Dans sa salle de réunion, vendredi 12 décembre, l’Institut de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence (Ebuteli) a organisé son premier atelier préparatoire de la phase deux Talatala+, axé sur la proposition de loi du député national Claude Misare, portant sur le service militaire obligatoire en RDC.
Placé sur le thème : « service militaire obligatoire en RDC : enjeux, faisabilité et perspectives citoyennes », cet atelier qui visait de clarifier les enjeux sécuritaires, juridiques, institutionnels et sociaux liés à ladite proposition de loi réintroduite à l’assemblée nationale, en enrichir l’état des lieux à partir des expériences et perceptions des participants et d'en formuler des pistes de propositions concrètes, avait réuni, outre les experts de Ebuteli, des hommes et des femmes issus de différentes structures.
Remontant l’historicité de l’armée congolaise, en mettant un accent sur la venue de l’AFDL de Laurent-Désiré Kabila, Nickson Kambale, expert au sein de Ebuteli, a souligné que la rébellion avait hérité d’une armée ayant cessé d’exister depuis les années 60, indiquant que Mobutu s’était concentré sur lui-même depuis l’avènement de la démocratie, privilégiant les ressortissants de sa communauté. Revenant sur la réforme de Mwando Simba père, qui voulait d’une armée avec autant de structures à son sein, M. Kambale estime que l’armée congolaise a une nature de structuration qui n’existe dans aucune organisation à travers le monde entier.
« Avec ce type d’armée, comment pouvons-nous encourager de loi pareille et avoir un service militaire obligatoire ? », s’est-il interrogé, avant d’ajouter : « le document de politique de la défense, c’est le premier que nous avons en 1960. On doit avoir aussi la doctrine de la défense et la stratégie de la défense. Ces deux documents n’existent pas jusqu’à ce jour. Comment peut-on prétendre élaborer une loi sur le service militaire obligatoire quand la structure elle-même n’existe pas? », regrettant que la loi sur la programmation militaire souffre de quotité budgétaire annuelle.
D’après Chantal Faida, écrivaine et actrice politique, les autorités doivent sonner le glas de la pratique dite « poissons pourris », révélé par Nicaise Kibel’Bel dans son ouvrage intitulé : « balkanisation de la RDC : mythe et réalité », dans lequel il a démontré que les officiers militaires Congolais qui sont payés et reconnus ainsi que leurs effectifs, ne reflètent pas la réalité. Citant l'auteur, Chantal Faida affirme qu’il y a environ 20% de policiers congolais actifs mais qui ne sont pas rémunérés, non pas parce qu'il y a pas daghen, mais à dessein. L’argent de ces 20% d’hommes en uniforme prend en charge d’autres éléments au sein des FARDC venus du Rwanda.
« Donc ces militaires prennent de l’argent des autres qui sont actifs, qui s’épuisent, qui donnent beaucoup à la nation mais ne sont pas pris en charge. Et au finish, ils vandalisent la population, ils commencent à vivre sur le dos de cette dernière », a-t-elle déclaré, appelant le député Claude Misare à comprendre au préalable l’état de lieu des militaires sur le front.
Yves Diabikulia, chercheur à l’observatoire congolais de suivi des activités de la police et services de renseignements estime, pour sa part, que la proposition de loi sur le service militaire obligatoire devrait prendre en compte la dimension des textes existants, relatifs à l’organisation des FARDC, aux réserves, aux carrières et à la mobilisation citoyenne et populaire.
Comme Nickson Kambale, M. Yves reconnaît tout aussi que le pays est dépourvu d’une doctrine claire et nette, surtout écrite et codée, laquelle doit permettre à ce que toutes les initiatives aient un lien direct avec celle-ci, susceptible d’être muée en ligne stratégique, opérative et tactique.
« Donc, sans cette doctrine existante, on peut faire des lois, mais qui peuvent juste s’opposer et se contredire entre elles et, parfois, reprendre les mêmes thématiques. Et ainsi, on n’aura pas l’efficacité sur des questions auxquelles on veut donner des réponses », explique-t-il, mettant en avant des réformes de l’appareil militaire, policier et des renseignements avant tout.
Lors des échanges, les participants se sont convenus de l'impératif de renforcer l'armée à travers notamment ce service militaire obligatoire garanti par la constitution du 18 février 2006 en son article 63, au regard des menaces des armées étrangères dont le RDF. Ils ont, par contre, relevé la ruine des centres de formation militaire à travers le pays, et la répulsion que les FARDC inspirent, à cause notamment de salaire dérisoire et de tant d'autres pratiques qui portent atteinte à son image.
Samyr LUKOMBO