RDC: la Banque mondiale réitère son appel  à réévaluer les incitations fiscales et exhorte les pays africains à miser sur leurs ressources propres face à la baisse de l’aide internationale

Dr Albert G. Zeufack, Directeur pays de la Banque mondiale pour l'Angola, le Burundi, la République démocratique du Congo (RDC) et Sao Tomé-et-Principe et le recteur de l'UNILU
Dr Albert G. Zeufack, Directeur pays de la Banque mondiale pour l'Angola, le Burundi, la République démocratique du Congo (RDC) et Sao Tomé-et-Principe et le recteur de l'UNILU

Après l'étape de Kinshasa, capitale de la RDC, le rapport de la Banque mondiale sur la situation économique du pays, intitulé " réévaluer les incitations fiscales : le rendez-vous manqué des promesses de croissance et d'équité " a été présenté devant les responsables académiques, enseignants et étudiants de l'Université de Lubumbashi dans la province du Haut Katanga.

La section spéciale du rapport a examiné les incitations fiscales, en se concentrant sur leur évolution et leur impact. Les recettes fiscales de la RDC représentent 12,5 % du PIB, contre une moyenne de 16% en Afrique subsaharienne. Selon le rapport, les incitations fiscales entraînent un manque à gagner d’environ 5% du PIB soit un tiers des recettes fiscales totales ou trois fois le budget du secteur de la santé tout en apportant des bénéfices minimes aux ménages vulnérables.

Ce rapport souligne le taux de croissance du PIB élevé de 6,5% atteint en 2024, soutenu par des activités minières dynamiques, notamment dans l’exploitation du cuivre et du cobalt. Malgré l’un des taux de croissance les plus élevés d’Afrique, ce chiffre reste légèrement inférieur à la moyenne de 7,9% enregistrée entre 2021 et 2023. Même avec cette forte croissance, le rapport présenté par Cédric Deguenonvo, Économiste- Pays Principal, souligne que la réduction significative de la pauvreté et la création d’emplois restent limitées.

Face à cette situation, la Banque mondiale en RDC estime que la rationalisation des incitations fiscales va améliorer l’efficacité des politiques fiscales et ouvrir la voie à de futures baisses de taux d’imposition, tout en garantissant des ressources adéquates pour le développement et les dépenses sociales. Pour son directeur pays, dans un contexte marqué par la baisse de l'aide au développement international, les États doivent compter sur leurs propres ressources. 

" Tous ces régimes dérogatoires qui sont perçus comme des incitations fiscales pèsent de plus en plus sur le niveau des recettes publiques car chaque franc congolais non perçu du fait d'une incitation fiscale est un franc en moins pour financer l'éducation, la santé, les infrastructures ou la sécurité. Plus important dans le contexte global d'une baisse tendancielle de l'aide au développement il est de plus en plus clair que nos pays particulièrement les pays africains devront de plus en plus compter sur eux-mêmes et compter sur leurs propres ressources. Dans la mesure où le niveau des incitations fiscales est donc particulièrement élevé au regard de la faiblesse de la pression fiscale globale alors il se pose un problème et il est judicieux de s'interroger aujourd'hui sur l'efficacité et la pertinence de tous ces régimes fiscaux d'exceptions"a fait savoir  mercredi 17 septembre 2025 Dr Albert G. Zeufack, Directeur pays de la Banque mondiale pour l'Angola, le Burundi, la République démocratique du Congo (RDC) et Sao Tomé-et-Principe à l'Université de Lubumbashi (Haut Katanga)

Et de poursuivre :

" Conscient des défis auxquels sont confrontés les autorités nationales ainsi que les arbitrages délicats à opérer entre la promotion de l'investissement, de soutien aux secteurs d'importance stratégique et la nécessité d'alléger la charge fiscale pesant sur les ménages les plus vulnérables et les firmes, les analyses présentées dans ce rapport mettent en lumière l'importance d'une gestion avisée des incitations fiscales. En effet, sans gestion adéquate de ces incitations fiscales, sans gestion transparente de ces incitations fiscales, il y a risque d'accentuer les distorsions du système fiscal et de bénéficier principalement à des acteurs ou secteurs qui ne constituent pas nécessairement la cible prioritaire ".

Pour le représentant pays de la Banque Mondiale, les incitations fiscales en République Démocratique du Congo ne sont pas efficaces. Il a exhorté le gouvernement à ne pas toujours mettre en avant les propositions d'exonérations fiscales lors des discussions sur les projets d'investissements.

"Les incitations fiscales ne sont ni efficaces ni équitables et le rapport présente toutes les données pour le soutenir. Si on évalue l'efficacité des incitations fiscales en termes d'investissement productif, il est difficile en fait d'établir une relation de cause à effet entre les investissements et les incitations. Toutes les études qui ont été faites sur ce sujet y compris à la Banque mondiale montre en fait que l'incitation fiscale n'est pas le déterminant principal de l'investissement mais plutôt une cerise sur le gâteau donc il est important lorsque le pays discute avec les investisseurs de ne pas de façon automatique mettre les incitations sur la table comme si c'est celle qui en fait déterminer l'investissement" a fait remarquer le représentant pays de la Banque Mondiale.

La précédente édition de ce type de rapport a été publiée en juin 2022. Dans un contexte où les décisions publiques réclament de plus en plus des bases analytiques solides et objectives, ce rapport ouvre donc la voie à l’ambition pour la Banque mondiale de produire chaque six mois un rapport sur la situation économique en vue de stimuler un dialogue constructif sur les politiques publiques.

La Banque mondiale est semblable à une coopérative, dans laquelle les actionnaires sont ses 189 pays membres. Ces actionnaires sont représentés par un Conseil des gouverneurs, qui est l'organe de décision suprême de la Banque mondiale. Les gouverneurs sont en général les ministres des finances ou du développement des pays membres. Ils se réunissent une fois par an, à l'occasion des Assemblées annuelles des Conseils des gouverneurs du Groupe de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI).

Clément MUAMBA