Proclamation de l’état d’urgence dans la Constitution congolaise : régime de concertation ou d’autorisation ?

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Aujourd'hui, ACTUALITE.CD vous propose cette tribune du Professeur Eddy MWANZO Idin’Aminye

  1. L’ordonnance présidentielle du 24 mars 2020 proclamant l’état d’urgence n’a pas violé la constitution puisque fondée sur les articles 85, 144 et 145 de la Constitution ; l’article 119 point 2 ayant été interprété par un arrêt R. Const 061/TSR de la CSJ en 2007 comme ‘‘s’écartant’’ desdits articles, en ce qu’il conditionne la convocation de l’état d’urgence ou de siège à une autorisation du congrès. 
  2. Sur l’article 3 du Règlement Intérieur du Congrès : contrairement aux affirmations du Président du Sénat, qu’un congrès consacré à l’état d’urgence doit être convoqué ‘‘ sur saisine du Président de la République’’ ( art. 36 du RI du Congrès) et qu’il ne peut avoir pour objet de ‘‘couler sous-forme de loi les mesures exceptionnelles’’ et ‘‘d’adopter la loi portant modalités d’application de l’état d’urgence ou de siège’’, ceci n’étant pas de sa compétence… En effet, le RI du Congrès, quoique jugé conforme à la Constitution par la Cour constitutionnelle, n’est pas supérieur à la Constitution. Il ne peut régir que les aspects non traités par la Constitution. Du coup l’article 36 du RI ne comble que le vide laissé à propos des modalités de convocation en cas de prorogation.
  3. L’erreur de l’ordonnance de la Présidence de la République est d’une part d’avoir proclamé l’état d’urgence et d’autre de prévoir, dans la même ordonnance, les mesures d’urgence sanitaire. Ces dernières devraient être prévues dans une ou d’autres ordonnances lesquelles après avoir été débattues en Conseil des ministres, puis signées par le Président de la République, passeraient enfin à la Cour constitutionnelle pour l’examen de sa conformité à la Constitution. L’autre erreur est d’avoir utilisé dans cette ordonnance les mots ‘‘état d’urgence sanitaire’’, inconnus de notre Constitution alors que le mot ‘‘état d’urgence’’, à lui seul, est suffisant, englobant et constitutionnel.
  4. La question demeure toutefois de savoir pourquoi chercher à se réunir à 11 jours de la fin normale de la proclamation de l’état d’urgence  (Selon l’alinéa 4 de l’article 144, la durée de l’état d’urgence est de 30 jours, avec possibilité de prorogation pour des périodes successives de quinze jours, ajoute l’alinéa 5 du même article) ? Si nécessité de la prorogation existe, pourquoi ne pas attendre être saisi par le Président de la République conformément à l’article 144 de la Constitution ?
  5. On ne doit pas ignorer que si le Parlement n’a aucune compétence pour prendre des mesures d’urgences (sauf les mesures d’application de l’état d’urgence : article 85 al. 3), il a toutefois le pouvoir exorbitant de mettre fin à l’état d’urgence (art. 144 in fine de la Constitution). Est-ce là l’agenda caché du Parlement, ou explicitement du Président du Sénat ?

Professeur Eddy MWANZO Idin’Aminye, Docteur en Droit