Est de la RDC: Jean-Pierre Lacroix redoute que la crise de liquidité impacte sur les efforts de paix et sollicite le plaidoyer du gouvernement congolais pour un financement continu

Jean-Pierre Lacroix
Jean-Pierre Lacroix, Secrétaire général adjoint et Chef de Maintien de la paix de l'ONU.

En proie à l'insécurité et à une situation humanitaire dramatique et préoccupante dans sa partie Est, la République Démocratique du Congo est appelée à plaider pour le financement continu en faveur des Nations-Unies via sa mission de maintien à savoir la MONUSCO. C'est ce qu'a recommandé Jean-Pierre Lacroix, secrétaire général adjoint et chef du maintien de la paix de l'ONU lors de sa rencontre jeudi 4 septembre 2025 avec la première ministre Judith Suminwa Tuluka.

Au cours des échanges avec la cheffe du gouvernement central, Jean-Pierre Lacroix dit avoir épinglé les difficultés financières qui risquent de limiter l'action de l’ONU dans les initiatives de paix. Les coupes budgétaires au niveau international impactent négativement sur le travail des humanitaires en République Démocratique du Congo.

"En même temps, je n'ai pas caché la réalité des contraintes financières qui pèsent aujourd'hui sur l'Organisation des Nations Unies, le retard de paiement ou le non-paiement par plusieurs États membres de leurs contributions. Là aussi, nous avons besoin du plaidoyer de la République démocratique du Congo. Nous avons besoin de mettre à jour de manière très claire les implications que pourrait avoir cette crise de liquidité sur les efforts de paix et sur la mise en œuvre concrète des engagements. Les efforts humanitaires doivent être financés à hauteur des besoins. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas et vous avez vu les conséquences dramatiques de la baisse des ressources", a-t-il confié à l'issue de l'entretien avec la première ministre Judith Suminwa.

Le diplomate onusien en a ensuite appelé à une action coordonnée pour venir en aide aux victimes.

"Deuxièmement, les parties doivent être poussées à respecter les engagements dans les zones où nous avons les restrictions, nos collègues humanitaires et la Monusco ont des restrictions de liberté de mouvement, d'accès aux populations en besoin ; tout doit être fait, tous les acteurs doivent se mobiliser pour que nous puissions avoir cette liberté de mouvement et ces ressources financières nécessaires pour apporter assistance à ces milliers de déplacés parce que c'est une situation intolérable", a renchéri le diplomate Onusien.

Et d'ajouter :

"Nous avons reçu l'expression d'un soutien continue de la part de Madame la première ministre, de son gouvernement, le soutien à la coopération avec les Nations-Unies, soutien à la Monusco, soutien notre travail commun, je crois que c'est très important parce que nous sommes en RDC, notre interlocuteur de tous les jours, notre interlocuteur de référence ce sont les autorités congolaises, ce climat de confiance, ce travail conjoint et plus que jamais fondamental pour faire avancer les efforts de paix et aboutir à des résultats concrets".

Lancé en février dernier par le gouvernement et la communauté humanitaire, le plan de réponse humanitaire 2025 pour la République Démocratique du Congo (RDC) est chiffré à 2,54 milliards de dollars américains. Cette enveloppe cruciale vise à fournir une aide vitale à 11 millions de personnes dont 7,8 millions de déplacés internes, l’un des niveaux les plus élevés au monde parmi les 21,2 millions de Congolais affectés par des crises multiples : conflits armés, catastrophes naturelles et épidémies. 

Selon les chiffres actualisés de l'ONU, ce plan est actuellement financé à moins de 15 %, avec seulement 376 millions de dollars reçus à ce jour.

Le lancement du Plan de réponse aux besoins humanitaires pour la RDC (2025) intervenait dans un contexte particulier de polycrise multidimensionnelle d’une ampleur inédite, qui combine trois éléments déstabilisateurs majeurs : d’une part une spirale de violence qui s’étend de l’Ituri au Tanganyika ; d’autre part la présence d’une autorité de facto dans des zones clés du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, deux provinces où les besoins humanitaires sont très importants ; et enfin une crise majeure du financement de la réponse humanitaire.

Cette question relative aux coupes budgétaires à la base de la réduction de l’aide intervient dans un contexte marqué par la réduction drastique du plan de l'ONU d’aide humanitaire mondial pour l’année 2025, en raison des « coupes budgétaires les plus importantes jamais opérées ». Le nouveau plan de 29 milliards de dollars pour 2025, contre les 44 milliards demandés à l’origine, doit « hyper-prioriser » l’aide pour 114 millions de personnes, selon un communiqué du Bureau de coordination de l’aide humanitaire de l’ONU (OCHA) rendu public lundi 16 juin 2025.

Cette baisse considérable de l’aide intervient alors que les conflits dans le monde se multiplient, certaines zones étant particulièrement vulnérables, à l’instar du Soudan, de la République démocratique du Congo, du Myanmar ou de Gaza, qui est confrontée à un risque « critique » de famine, selon un rapport paru en mai dernier.

Clément MUAMBA