La mesure prise par le gouvernement central, sur instruction du Président Félix Tshisekedi, portant suspension des motions et pétitions dans les institutions provinciales, continue de susciter des réactions au sein de l’environnement sociopolitique congolais. Elle intervient dans un contexte de fortes tensions observées depuis l’ouverture de la session ordinaire de septembre 2025.
Si pour les autorités, cette décision vise à préserver la stabilité institutionnelle dans un contexte marqué par l’agression rwandaise via la rébellion de l’AFC/M23, les principaux concernés les députés provinciaux appellent à aller au-delà des simples communications politiques pour examiner les causes profondes des tensions récurrentes au sein des institutions provinciales.
Cette position a été défendue, lundi 10 novembre 2025, par les présidents des assemblées provinciales lors d’une rencontre à la Primature avec la Première ministre Judith Suminwa Tuluka. Les dirigeants des organes délibérants provinciaux ont échangé avec la cheffe du gouvernement sur la situation générale de leurs provinces.
"L’actualité reste dominée par la situation politique dans les provinces, notamment ce que certains appellent instabilité au niveau des institutions provinciales. Nous avons demandé à Son Excellence Madame la Première ministre, cheffe du Gouvernement, d’aller au-delà de la communication faite par le VPM, ministre de l’Intérieur. Il s’agit certes de la volonté du Chef de l’État, mais il faut désormais réfléchir sur la matérialisation de cette décision, en analysant les causes profondes de ce qu’on appelle instabilité, poser un diagnostic approprié et trouver une thérapie adéquate. Autrement, on risque de soigner les symptômes sans s’attaquer à la cause", a déclaré Mateus Kanga, président de l’Assemblée provinciale de la Tshopo et porte-parole du groupe, à l’issue de la réunion.
Face à ces préoccupations, la Première ministre, attentive, a rassuré la délégation quant à la volonté du Chef de l’État de garantir le bon fonctionnement des institutions provinciales et l’engagement du gouvernement à œuvrer pour leur stabilité. Elle a exhorté les élus provinciaux à ne pas faire du contrôle parlementaire un instrument de règlement de comptes, surtout dans un contexte sécuritaire tendu à l’Est du pays.
"Madame la Première ministre a été très attentive. Elle nous a précisé que ni elle, ni le gouvernement, ni le Chef de l’État ne veulent priver les assemblées provinciales de leurs prérogatives. Elles doivent continuer à exercer leur pouvoir de contrôle, mais sans que cela ne devienne un moyen de règlement de comptes. Il faut respecter les procédures, les normes et agir de bonne foi, tout en tenant compte de la situation actuelle du pays, qui traverse des moments difficiles dans certaines régions en guerre", a ajouté Mateus Kanga.
En dehors de la question de l’instabilité institutionnelle, la gouvernance provinciale a également été évoquée, notamment le suivi rigoureux des investissements publics. La Première ministre a rappelé que ce suivi devait être assuré conjointement par les députés provinciaux, l’Inspection générale des finances (IGF), la Cour des comptes et les autres organes de contrôle. Les présidents des assemblées provinciales ont par ailleurs exprimé leurs vives préoccupations face aux arriérés de salaires, estimés à sept mois d’impaiement. Ils ont sollicité l’intervention de la cheffe du gouvernement pour y remédier.
"Les assemblées provinciales comptent aujourd’hui sept mois d’arriérés. La situation s’est aggravée depuis notre dernier passage ici. La Première ministre nous a rassurés qu’elle échangera avec les ministres du Budget et des Finances pour trouver des solutions rapides. Cette question touche non seulement les élus, mais aussi les populations qu’ils représentent, car les députés provinciaux jouent souvent un rôle social important dans leurs circonscriptions", ont plaidé les représentants provinciaux.
Le gouvernement congolais, par le biais du Vice-Premier ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, avait demandé aux bureaux des assemblées provinciales d’adopter une résolution suspendant les motions et pétitions "pendant cette période de guerre".Cette instruction fait suite à une vague d’instabilité dans plusieurs provinces, marquée par la destitution récente de plusieurs gouverneurs et présidents d’assemblées provinciales.
S’exprimant le 5 octobre à Kinshasa, devant les gouverneurs des 26 provinces et les membres des bureaux des assemblées provinciales, Jacquemain Shabani avait rappelé les directives du Chef de l’État émises lors des précédentes conférences des gouverneurs. Il avait déploré le non-respect des engagements pris pour garantir un fonctionnement harmonieux des institutions provinciales et dénoncé la multiplication des initiatives parlementaires, souvent en violation du droit de réponse.
Clément MUAMBA