Alors que Félix Tshisekedi, président de la République démocratique du Congo, et Paul Kagame, président du Rwanda, sont attendus à Washington pour entériner, en présence de Donald Trump, président des États-Unis, l’accord de paix signé au niveau ministériel en juin dernier, le Baromètre des accords de paix en Afrique constate que, cinq mois après sa signature, les progrès demeurent fragiles et inégaux.
Le suivi du mois de novembre 2025 met en évidence une stagnation préoccupante du processus de mise en œuvre. Selon le rapport consulté ce lundi 1er décembre, cette plateforme dédiée au suivi, à l'évaluation et à la promotion de la mise en œuvre effective des accords de paix en Afrique relève que sur les 30 tâches identifiées dans l’Accord, 19 ont connu un début de mise en œuvre, pour un taux global d’exécution de 23,3 % (soit 70 points sur 300).
"En ne considérant que les tâches partiellement exécutées, le taux de réalisation atteint 36,8 % (soit 70 points sur 190), ce qui exprime une continuation de recul par rapport aux périodes de fin octobre et fin août où les taux étaient respectivement à 38% et 41 %", lit-on dans le rapport d'évaluation du mois de novembre.
Parmi ces 30 tâches, certaines doivent être exécutées indistinctement par les deux gouvernements, congolais et rwandais ; d’autres relèvent de la responsabilité exclusive de chacun d’eux ; enfin, quelques-unes sont confiées à la communauté internationale (c’est-à-dire aux États-Unis, au Qatar, au représentant de l’Union Africaine, ainsi qu’aux organismes des Nations unies). En d’autres termes, selon l’Accord de Paix de Washington, la RDC devrait exécuter 26 tâches (sur 30), le Rwanda 22, et la communauté internationale 7.
"C’est ainsi, sur les 26 tâches relevant de la responsabilité de la RDC dans l’Accord, seules 16 ont connu une exécution partielle, pour un taux global d’exécution de 22,1 % (soit 57,5 points sur 260). En ne considérant que les tâches partiellement exécutées, le taux de réalisation atteint 35,9 % (soit 57,5 points sur 160)", ajoute le rapport.
Quant au Rwanda, sur les 22 tâches qui lui sont attribuées dans l’Accord, seules 13 ont connu une exécution partielle, pour un taux global d’exécution de 22,7 % (soit 50 points sur 220). En ne considérant que les tâches partiellement exécutées, le taux de réalisation atteint 38,4 % (soit 50 points sur 130).Par ailleurs, toutes les 7 tâches confiées à la Communauté internationale dans l’Accord ont connu une exécution partielle, pour un taux global d’exécution de 39,2 % (soit 27,5 points sur 70).
Les constats positifs durant la période allant du 1er au 30 novembre 2025 sont :
• La signature du Cadre d’Intégration Économique Régionale le 8 novembre 2025 par la RDC et le Rwanda dans le contexte de l’Accord de Paix de Washington, montrant que la paix n’est pas seulement envisagée sur le plan sécuritaire, mais aussi comme une base de coopération économique ;
• La signature de l’accord-cadre entre le gouvernement congolais et l’AFC/M23 le 15 novembre 2025 au Qatar aux fins de mettre fin au conflit ; et
• Le fonctionnement régulier du JSCM (Mécanisme Conjoint de Coordination de la Sécurité) et du JOC (Comité de Surveillance Conjointe) confirmant une continuité institutionnelle dans le suivi de l’Accord.
Alors que sur le terrain les résultats restent peu visibles en matière de désescalade entre Kinshasa et Kigali, mais aussi entre Kinshasa et la rébellion de l’AFC/M23, le processus de médiation américaine semble, quant à lui, suivre son calendrier. Les différentes parties prenantes engagées dans le processus de Washington sous la facilitation des États-Unis d’Amérique respectent, pour l’instant, les échéances prévues.
Lors de la dernière réunion du mécanisme conjoint de coordination en matière de sécurité (MCCS), tenue les 19 et 20 novembre 2025 à Washington D.C en présence des représentants de la RDC, du Rwanda, des États-Unis, de l’État du Qatar, de la République du Togo (médiateur de l’Union africaine), ainsi que de la Commission de l’Union africaine, les participants ont évalué le niveau de mise en œuvre de l’accord de Washington, signé il y a près de quatre mois, soit le 27 juin 2025.
Selon le communiqué final, la RDC et le Rwanda se sont engagés à faire progresser l’ordre d’opérations (OPORD) afin de mettre en œuvre le concept d’opérations (CONOPS) du plan harmonisé pour la neutralisation des FDLR et le désengagement des forces/la levée des mesures défensives par le Rwanda. Les observateurs de la JSCM ont salué les efforts déployés par les Parties pour faciliter la poursuite de la démobilisation, du rapatriement et de la réintégration des membres des FDLR ", lit-on dans le communiqué final du département d'Etat américain
Au cours de la même réunion, les participants ont examiné les progrès accomplis dans la première phase de l'OPORD, notamment les mises à jour concernant le partage de renseignements et les opérations d'information menées par le RDC pour sensibiliser les communautés accessibles et inciter les membres des FDLR à déposer les armes. Les Parties ont engagé des discussions ouvertes afin d'examiner les difficultés persistantes et d'identifier les lacunes et les opportunités pour assurer le succès de la première phase. Les membres du JSCM ont également entamé des discussions sur la deuxième phase de l'OPORD, notamment les actions visant à neutraliser les FDLR et à lever les mesures défensives du Rwanda.
À la suite de la chute de Goma et Bukavu et de l’échec du processus de Luanda, l’accord de Washington et le processus de Doha constituent aujourd’hui les deux volets complémentaires des efforts diplomatiques visant à mettre fin aux conflits persistants dans l’Est de la RDC, en particulier ceux impliquant le Rwanda et les groupes armés tels que le M23.
Clément MUAMBA