Justice en RDC : des États généraux, et après ?

Cérémonie d'ouverture des états généraux de la justice en RDC
Cérémonie d'ouverture des états généraux de la justice en RDC

Les États généraux de la justice en RDC vont s’achever à Kinshasa, après dix jours d’intenses travaux sous le thème ambitieux : « Pourquoi la justice congolaise est-elle qualifiée de malade ? Quelle thérapie face à cette maladie ? ». Cet exercice, qui a réuni plus de 3 500 participants, marque un moment important pour un secteur souvent considéré comme l’archétype des dysfonctionnements étatiques en RDC. Mais au-delà de la grand-messe, il est légitime de se demander : que restera-t-il de ces assises dans les mois et années à venir ?

Une ambition affichée

Dès l’ouverture, le président Félix Tshisekedi a voulu donner le ton en réitérant son ambition de faire de la RDC un pays où « nul n’est au-dessus de la loi ». Une justice réhabilitée, capable de protéger les citoyens et de poursuivre les délinquants économiques, est essentielle pour reconstruire un État de droit. Les discussions ont permis d’aborder des sujets brûlants : la lutte contre la corruption, la réforme du code pénal et l’adaptation du système judiciaire aux nouvelles formes de criminalité. Même l’Inspection Générale des Finances (IGF) a rappelé l’urgence de doter le pays d’outils juridiques modernes pour combattre le détournement de fonds publics.

Un scepticisme tenace

Pourtant, malgré ces annonces prometteuses, le scepticisme reste de mise. L’histoire récente n’est pas rassurante : les États généraux de 2015 avaient accouché de 350 recommandations, dont seulement 0,8 % avaient été appliquées. Le système judiciaire, gangrené par la corruption, les lenteurs administratives et l’impunité, peine à se réformer de l’intérieur. Les syndicats de magistrats n’ont d’ailleurs pas manqué de souligner les failles dans l’organisation des assises, pointant du doigt un risque de déconnexion entre les intentions affichées et la réalité du terrain.

L’impératif de passer à l’action

Le report de la clôture de trois jours, pour approfondir les discussions, pourrait être perçu comme une volonté d’éviter un énième exercice de façade. Mais prolonger les débats ne garantit pas l’efficacité des mesures. La véritable bataille se jouera sur le terrain de la mise en œuvre. Les projets de loi soumis lors des travaux devront rapidement franchir les étapes législatives pour démontrer que ces États généraux ne sont pas qu’un énième symbole d’un État en quête de crédibilité.

La justice, pierre angulaire de l’État de droit

Dans un pays où la justice est souvent perçue comme un instrument au service des puissants, réussir ces réformes serait une victoire majeure pour la RDC. Une justice indépendante, accessible et efficace est non seulement un fondement de l’État de droit, mais aussi une condition indispensable pour attirer les investissements et restaurer la confiance des citoyens.

Le risque de la routine

Le président Tshisekedi a promis que ces assises marqueraient un tournant. Mais sans une volonté politique claire et une mobilisation des moyens adéquats, le spectre de l’immobilisme plane. Les résolutions risquent de rejoindre la longue liste des réformes enterrées dans les tiroirs de l’administration.

Les États généraux de la justice ont été une opportunité unique pour diagnostiquer les maux du système judiciaire congolais. Mais l’histoire nous rappelle que de belles intentions, sans un suivi rigoureux et des résultats concrets, ne suffisent pas. La balle est désormais dans le camp des autorités congolaises, qui devront démontrer que ces assises ne furent pas qu’un exercice de style, mais bien le début d’une révolution judiciaire tant attendue.