Le ministre d’État et ministre de la Justice, Constant Mutamba, a déposé jeudi quatre propositions de loi à l'Assemblée nationale, relançant le débat sur des réformes judiciaires qui avaient suscité une vive controverse par le passé. Les textes en question portent sur l'organisation, le fonctionnement et la compétence de l'ordre judiciaire, le Conseil Supérieur de la Magistrature, le statut des magistrats, ainsi que sur la loi régissant le barreau.
Ces propositions de loi avaient été examinées lors de précédentes législatures mais n'avaient jamais été promulguées ni transmises pour promulgation, selon les précisions fournies par l'Assemblée nationale.
"Nous souhaitons que l’Assemblée nationale transmette de nouveau et officiellement ce texte au chef de l’État pour qu’il puisse le promulguer", a déclaré Constant Mutamba. Le président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, a promis de soumettre ces propositions à la commission PAJ (Politique Administrative et Judiciaire) pour un réexamen avant leur adoption en plénière.
Cependant, cette initiative suscite des interrogations. Ithiel Batumike, chercheur principal au pilier politique de l'Institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence (Ebuteli), a exprimé des réserves quant à la procédure suivie par le ministre.
"Les arriérés législatifs ne concernent qu'une législature bien précise. À l'expiration de celle-ci, toutes les matières non examinées deviennent caduques", a-t-il rappelé, ajoutant que "le gouvernement dépose des projets de loi, et non des propositions de loi, qui sont l’initiative des députés ou sénateurs."
Batumike a également soulevé des doutes sur la régularité de la démarche, faisant allusion à l'affaire Célestin Tunda ya Kasende en 2020, lorsque l'ancien ministre de la Justice avait transmis des avis gouvernementaux à l'Assemblée nationale sans l'aval du conseil des ministres, provoquant une crise politique majeure. Il a mis en garde contre un possible retour à des textes de loi similaires à ceux proposés par les députés Aubin Minaku et Gary Sakata, qui avaient provoqué une vague de protestations en 2020.
Le contexte politique rappelle les tensions passées : ces propositions de loi avaient été perçues comme une tentative de l’ancien régime du FCC (Front Commun pour le Congo) de saper l’indépendance du pouvoir judiciaire et de protéger des intérêts politiques. "L’analyse approfondie de ces propositions révèle la volonté de violer la constitution pour des calculs politiciens", indiquait un communiqué de l'UDPS à l'époque.
De son côté, Constant Mutamba a réitéré sur Twitter l'engagement du gouvernement à poursuivre les réformes judiciaires : "Le Chef de l’État nous a nommés pour redresser notre justice et redorer son image. Rien n'arrêtera cet engagement ferme du Magistrat Suprême. Les réformes courageuses en cours vont se poursuivre à la satisfaction générale de notre peuple."
Cette initiative législative relance donc un débat sensible sur l’indépendance de la justice en RDC.
"Ceux qui avaient protesté contre les propositions Minaku et Sakata doivent pour leur crédibilité et cohérence se tenir prêts à dire à nouveau non à ces propositions de loi que l'on veut déterrer", a conclu Ithiel Batumike.