Joseph Kabila : « mon procès, l’arrestation des généraux et la famille présidentielle »

Joseph Kabila lors des consultations à Goma
Joseph Kabila lors des consultations à Goma

L’ancien président de la République, prédécesseur de Félix Tshisekedi, s’est exprimé sur plusieurs sujets d’actualité, notamment le procès qui le vise et où il encourt la peine de mort, l’accord entre Kinshasa et Kigali, ainsi que les négociations en cours à Doha entre l’AFC/M23 et les représentants de Tshisekedi.

Dans une tribune envoyée ce 1er septembre à Jeune Afrique, l’ancien président de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila Kabange, dénonce avec vigueur l’instrumentalisation de la justice, la persécution politique et les menaces pesant sur la réconciliation nationale. S’exprimant pour la quatrième fois depuis la fin de son mandat en janvier 2019, Kabila tire la sonnette d’alarme sur l’état de la nation, qu’il qualifie de “préoccupant”. 

Il rappelle avoir proposé, il y a trois mois, un plan en douze points pour sortir de la crise, et justifie son intervention actuelle par une “profonde préoccupation pour l’avenir du pays”. Au cœur de sa critique, Kabila cible le “faux procès” intenté contre lui. Selon ses termes, le Sénat a “illégalement et en violation de la Constitution” levé ses immunités d’ancien président et de sénateur à vie en mai 2025, ouvrant la voie à des poursuites par un tribunal militaire de Kinshasa. Il est accusé de trahison, crimes de guerre, meurtre, viol, torture, soutien à des insurrections armées et complicité avec l’AFC/M23. 

“Ces accusations, mensongères et politiquement motivées, ont été orchestrées par un pouvoir désespéré et incapable d’assumer la responsabilité de ses propres échecs”, affirme-t-il, soulignant l’absence totale de preuves tout au long du procès. Pour Kabila, ce n’est pas une quête de justice, mais une “stratégie pour faire taire l’opposition” et écarter un leader majeur, facilitant un régime sans contestation et une modification constitutionnelle pour un pouvoir indéfini.

L’ancien chef d’État étend sa dénonciation aux arrestations massives dans les forces armées. “Au cours des quatre dernières années, près de soixante hauts gradés de l’armée et de la police nationale ont été arrêtés et détenus sans jugement”, déclare-t-il, évoquant des cas de torture et de décès en prison dus au refus de soins médicaux. Plus récemment, depuis juillet 2025, des officiers supérieurs, dont l’ancien chef d’État-major général et le chef de la Maison militaire, ont été arrêtés, soupçonnés notamment de complot et de détournement voire, de renversement du gouvernement. 

Kabila y voit des “purges motivées par la volonté d’éliminer […] des personnes considérées comme loyales à l’administration précédente”. Il met en garde contre les conséquences : “En persécutant ces derniers, le régime affaiblit les FARDC, sape le moral des troupes et menace la sécurité même de l’État. Un leader qui emprisonne injustement ses propres généraux ne renforce pas la République, il la déstabilise.”

Sur le front économique, Kabila accuse le régime actuel de détourner l’attention de sa propre corruption. “Les fausses accusations de trahison ne servent qu’à détourner l’attention des nombreux cas de corruption, de mauvaise gouvernance, de tribalisme et de népotisme”, martèle-t-il. Il pointe du doigt l’implication de la famille et des alliés du président dans le “pillage des provinces du Katanga, riches en minerais”, tandis que les citoyens vivent dans une “pauvreté abjecte”. “Personne ne devrait parler de justice, alors qu’il est à la tête d’un système de prédation des ressources publiques”, ajoute-t-il.

Concernant la paix, l’ancien président juge insuffisant l’accord récent avec le Rwanda, notant que “l’effusion de sang se poursuit” avec des groupes armés comme les ADF, FDLR et CODECO, alimentés en armes par le gouvernement. “La réconciliation nationale ne sera pas atteinte grâce à ces accords ou des procès sélectifs. Elle nécessite un dialogue authentique, réunissant toutes les parties prenantes”, insiste-t-il, plaidant pour inclure chefs religieux, société civile, communautés et acteurs politiques.

Kabila condamne également la violence contre les missions diplomatiques. Lors d’une manifestation à Kinshasa il y a quelques mois, la milice “Forces du Progrès” a attaqué les ambassades des États-Unis, de France, du Kenya, d’Ouganda et du Rwanda, un acte qu’il qualifie d’“irresponsable” et contraire aux normes internationales.

Enfin, dans sa tribune, il lance un appel aux partenaires internationaux : “J’exhorte les partenaires du Congo à voir au-delà de la façade. Les procès, arrestations et persécutions […] visent à consolider le pouvoir, à éliminer l’opposition, et à distraire l’opinion publique de la corruption et de l’insécurité omniprésentes.” Réaffirmant sa foi dans le dialogue, Kabila martèle : “J’ai toujours cru et j’en ai toujours appelé au dialogue, comme la meilleure voie pour arriver à une véritable réconciliation nationale.” Il avertit que sans arrêt des violations des droits de l’homme et des poursuites politisées, “les conséquences dramatiques […] seront de la seule responsabilité du régime actuel”. “La politique des bouc-émissaires peut tromper le peuple pendant un certain temps, mais pas pour toujours”, conclut-il, signant en tant qu’ancien président de la RDC.

Stanis Bujakera Tshiamala