Le président burundais Évariste Ndayishimiye a révélé vendredi son initiative de paix pour l’Est de la République démocratique du Congo, affirmant que son plan aurait pu aboutir à une stabilisation du conflit si toutes les parties avaient respecté leurs engagements. Mais la reprise des combats par le M23 et le manque de soutien de la communauté internationale ont réduit ses efforts à néant.
"Je sais que si ce plan avait été respecté, nous serions aujourd’hui en paix", a déclaré le chef de l’État burundais lors de son échange de vœux avec le corps diplomatique à Bujumbura. "Sacrifier le peuple congolais, tuer des millions de gens sous prétexte d’une menace, est-ce une solution ?"
Un plan en trois étapes pour pacifier l’Est de la RDC
Selon Ndayishimiye, son initiative visait à garantir la sécurité régionale en répondant aux préoccupations du Rwanda et de la RDC. Trois axes structuraient ce projet :
D’abord, la création d’une coalition régionale contre les groupes armés étrangers. Cette force multinationale devait combattre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et d’autres groupes armés non congolais actifs en RDC. "Si tous nous nous mettions d’accord pour éradiquer ces forces étrangères, le problème serait réglé", a-t-il assuré.
Ensuite, un cantonnement du M23 dans une zone sécurisée sous supervision régionale. Le président burundais affirme avoir directement échangé avec les responsables du mouvement rebelle, qui auraient accepté de se retirer dans une zone définie pour permettre leur identification et leur réintégration dans le processus de paix. Initialement, le site de Sabinyo avait été désigné, mais après inspection par des officiers burundais, il avait été jugé invivable. "Nous avons proposé Rumangabo, une zone où toutes les conditions étaient réunies", a-t-il expliqué.
Enfin, l’intégration du M23 dans le processus de Nairobi. Une fois cantonnés, les combattants du M23 devaient être inclus dans les discussions de paix pilotées par la Communauté d'Afrique de l'Est (EAC), afin de présenter leurs revendications par des moyens pacifiques. "J’avais convaincu le gouvernement congolais", a rappelé Ndayishimiye. "Kinshasa avait accepté qu’une intégration dans le processus de Nairobi soit envisagée si le M23 déposait les armes."
Un plan torpillé par la reprise des hostilités
Mais à la veille du début effectif du cantonnement, les rebelles ont relancé les hostilités. "Pourquoi ont-ils repris le combat alors que tout était prêt ?", s’est interrogé le président burundais. "Ils m’avaient dit qu’ils refusaient le cantonnement à Sabinyo parce que la zone était invivable. Nous leur avons offert Rumangabo, ils ont accepté. Mais au moment où nous allions commencer le mouvement, ils ont de nouveau pris les armes."
L’absence de garanties et de pression internationale pour imposer l’application de l’accord a également joué un rôle dans cet échec. "Que manque-t-il ?", a lancé Ndayishimiye à l’intention des diplomates présents. "La communauté internationale est ici. Pourquoi laisse-t-on les choses se détériorer comme par le passé ?"
Selon le chef de l’État burundais, l’instabilité persistante dans l’Est de la RDC constitue une menace pour l’ensemble de la région. "Ne croyez pas que cela ne concerne que le Congo", a-t-il averti. "Aujourd’hui, le Rwanda avance en RDC. Demain, il viendra au Burundi. Nous savons qu’il est en train de former des jeunes réfugiés burundais pour les aguerrir dans cette guerre. Nous sommes avertis."
Une impasse régionale
La situation a exacerbé les tensions entre le Burundi et le Rwanda. En janvier 2024, Bujumbura avait fermé ses frontières terrestres avec Kigali, accusant Paul Kagame de soutenir des groupes armés hostiles au Burundi. "Nous ne voulons pas d’une guerre généralisée, mais nous ne nous laisserons pas faire", a martelé Ndayishimiye.
Les relations entre le Burundi et la RDC restent, en revanche, solides. En août 2023, les deux pays avaient signé un accord de défense pour lutter conjointement contre les groupes armés opérant à l’Est de la RDC. Des unités burundaises avaient été déployées au Sud-Kivu dans le cadre de la force régionale de l’EAC. "Quand nous sommes arrivés au Sud-Kivu, la paix et la sécurité ont été rétablies", a affirmé le président burundais. "Nous avons travaillé à la réconciliation des communautés congolaises."
Mais face à la reprise des violences et à l’enlisement du conflit, le Burundi semble désormais impuissant à infléchir la dynamique du terrain. "Si nous laissons faire, les conséquences seront catastrophiques pour toute la région", a conclu Ndayishimiye, appelant la communauté internationale à prendre "au sérieux" la menace que représente, selon lui, l’instabilité dans l’Est de la RDC.