M23/AFC à Goma : Jean-Baptiste Kasekwa plaide pour la diplomatie et une mobilisation populaire pacifique

Les déplacés de Sake arrivant à Goma
Les déplacés de Sake arrivant à Goma

Après d'intenses combats entre les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et la rébellion du M23, soutenue par le Rwanda, le gouvernement a perdu le contrôle de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu. La prise de la ville permet à la coalition M23-RDF d'élargir son emprise sur cette région stratégique.

Face à cette situation, quelles options s'offrent encore au gouvernement pour tenter d’inverser la tendance. Le député national honoraire Jean-Baptiste Muhindo Kasekwa prône une approche diplomatique, mais se montre sceptique quant à la capacité de l’administration Félix Tshisekedi à en tirer profit.

« Goma a été prise en 2012, mais grâce à la diplomatie et à la mobilisation populaire, la ville a été libérée. En 2008, c’était la même chose. Aujourd’hui, nous devons actionner le levier diplomatique », dit-il.

Toutefois, l’ancien député doute de l’efficacité de Félix Tshisekedi sur ce front, dénonçant l’isolement diplomatique de la RDC.

« Tshisekedi n’est pas un atout dans cette bataille. Il a multiplié les voyages, mais ils n’ont rien apporté. Le Congo se retrouve seul, sans alliés solides. Au Conseil de sécurité de l’ONU, aucune grande puissance ne soutient ouvertement notre cause, alors que l’agression rwandaise est flagrante. Personne n’ose sanctionner le Rwanda. C’est une preuve que notre président n’est ni écouté ni respecté sur le plan diplomatique », souligne-t-il.

Face aux échecs diplomatiques, Jean-Baptiste Muhindo Kasekwa propose une mobilisation populaire pacifique pour attirer l'attention de la communauté internationale.

« Il faut une mobilisation populaire organisée et non violente, à l’image de ce que font les Palestiniens et d’autres peuples en lutte. Mais attention, si ces manifestations prennent une tournure violente, elles deviennent contre-productives », prévient-il.

Il dénonce notamment les récents incidents devant certaines ambassades accréditées en RDC.

« Les scènes de violence que nous avons vues hier sont l’œuvre de groupes proches du régime. Cela dessert notre cause. Nous ne devons pas brûler des ambassades, mais plutôt les assiéger pacifiquement pour obtenir un soutien international. Si nous nous mettons à attaquer nos potentiels alliés, nous faisons le jeu de l’ennemi », indique-t-il.

L’ancien député de Goma s’interroge également sur la nomination du Général de Brigade Somo Kakule Évariste au poste de gouverneur militaire du Nord-Kivu, estimant qu’il s’agit d’un « cadeau empoisonné ».

« Cet officier supérieur a prouvé sa valeur, mais il hérite d’une situation désastreuse. La majorité de la province est aux mains du M23 et de l'armée rwandaise. Il ne lui reste que Beni et Butembo, qui tiennent grâce à la présence des troupes ougandaises. Comment va-t-il opérer dans ces conditions ? », s’interroge-t-il.

Il critique également la marginalisation des militaires compétents au profit de logiques tribales dans la chaîne de commandement.

« Depuis des années, ce général est dans la province, mais on ne lui a jamais confié le commandement des opérations. Aujourd’hui que la province est pratiquement perdue, on le nomme pour donner l’illusion d’un sursaut. C’est une manipulation politique », soutient-il.

Un autre défi de taille souligné est l’absence de ressources financières et administratives.

« Sans contrôle sur l'économie locale, sans administration fonctionnelle, que va-t-il faire ? Goma ne génère plus de recettes, et Kinshasa ne semble pas en mesure de fournir un appui conséquent. Il devra même se chercher un bureau à Beni ou Butembo. C’est une farce », pense-t-il.

Le Général de Brigade Somo Kakule Évariste a été élevé au grade de Général Major et nommé gouverneur militaire du Nord-Kivu par deux ordonnances présidentielles lues sur la RTNC, mardi 28 janvier 2025.

Il succède au Général Major Peter Cirimwami, qui assurait l’intérim depuis la mort du Général Constant Ndima, limogé en 2023. Peter Cirimwami est décédé des suites de ses blessures après avoir été touché le 23 janvier 2025 sur la ligne de front, à l’ouest de Goma, lors de violents affrontements entre les FARDC et le M23.

Alors que Kinshasa peine à mobiliser la communauté internationale, la situation sur le terrain continue de se détériorer. Les FARDC, en grande difficulté, tentent de restructurer leurs lignes, tandis que la coalition M23-RDF consolide ses positions.

Clément Muamba