Kinshasa : les sinistrés des dernières pluies diluviennes "abandonnés à leur triste sort", déplore la VSV qui appelle à des indemnisations "conséquentes"

Foto
Des sinistrés de la pluie à Kinshasa

Alors que le gouvernement, à travers le ministère de l’Intérieur, de la Sécurité, de la Décentralisation et des Affaires coutumières, s’était félicité lors de la 55ᵉ réunion du Conseil des ministres du bon déroulement du processus de désactivation des sites d’hébergement des sinistrés des inondations d’avril dernier à Kinshasa, la réalité sur le terrain semble tout autre.

Depuis quelques semaines, ces sinistrés ont refait surface dans plusieurs points de la capitale. Après avoir campé aux abords de la Cité de l’Union africaine non loin de la résidence du président Félix Tshisekedi , ils se sont récemment installés devant le Palais du Peuple, siège du Parlement avant d'être dispersés une nouvelle fois. 

Pour s’enquérir de leur situation, la Voix des Sans-Voix pour les Droits de l’Homme (VSV) s’est rendue sur le terrain. Elle affirme avoir constaté que ces sinistrés "sont abandonnés à leur triste sort " et ne savent plus " à quel saint se vouer ".

"En vue de se rendre compte des conditions de vie des sinistrés, la VSV a effectué des descentes dans les sites ouverts à cette occasion. La VSV salue les efforts fournis, notamment par le gouvernement qui a mis en place des campements provisoires et une assistance aux victimes, sans oublier certaines structures et personnalités qui les ont également soutenus. Malheureusement, ces efforts n’ont pas suffi à résoudre le problème en profondeur. La VSV espère donc que le gouvernement fournira davantage d’efforts pour que les sinistrés des inondations d’avril 2025 soient enfin placés dans des conditions humaines et supportables", a déclaré devant la presse mercredi 5 novembre 2025 le deuxième directeur exécutif adjoint de la VSV, Pierre Serge Ntumba.

Selon plusieurs sinistrés, la distribution des indemnités, supervisée par le ministre provincial de la Santé de Kinshasa, s’est déroulée de manière "inégale", les montants variant entre 150 000 francs congolais et 1 000 dollars américains.

"La distribution des indemnisations a été très inégale. Certains ont touché 100, 200, 300, 500 ou 1 000 dollars. Cela se faisait dans de mauvaises conditions, souvent la nuit. On nous faisait signer des documents sans mention de montant, on nous remettait les enveloppes qu’il était interdit d’ouvrir sur place. Vers minuit ou à 5 heures du matin, on nous embarquait dans des ambulances comme si nous étions malades. Certains ont trouvé à l’intérieur 150 000 ou 300 000 FC. On nous déposait ensuite à Kingasani ou à la 17ᵉ rue, livrés à nous-mêmes. Beaucoup ont perdu la vie après avoir reçu des sommes dérisoires", a témoigné Bienvenu Mwanza, président des sinistrés du site de Kinkole.

Ce dernier dénonce également des cas de fraude et de détournement. Il a évoqué des versements effectués au profit de personnes étrangères aux listes officielles des sinistrés

"Nous ignorons toujours le montant réellement prévu pour chaque sinistré. Le ministre provincial de la Santé parle de 6 000 dollars, ce qui est faux. Nous n’avons reçu aucune visite des autorités nationales ou provinciales. Le ministre faisait tout lui-même : il préparait les enveloppes, fixait les montants selon son gré et distribuait personnellement l’argent", a ajouté M. Mwanza.

Il souligne que plusieurs sinistrés n’ont rien perçu, leurs noms ayant été remplacés par ceux d’inconnus.

"Des personnes étrangères sont apparues sur les listes et ont été servies en premier. Moi-même, j’ai reçu 500 dollars. Avec cette somme, comment trouver un logement, meublé la maison ou payer la rentrée scolaire des enfants ?", a-t-il déploré.

De leur côté, les sinistrés du Stade des Martyrs partagent le même constat et interpellent les autorités compétentes

"Au nom des sinistrés du Stade des Martyrs, je lance un appel au gouvernement. Le chef de l’État nous avait promis, lors de sa visite au site du stade Tata Raphaël, de s’occuper de notre cas. Nous demandons une indemnisation équitable pour nous permettre de nous reloger et de subvenir à nos besoins. Malheureusement, le ministre provincial de la Santé n’a pas accompli convenablement la tâche qui lui avait été confiée",  a plaidé Tshala Mbayi Masudi Philomène dans le même sens que son collègue du site Tata Raphaël

Face à cette situation préoccupante, la VSV exhorte le gouvernement central à intervenir sans délai.

"Pour réconforter les sinistrés des inondations d’avril 2025, la VSV invite le gouvernement à s’acquitter de sa responsabilité en leur accordant une indemnisation conséquente, comme promis initialement, afin qu’ils puissent se reloger et redémarrer leur vie dans des conditions humaines et dignes", a plaidé l’organisation de défense des droits humains.

Lors de la 55ᵉ réunion du Conseil des ministres, tenue le 22 août 2025 à la Cité de l’Union africaine, le VPM de l’Intérieur, Sécurité, Décentralisation et Affaires coutumières, Jacquemain Shabani, avait annoncé la clôture complète du processus de désactivation de trois sites d’hébergement. Sur les 4 219 ménages initialement prévus dans le plan d’indemnisation, 5 300 ménages avaient effectivement bénéficié d’un appui et quitté les sites, selon le rapport gouvernemental.

Clément MUAMBA