler en suivant les politiques Canadiennes.

Vous êtes au terme de votre mission en RDC, quelle est votre petite histoire avec le Congo ?

J’ai terminé mon mandat qui a duré trois ans et deux mois exactement, et c’était la fin depuis deux ans, et il y a eu un an de prolongation, donc j’ai vraiment terminé mon temps et je suis très triste de quitter le Congo, et en même temps heureux de ce qu’on a pu accomplir au cours de ces trois années. Je suis arrivé en septembre 2017, à une période qui était assez douloureuse et difficile pour les Congolaises et les Congolais, parce que c’était avant les élections de 2017, qui avaient d’abord été annoncées en 2016, puis glissées en 2017, puis reglissées jusqu’en 2018. A cette époque il y avait assez des manifestants pacifiques qui demandaient le changement, qui demandaient des élections crédibles, transparentes et qui ont été tués dans la rue, il y a eu beaucoup de violences dans la rue, beaucoup de gens qui ont été tués alors qu’ils manifestaient pacifiquement. 

Et quelle était votre action dans ce cas précis ?

Dans cette période, le Canada, comme d’autres acteurs internationaux, j’étais très impliqué pour faire la promotion et la défense des droits humains, faire des déclarations pour appeler les autorités à respecter les droits des congolaises et des congolais, de manifester, de s’expliquer publiquement, c’était une période où une l’espace démocratique était très restreint. Par la suite, on a remarqué qu’après les dernières élections, qui sont arrivées en 2018, et la première passation pacifique du pouvoir, que finalement les congolaises et congolais peuvent maintenant s’exprimer de manière beaucoup plus libre qu’ils ne le pouvaient à l’époque.

Il n’y avait pas que le processus électoral…

J’ai été très impliqué aussi sur les questions de l’égalité du genre, pour le Canada, pour moi personnellement, le pouvoir des jeunes et des filles dans le domaine politique, dans le domaine économique, c’est des questions essentielles. On a eu des projets notamment pour accompagner les femmes leaders, pour qu'il y ait plus de représentations aux prochaines élections au parlement. On trouve qu’avec 10% ce n’est pas encore assez loin, le Congo peut faire encore mieux, les femmes Congolaises sont très formidables, sont très impliquées et dynamiques, avec beaucoup d’idées ; et on pense qu’avec un parlement plus équilibré homme-femme, on aura des résultats encore plus intéressants pour la population Congolaise.

Que répondez-vous à ceux qui estiment ou qui pensent que vous vous expliquiez un peu trop dans les affaires congolaises ?

Pour ceux qui pensaient que je m'implique un peu trop dans les affaires congolaises, j’ai un message pour eux, parce que moi j’ai l'impression que ce n’est pas dans les questions de souveraineté, mais plutôt d’intérêt personnel, et qu’il y a des gens, malheureusement certains congolaises et congolais, qui ont des fonctions de pouvoir parfois confondent la souveraineté nationale et leurs intérêt personnels. Et quand on parle, et qu’on va un peu trop loin, c’est parce qu’ils se sentent peut-être sur la défensive, sur des questions qui les touchent personnellement, mais qui est plutôt dans l’intérêt général de la population congolaise, et qui est dans l’intérêt général du pays. 

Pour vous, il n’y a donc pas ingérence?

On a toujours respecté la souveraineté du Congo. Le Canada était toujours en appui aux priorités du pays, que ça soit dans la lutte contre la corruption par exemple, et si des gens sont un petit peu nerveux quand on parle de la lutte contre la corruption, c’est peut-être parce qu’ils ont des choses à se reprocher. 

Comment évaluez-vous à l’instant les relations avec le Congo et les congolais?

Nos relations avec les congolais sont formidables. J’ai rencontré des congolaises et des congolais exceptionnels partout dans le pays, j’étais dans l’Est, dans le Sud, dans le Nord, dans l’Ouest, au Centre, je suis allée jusqu’au Sankuru qui est la province la plus difficile d’accès avec mon collègue de l’Union Européenne. On s’est posé sur différentes villes ici au Congo, et partout, j’ai rencontré des gens extrêmement résilients, très créatifs, très engagés, très chaleureux, très accueillant, et j’ai adoré l’expérience

Qu’est-ce que vous attendez de particulier de votre successeur pour le Congo ?

Mon successeur a été nommé récemment, il s’agit de monsieur Benoit-Pierre Laramée, c’est son troisième poste d’ambassadeur. Il a été ambassadeur du Canada au Cameroun, en Afrique centrale. Il connaît l’Afrique centrale. Il a été haut-commissaire du Canada au Bangladesh en Afrique du Sud, qui a des défis assez similaires en Afrique Sub-saharienne notamment sur des questions de développement humain, de gouvernance, de lutte contre la corruption, etc. C’est un ambassadeur très expérimenté qui va venir prendre le relais, et je suis persuadé qu’il va poursuivre les politiques CanadienneS, que je menais ici au cours de ces trois dernières années.

Vous avez un dernier message à passer au Congolais ?

Mon dernier mot c’est « Matondo mingi » (merci beaucoup), parce que ça été trois années formidables. J’ai rencontré des congolaises et des congolais très déterminés, très résilients, et je vous encourage toutes et tous à continuer à demander le changement qui est dans vos droits pour davantage de services dans les domaines de l’éducation, de la santé, pour la promotion des droits des femmes, pour l’accès à la justice, pour la lutte contre l’impunité ; et c’est à travers la mobilisation de toutes et de tous à l’échelle du Congo, mais en même temps tous les efforts qu’il faut auprès de vos leaders politiques, en exigeant le changement, que ça va finir par se réaliser. Il ne faut jamais baisser les bras, il faut toujours y croire, continuer l’engagement, avec la force que vous avez, votre pays sera plus beau qu’avant.

Le Canada a désigné le vendredi 30 octobre 2020 dernier un nouvel ambassadeur auprès de la République démocratique du Congo. Il s'agit de M. Benoît-Pierre Laramée. Il succède à Nicolas Simard dont le mandat touche à sa fin dans quelques jours.

Interview réalisée par Thérèse Ntumba