Rapport Mapping : à Butembo, les victimes de massacres de Kikyo réclament justice et réparation

L'un des survivants des massacres de Kikyo à Butembo/Ph ACTUALITE.CD

A l’occasion du dixième anniversaire de la publication du rapport Mapping, ACTUALITE.CD est allé à la rencontre des victimes survivantes des massacres de Kikyo à Butembo (Nord-Kivu), l’une des centaines de crimes répertoriés dans ce document des Nations Unies. En 1998, à Kikyo, une entité située dans la partie nord de Butembo, plus de 300 personnes avaient été tuées, d’autres enterrées vivants, certains dans des fosses communes, par des militaires des Forces armées congolaises. A l’occasion de l’anniversaire du rapport Mapping, les survivants réclament justice et réparation.

Furu, c’est dans cette cellule du quartier Congo ya Sika, à la sortie nord de Butembo qu’avaient eu lieu, en 1998, l’essentiel des massacres odieux des civils, perpétrés par des militaires des Forces armées congolaises (FAC). Ici, à moins d’une semaine, plus de 300 personnes furent tuées, les unes enterrées vivantes, parfois dans des fosses communes que les victimes creusaient elles-mêmes, avant leur mort. Cécile, d’une soixantaine révolue, a perdu son conjoint pendant ces massacres. Se recueillant sur la tombe de son époux, elle se rappelle encore de toute l’histoire, comme si c’était hier.

« Des militaires à la recherche des miliciens qui venaient d’attaquer leur base s’étaient improvisés chez nous. Ils ont croisé mon mari qui était resté seul à domicile, après que nous nous sommes réfugiés avec les enfants dans un quartier périphérique sécurisé. Des militaires l’ont lâchement abattu, prétextant que ce sont eux qui ont créé des miliciens. C’est ici que mon mari est enterré », se rappelle Kavira Cécile, sur fond d’amertume.

A la disparition du père de la famille, la vie était dure pour cette mère de cinq enfants.

« Mon mari était enseignant, mais je n’ai même pas droit de retirer une part du salaire qui lui revenait. On ne sait comment nourrir les enfants, ni les scolariser. C’est un calvaire », témoigne-t-elle.

Comme Cécile, plusieurs survivantes des massacres de Kikyo ont traversé un calvaire après la disparition de leurs proches. C’est également le cas de Sephorine. Plus de 20 ans après, elle ne sait toujours pas où est enterré son mari.

« Je ne sais pas s’il a été enterré à Kitatumba ou à Kikyo. Moi j’ai besoin d’une chose seulement, qu’on me dise où est-ce que mon mari tué par des Katangais a été enterré, pour que son âme repose en paix », plaide-t-elle.

D’après des sources citées par les auteurs du rapport Mapping, plus de 300 personnes ont péri dans les massacres de Kikyo. Certains mutilés, d’autres enterrés vivants dans des fosses communes. Malgré l’absence des moyens, le comité des victimes survivantes de massacres de Kikyo tene d’ériger à Butembo certains monuments pour saluer la mémoire des illustres disparus. C’est le cas ici au cimetière de Kitatumba, où avait été ensevelis dans cette fosse commune, plus de 150 civils. Léon Tsongo qui coordonne le comité dénonce l’impunité des auteurs bien connus.

« Nous sommes inquiets de voir les auteurs de ces crimes circuler librement. Ces auteurs sont dans nos forces armées au Congo, d’autres sont au Rwanda. Celui qui commandait la ville de Butembo ce jour-là, c’est Aboubacar. C’est un Rwandais. Nous voulons des poursuites à leur encontre. Nous voulons que ces massacres ne restent pas impunis », insiste Léon Tsongo.

Il en appelle à l’institution des instances judiciaires spécialisées pour traiter ce dossier des violations graves des droits de l’homme, pour qu’au-delà de la justice, les victimes bénéficient des réparations.

« Aux côtés des centaines de morts, nous avons des handicapés, des gens qui vivent avec des troubles, après avoir assisté aux viols de leurs mamans, pendant les massacres de Kikyo. Nous voulons que justice soit faite, que les victimes aient réparations. Ce sont des crimes contre l’humanité, ce que nous avons vécu ici à Butembo. Il faut instituer des tribunaux spéciaux pour traiter ces crimes », plaide Léon Tsongo.

Pour une petite histoire, dans la matinée du mardi 14 avril 1998, un groupe de miliciens Maï-Maï avait attaqué une position des éléments des Forces armées congolaises de l’AFDL, sur la colline stratégique de Kikyo, située à la sortie nord de Butembo. Prise au dépourvu, l’AFDL perd des dizaines de ses soldats. Elle décide alors de lancer une opération de ratissage de grande envergure pour traquer ces assaillants Maï-Maï qu’ils croient dissimulés dans les domiciles des habitants. C’est lors de ce ratissage que les éléments de l’AFDL avaient perpétré, avec l’appui de l’armée rwandaise des tueries qualifiés de massacres de Kikyo.

Claude Sengenya