Éventuelle exclusion du cacao et du café congolais du marché de l'UE : une tripartite UE, Monusco et gouvernement envisagée parmi les mesures de riposte

Du cacao de la Tshopo
Du cacao de la Tshopo

Le gouvernement congolais, par le biais des ministres du Commerce extérieur, Julien Paluku Kahongya, et de la Communication et des Médias, Patrick Muyaya, a estimé que la décision de l'Union européenne d’envisager, dès l'année prochaine, le retrait du cacao et du café de la République démocratique du Congo (RDC) de son marché, en raison du règlement "zéro déforestation", ne se justifie pas. Pour ces deux membres du gouvernement, le café et le cacao congolais ne sont pas produits dans des zones victimes de déforestation, mais sur des terres arables. Par conséquent, ils ne devraient pas être sanctionnés.

"Quand l'Union européenne veut certifier le café ou le cacao, elle envoie des auditeurs pour venir vérifier. J'ai clairement indiqué que les derniers auditeurs sont passés en juin et juillet 2024, et le rapport de certification est sorti en août. C'est un rapport qui a une validité d'une année, ce qui signifie que c'est en août 2025 que l'on devrait normalement revenir en RDC pour voir s'il y a eu d'autres évolutions. Cette mesure ne doit pas se justifier, parce qu'il n'y a pas de cacao ou de café planté en 2024 qui va produire en 2024. Le café et le cacao nécessitent trois ans pour commencer la production. Donc, si on a certifié le café et le cacao en 2024, on ne peut pas dire que ces produits subiront la rigueur du règlement, étant donné qu'il faut attendre trois ans pour vérifier leur conformité avec les règles de déforestation. C'est une confusion", a dénoncé Julien Paluku Kahongya, lors d'une conférence de presse le lundi 30 décembre 2024.

Face à ce qu'il qualifie de "guerre économique" contre la RDC, Julien Paluku a indiqué que le gouvernement n’exclut pas d’appliquer la réciprocité en diplomatie commerciale et économique si l'Union européenne venait à mettre en œuvre cette décision, menaçant ainsi les intérêts du pays. Tout en rassurant les opérateurs économiques et les cultivateurs congolais de ne pas céder à la panique, le gouvernement a annoncé une série de mesures qui, selon Julien Paluku, seront approuvées par le Conseil des ministres.

Mesures annoncées par le gouvernement

  1. Renforcement du dialogue avec l’Union européenne via une tripartite impliquant l’UE, la Monusco et le gouvernement. "Pourquoi la Monusco ? Parce qu’elle est déployée dans les zones de conflit pour certifier que les champs de cacao ne sont pas issus de la déforestation. L’Union européenne doit expliciter son règlement, et le gouvernement expliquera sa position afin que la RDC sorte de la liste des pays accusés de déforestation", a précisé Julien Paluku.
  2. Renforcement des institutions nationales comme l'ANAPEX, l'ONAPAC et l'OCC pour établir une certification nationale. Julien Paluku a souligné que dépendre des certifications internationales expose le pays à des intentions malveillantes, rappelant les controverses autour du MOU signé entre l’Union européenne et le Rwanda pour des ressources que ce dernier ne possède pas.
  3. Délimitation des zones agricoles, forestières et urbanistiques, afin d'éviter toute confusion entre terres cultivables et espaces de conservation.
  4. Soutien à l’initiative du "Couloir vert Kivu-Kinshasa", reliant le Nord-Kivu et l’Ituri, principaux producteurs de cacao.
  5. Création d’un guichet unique pour la certification de tous les produits agricoles destinés à l’exportation.
  6. Dialogue avec les certificateurs internationaux comme FLOCERT et AFRICERT pour résoudre les obstacles liés à la certification.
  7. Accélération de la mise en place du "Kinshasa Mercantile Exchange" (KME), conformément à la décision du président Félix Tshisekedi lors de la 24e réunion du Conseil des ministres, tenue à Kalemie en novembre 2024. Le KME vise à garantir traçabilité, transparence, certification, valorisation économique et réduction des risques pour les acheteurs internationaux.
  8. Promotion des zones économiques spéciales pour encourager la transformation locale des ressources, comme la ZES de Musienene (Nord-Kivu), Miluna (Sud-Ubangi) et Kin Malebo (Kinshasa).
  9. Diversification des marchés internationaux, en explorant les opportunités offertes par l’AGOA pour les États-Unis et les pays asiatiques, qui concentrent une grande part des consommateurs mondiaux.
  10. Renforcement de la collaboration avec l’Union européenne, partenaire privilégié, pour établir des mécanismes de diligence raisonnée concernant les processus de production, transformation et commercialisation.

Le café et le cacao sont principalement produits dans les régions de Beni (Nord-Kivu), l'Ituri, la Tshopo et l’espace Grand Équateur. Cette communication du gouvernement fait suite à une alerte de la Fédération des entreprises du Congo (FEC) de Beni, dans le Nord-Kivu. La FEC avait exprimé sa préoccupation face à l'exclusion de ces produits du marché européen, une situation qui, selon elle, sape les efforts du pays pour restaurer sa place sur le marché international.

Clément MUAMBA