L’offensive de la rébellion de l’AFC/M23 appuyée par l’armée rwandaise et ayant conduit à l’occupation de la ville d’Uvira dans la province du Sud-Kivu, porte gravement atteinte à la crédibilité des initiatives diplomatiques en cours, notamment le processus de Washington entre Kinshasa et Kigali, ainsi que le processus de Doha entre Kinshasa et les rebelles, a indiqué vendredi 12 décembre, le gouvernement congolais aux diplomates et ambassadeurs accrédités en RDC, par le ministre d’État, ministre de la Justice et garde des Sceaux, Guillaume Ngefa, représentant sa collègue des Affaires étrangères. Selon lui, la crédibilité de ces processus requiert une rectification immédiate et vérifiable.
"Les processus de paix de Washington et de Doha sont gravement compromis. On ne peut négocier la paix à une table, tandis que son partenaire attaque sur le terrain. Leur crédibilité nécessite une rectification immédiate et vérifiable. C’est pourquoi, aujourd’hui, je lance un appel solennel à la communauté internationale d’abord, un : passer du constat à l’action, c’est-à-dire condamner clairement et sans équivoque l’agression rwandaise et l’occupation d’Uvira. Deuxièmement, exiger le retrait immédiat et vérifiable des forces du M23 et des forces rwandaises du territoire congolais", a déclaré le ministre Guillaume Ngefa.
Et de poursuivre :
"Troisièmement, appliquer des mesures conséquentes politiques, diplomatiques et économiques pour protéger la RDC et faire respecter le droit international. Quatrièmement, soutenir massivement la réponse humanitaire, c’est-à-dire garantir l’accès humanitaire et débloquer les fonds nécessaires pour éviter une catastrophe humanitaire. Cinquièmement, et enfin, réaffirmer un soutien concret aux institutions légitimes de notre pays, en particulier à notre armée, pour qu’elle remplisse son devoir constitutionnel".
Pour Kinshasa, les engagements solennels pris devant la communauté internationale ont été foulés aux pieds à peine quelques heures après la signature de l’accord de Washington. Le gouvernement, avec ses services spécialisés, a documenté et partagé des preuves de bombardements d’artillerie depuis le territoire rwandais, de la présence avérée des troupes rwandaises à la frontière, et de l’usage de drones kamikazes contre les civils.
"Nous avons alerté d’urgence les garants et facilitateurs de nos processus de paix : États-Unis d’Amérique, Qatar, Conseil de sécurité des Nations Unies, Union africaine. Nous avons demandé une réaction ferme pour préserver la crédibilité des accords. La réponse du Rwanda et du M23 a été une escalade militaire d’une brutalité inédite. Au lieu de cesser les hostilités, ils les ont intensifiées, renforçant leurs forces, violant ainsi la souveraineté congolaise de la manière la plus flagrante. C’est dans ce contexte que la ville stratégique d’Uvira, dans le Sud-Kivu, est tombée aux mains du M23, soutenu directement par les Forces armées rwandaises", a dénoncé Guillaume Ngefa.
Cette rencontre intervient dans un contexte où la ville d'Uvira, considérée comme stratégique dans le dispositif sécuritaire du gouvernement congolais dans la province du Sud-Kivu, est désormais passée sous le contrôle de la rébellion de l’AFC/M23, renforçant davantage son influence et sa mainmise dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu. Il s’agit d’un verrou essentiel susceptible d’ouvrir la voie à l’AFC/M23 vers l’espace Grand Katanga, considéré comme le poumon économique du pays.
La détérioration de la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC a coïncidé avec l’entérinement des accords de Washington signés entre Kinshasa et Kigali sous les auspices des États-Unis d’Amérique. Alors que ces accords étaient censés valider et encourager le cessez-le-feu souhaité par les médiateurs et plusieurs partenaires de la RDC et du Rwanda, la situation s’est au contraire dégradée, marquée par des accusations mutuelles entre les deux États quant à la responsabilité de la détérioration de la situation sécuritaire actuelle.
Après l’occupation de Bukavu en février 2025, le gouvernement de Kinshasa avait désigné la Uvira comme siège provisoire des institutions dans les zones encore sous contrôle gouvernemental dans la province du Sud-Kivu. L’AFC/M23, soutenu par le Rwanda et son armée, ayant désormais pris le contrôle d’Uvira, inflige, selon le chef de la diplomatie burundaise, une "gifle " à Washington, seulement quelques jours après la signature des accords censés ramener la paix dans la région des Grands Lacs.
Clément MUAMBA